Alors que la grippe est
particulièrement virulente cet hiver, les arrêts de travail pleuvent depuis
quelques semaines. L’avocate Anne Pineau rappelle la marche à suivre côté salarié
et côté employeur pour un arrêt sans accroc.
En cas de problème de santé,
les salariés peuvent se mettre en arrêt de travail. Une période qui peut
déstabiliser le fonctionnement d'une entreprise. L'occasion de faire le point
sur les règles qui l'encadrent, tant pour le salarié que pour l'employeur.
L’obligation de justifier
médicalement la suspension du contrat de travail
Lorsque l’état de santé du
salarié ne lui permet pas de travailler, ce dernier doit se faire examiner par son
médecin traitant afin d’établir, par l’arrêt de travail, l’incapacité médicale
à exercer son activité professionnelle. Lors du rendez-vous médical, le plus
souvent, le médecin transmettra par voie dématérialisée l’arrêt de travail
(volet 1 et 2) à la CPAM.
Le salarié doit informer son
employeur (appel téléphonique, sms, mail etc..) dans un délai de 48 heures. Il
est important de préciser que le non-respect du délai de 48 heures n’emporte
aucune sanction à l’égard du salarié. Le salarié doit également transmettre le
volet 3 de l’arrêt de travail à son employeur. En tout état de cause,
l’employeur ne peut à aucun moment refuser l’arrêt de travail communiqué par le
salarié. Il ne peut se faire juge de l’état de santé de son salarié.
Si le salarié n’informe pas son
employeur ou s’il ne lui adresse pas le feuillet n°3 de l’arrêt de travail,
alors l’employeur doit acter par écrit son manquement en lui adressant un
courrier recommandé pour qu’il justifie de son absence. Si le salarié lui
répond en lui adressant l’arrêt de travail tardivement, il doit considérer son
absence comme justifiée. A l’inverse, si le salarié ne justifie pas de son
absence malgré une première demande, l’employeur doit lui adresser un nouveau
courrier recommandé d’avoir à justifier de son absence dans un délai déterminé.
Si le salarié ne répond pas, il peut engager une procédure de licenciement pour
absence injustifiée.
La relation contractuelle
pendant la période de suspension
La suspension du contrat de
travail pour maladie emporte diverses conséquences sur le contrat de travail. D’une
part, dès lors que le salarié justifie de son absence par un arrêt de travail
médicalement justifié, il ne peut pas exercer son activité. Ainsi, l’employeur
ne peut pas lui demander de poursuivre son activité.
En outre, si l’employeur
constate que son salarié poursuit son activité malgré l’arrêt, il doit
immédiatement faire cesser la situation (via la DSN en précisant à la CPAM
qu’il s’agit d’une reprise anticipée afin de faire cesser le versement des indemnités).
Si le salarié poursuit son activité alors même qu’il est en arrêt de travail et
perçoit à ce titre des indemnités journalières, alors la CPAM pourra lui
demander le remboursement. Si l’employeur laisse le salarié poursuivre son
activité, sans le lui interdire, en cas de remboursement par le salarié des
indemnités journalières perçues, alors ce dernier pourra se retourner contre
son employeur pour solliciter des dommages-intérêts.
En conclusion, un salarié en
arrêt de travail ne peut pas poursuivre son activité professionnelle. Il est à
noter que pour les besoins de l’activité, l’employeur peut exiger du salarié
que ce dernier lui remette le matériel ou les informations en sa possession. D’autre
part, la suspension du contrat de travail ne suspend pas les obligations du
salarié. Ainsi, ce dernier doit toujours respecter l’obligation de loyauté à
l’égard de son employeur. De sorte que si le salarié exerce une activité
concurrente à celle de son employeur pendant son arrêt de travail, il commet
une faute, qui pourra être sanctionnée par un licenciement.
