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Le temps d’une matinée à l’ENM, Didier Migaud a échangé ce 18 novembre avec les élèves-auditeurs de la promotion 2024. Le garde des Sceaux a également profité de sa venue pour évoquer la continuité de la réforme de la justice initiée par Éric Dupond-Moretti, la nécessaire indépendance des magistrats, au cœur d’une actualité tumultueuse, et l’objectif de 15 000 places supplémentaires en prison revu à la baisse.
Il multiplie les déplacements
symboliques depuis plusieurs semaines. Ce lundi matin, Didier Migaud a mis le cap
sur l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Accueillie par la directrice de
l’établissement, Nathalie Roret, le premier président de la Cour de cassation Christophe
Soulard, et le procureur général de la Cour de cassation Rémy Heitz, la visite
de courtoisie imputable à l’agenda traditionnel des nouveaux gardes des Sceaux s’est
déroulée au sein du nouveau site bordelais de l’école.
Changement de dimension
Baptisé Archipel, ce
quatrième bâtiment[1]
situé sur les grands boulevards a ouvert le 27 mai dernier. Fruit d’un « double
effort », selon le procureur général, « celui d’une école qui
a travaillé sans relâche » et « d’une nation qui a choisi
d'investir massivement pour recruter des magistrats et améliorer le
fonctionnement du service de la justice », ce site entend recevoir des
promotions de plus en plus importantes. A l’image du cru 2024, qui a fait le
choix de se baptiser en l’honneur du magistrat disparu en mai dernier, Renaud
Van Ruymbeke, et dont le casting entend témoigner de l’ambition de cette école,
en matière de recrutement et de modernisation du corps judiciaire.
À lire aussi : Nouveau
concours professionnel d’accès à la magistrature : une formation qui veut «
renforcer l’adaptabilité des futurs magistrats »
Composée de 459 auditeurs
âgés de 22 à 51 ans (ils étaient 261 en 2022 et 380 en 2023), la dernière
promotion reflète un véritable changement de dimension pour l’ENM, qui a
nécessité le recrutement de 30 formateurs supplémentaires permanents ainsi que
la création de 59 emplois.
Effet direct de la réforme de
la justice promulguée en 2023 et du plan massif de recrutements annoncé, cette
étape s’accompagne également d’une réforme des voies d'accès à la magistrature.
Dès le printemps 2025, les futurs élèves de l’ENM recrutés sur titre[2] seront effectivement sélectionnés
par un nouveau concours professionnel aux conditions plus flexibles que
son prédécesseur.
Messages personnels
Face aux élèves magistrats présents
dans l’amphithéâtre ou « connectés » en duplex depuis le site
historique de l'école rue des Frères Bonie, Didier Migaud a rappelé
l’importance de l’indépendance de leur corps de métier. « [Elle] n'est
ni un privilège ni une protection, elle constitue un élément fondamental de la
confiance de nos concitoyens en la justice. Voilà pourquoi elle est pour chaque
magistrat une responsabilité et un devoir (…) Ce rôle vous oblige et impose un
comportement déontologique irréprochable ».
Une déclaration à la
résonnance particulière, dans une actualité judiciaire marquée par les sorties
récentes de Marine Le Pen, indignée de sa potentielle « mise à mort
politique », dans le cadre de l’affaire dite des « emplois fictifs
européens » et pour lequel le parquet vient de réclamer une peine
d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire. Titillé à ce sujet le
temps d’un questions-réponses accordé aux journalistes, le Garde des Sceaux a soutenu
qu’il était « inconcevable » que la justice, « protégée par la collégialité »,
soit partiale, et qu’il était important de « faire la distinction
entre le réquisitoire et la décision du siège ».
Une confiance à retrouver
Cheval de bataille de
l’institution judiciaire, la « perte de confiance » des
citoyens français à l’égard de la justice française figurait également au
sommaire de l’allocution du ministre de la Justice.
À lire aussi : Devant les
députés, Didier Migaud annonce une hausse de 250 millions d’euros de la
prévision de budget pour la justice
Prenant pour exemple le rapport
des Français à la justice » réalisée en 2021 par le Sénat, Didier Migaud a
insisté sur l’urgente nécessité « d’augmenter davantage encore [la]
communication [du ministère], en particulier au niveau des juridictions, pour
mieux valoriser [son] action, expliciter les décisions rendues, défendre les
magistrats et personnels de justice qui peuvent être attaqués », en martelant
que chacune de ses interventions doit être guidée « par la volonté de
regarder la réalité en face ».
Ce, non sans une petite pointe
de cynisme destinée à la majorité de Français qui, selon ce même rapport, perçoit
très négativement l’institution… tout en connaissant mal son organisation :
« Comme quoi, on peut porter une mauvaise appréciation même quand on ne
connaît pas ».
Le plan 15 000, un
objectif « intenable »
Dans la même lignée, le garde
des Sceaux a tenu à démystifier l’image d’une justice laxiste : « la
durée des peines aujourd'hui est plus longue qu'hier et nous n'avons jamais eu
autant de détenus dans notre prison ».
Didier Migaud a cependant confirmé
que seraient revues à la baisse les ambitions affichées pour 2027 qui promettaient
près de 15 000 places de prison, comme il l’avait annoncé le 10 novembre
dernier à plusieurs médias. « Nous sommes en retard. Cela s’explique
par plusieurs raisons : des difficultés foncières, des oppositions qui
peuvent exister au niveau des élus, au niveau de populations, des recours. Il
faut que nous puissions prendre un certain nombre de mesures pour nous efforcer
de le rattraper et de tenir les engagements qui ont pu être pris ».
Qualifiées « d’objectif
intenable » durant ses échanges avec les auditeurs, ces 15 000 places
devraient être l’objet d’un « discours de vérité » prononcé
mardi 19 novembre devant la commission des lois du Sénat.
Laurène Secondé
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