Le droit de l’art
existe-t-il ? En réalité, il n’existe pas de corpus de normes juridiques spécifique
à l’art, pas de Code du droit de l’art car le droit de l’art n’est pas une
discipline juridique à part entière. Pourtant, cette discipline n’échappe pas à
la réglementation. Plus précisément, les acteurs de l’art que sont les
artistes, galeristes, maisons de ventes aux enchères, marchands, musées,
collectionneurs, fondations, comités d’artistes, assureurs… ainsi que leurs opérations,
achats, ventes, exportations, libéralités, expositions, couverture des risques…
sont soumis aux normes légales.
L’intervention du
droit sur ces acteurs et ces opérations est involontaire et automatique. En
effet, dès lors qu’apparaît un artiste ou qu’une opération sur une oeuvre d’art
est réalisée, le droit s’en saisit. Prenons un exemple : si une personne peint
dans le secret de son atelier et qu’elle n’a jamais exposé ses tableaux (qui ne
sont pas encore des « oeuvres » et encore moins de l’ « art »), que se passe-t-il ?
Le droit ne s’intéresse
ni à son activité de peintre, ni à ses tableaux, jusqu’au jour où cette
personne décide d’exposer ses toiles dans une galerie. Ce peintre en herbe
devient alors légalement un « artiste » qui bénéficie de la législation
sur le droit d’auteur ainsi que de la Sécurité sociale des artistes.
Ce qui n’était qu’un
« tableau » devient une œuvre d’art ! Si le peintre vend ses œuvres à la galerie, le droit
de la vente s’appliquera ; en revanche s’il les met en dépôt, ce sera le droit
du dépôt. Si ses toiles se vendent, il en percevra un gain qui sera soumis à l’impôt
et donc au droit fiscal. Il pourra également vouloir exporter ses peintures à l’étranger,
en faire donation… Là encore, la soumission au droit sera inévitable.
Par conséquent, le
droit de l’art est davantage perçu comme étant un domaine plutôt qu’une
discipline juridique homogène, domaine où se rejoignent toutes les disciplines
du droit français et du droit de l’Union européenne, voire du droit
international.
Point important,
chacune de ces disciplines peut contenir en son sein des règles particulières, favorables
ou non, applicables aux acteurs de l’art et à leurs opérations. Aussi, la vente
aux enchères d’œuvres d’art fait-elle l’objet d’une réglementation dérogeant au
droit commun de la vente.
C’est donc l’ensemble
de ces dispositions juridiques dérogatoires que l’on peut considérer comme constituant
« le droit de l’art », et que l’Institut Art & Droit a placé au centre
de ses activités depuis maintenant vingt ans. L’Institut Art & Droit, lieu
d’échanges et d’études entre juristes spécialisés et acteurs du monde de l’art,
a aujourd’hui le plaisir de contribuer à ce numéro du Journal Spécial des
Sociétés consacré au droit de l’art. Les auteurs des articles composant cette parution,
tous membres de l’Institut Art & Droit, ont choisi de présenter des sujets
rendant compte de diverses problématiques inhérentes au droit de l’art. Le
lecteur pourra ainsi mesurer combien le lien entre l’art et le droit est tout
aussi inévitable que passionnant !
Gérard Sousi,
Président de l’Institut Art & Droit