La rupture du lien
contractuel pendant l’arrêt de travail
Par principe, un salarié ne
peut être pas être licencié à raison de son état de santé (cette situation ne
doit pas se confondre avec l’inaptitude qui est établie par le médecin du
travail et s’impose à l’employeur). Un licenciement fondé sur l’état de santé
du salarié est discriminatoire et sera considéré comme nul, entraînant pour l’employeur
soit la réintégration du salarié, soit des dommages et intérêts au-delà des
indemnités visées dans le Barème Macron dès lors qu’il s’agit d’un motif
discriminatoire.
Pour autant, les obligations
du salarié inhérentes à son contrat de travail perdurent pendant l’arrêt de
travail. De ce fait, un salarié qui ne respecte pas son obligation de loyauté à
l’égard de son employeur peut être licencié sur ce fondement. Le licenciement
sera fondé sur la faute grave du salarié.
L’obligation de loyauté peut
concerner le dénigrement de la Société vis-à-vis des clients que le salarié
aurait pu contacter pendant son arrêt. Elle peut aussi concerner l’exercice
d’une activité concurrente à la Société. Sur ce point, il conviendra de se
constituer la preuve de la réalité de la situation et être prudent dès lors que
la jurisprudence considère qu’un salarié auto-entrepreneur peut continuer à
exercer son activité individuelle. Au demeurant, la jurisprudence a jugé comme
fondé le licenciement d’un salarié, travaillant pour son compte d’une activité
concurrente de celle de son employeur. De même, le non-respect de l’obligation
de loyauté a été retenue pour un salarié qui avait tenté de détourner la clientèle
de son employeur ou encore de refuser de donner ses codes d’accès à des
fichiers informatiques nécessaires à la Société.
Un salarié pourra être
également licencié pour désorganisation de l’entreprise. Pour autant, ce motif
est à manier avec prudence dès lors que la jurisprudence a posé les conditions
pour considérer ce motif de licenciement comme fondé. En premier lieu, ce motif
ne peut s’appliquer que pour des arrêts de travail d’origine
no-professionnelle. Il est bien évident que vous ne pouvez pas licencier un
salarié victime d’un accident du travail à raison de la désorganisation de
l’entreprise.
En second lieu, pour apprécier
la désorganisation de l’entreprise pouvant fonder le licenciement, l’employeur
devra se constituer des preuves et démontrer : 1) la désorganisation du
service ou de l’entreprise (pour apprécier la désorganisation de
l'entreprise, le juge tient notamment compte du nombre et de la durée des
absences, de la taille de l'entreprise et de la nature des fonctions exercées
par le salarié ; 2) la nécessité de remplacer définitivement le salarié
(ou de le remplacer par un autre salarié de l’entreprise qui devra être
également remplacer de manière définitive). A défaut de rapporter la preuve des
deux conditions susvisées, le licenciement pour désorganisation de l’entreprise
ne sera pas fondé.
Enfin, certaines conventions
collectives comportent des clauses dites « de garantie d'emploi », qui
interdisent à l'employeur de licencier le salarié malade pendant une période
donnée même si son absence perturbe l'entreprise. Le licenciement prononcé en
violation d'une telle garantie est abusif.
En troisième lieu, un salarié
en arrêt de travail peut être licencié pour un motif économique (en respectant
la procédure en la matière et notamment s’agissant des critères d’ordre). En
quatrième lieu, la Chambre sociale de la Cour de Cassation admet le recours à
la procédure de rupture conventionnelle pour un salarié en arrêt de travail. Bien
évidemment, pour que cette rupture soit valable, il est nécessaire d’obtenir le
consentement clair et éclairé du salarié. Il conviendra donc de s’assurer que le
salarié signe en toute connaissance de cause et sans contrainte.
En conclusion, un salarié en
arrêt de travail doit informé son employeur le plus rapidement possible et
justifier de son incapacité à exercer son activité professionnelle. De son
côté, l’employeur ne peut pas refuser l’arrêt de travail de son salarié et ne
peut pas le faire travailler pendant son arrêt. Enfin, pendant la suspension du
contrat du travail, les obligations contractuelles demeurent et doivent être
respectées de part et d’autre.
Anne
Pineau
Avocate
(Oratio Nantes)