Réuni en assemblée plénière le 13
septembre, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a adopté un
avis qui dresse une situation préoccupante des « parcours de peine »,
observant que le recours aux alternatives à la prison reste en-dessous des
objectifs. Il recommande notamment l’adoption d’une convention prévoyant, « à
partir d’un certain seuil d’occupation, l’identification de solutions de sortie [anticipée] ».
Le CESE avait déjà consacré, en 2019, un avis sur « la
réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes ». Quatre ans après, il « centre
sa nouvelle réflexion autour du parcours pénal et de ses enjeux » dans
un avis dédié au « sens de la peine », ayant pour rapporteurs Alain
Dru, ex éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, et Danièle
Jourdain-Menninger, ex inspectrice générale des affaires sociales.
Pour analyser les évolutions en la matière durant cette période,
l’assemblée constitutionnelle a consulté des avocats, magistrats, conseillers
pénitentiaires d'insertion et de probation, associations de réinsertion et d'aide
aux victimes, et organisé deux journées d’observation, au tribunal judiciaire
de Bobigny et à la maison d'arrêt de Nanterre.
Après une analyse approfondie des parcours de peine, le CESE
tire la sonnette d’alarme et pointe une détérioration de la situation
carcérale. Il souligne d’abord que la surpopulation carcérale ne cesse de
croître chaque trimestre et que l'objectif de renforcer les alternatives à la
détention - pourtant porté par deux lois récentes - n'a pas été atteint.
Il constate également que les inégalités sociales, telles que
la précarité, les addictions et les fragilités, se perpétuent au sein du
système pénal, ce qui rend la réinsertion plus difficile et augmente les
risques de récidive.
De plus, le CESE rapporte un « grand écart budgétaire
entre les sommes considérables investies dans la construction de nouvelles
places de prison et les budgets consacrés à la réinsertion, aux alternatives à
la détention et aux aménagements de peine » ; tendance est
renforcée par le fait que des infractions entraînant des peines de prison sont
constamment créées, tandis que les alternatives restent d’un usage limité.
Enfin, l’assemblée constitutionnelle note que la prison
constitue souvent « le choix le moins risqué », mais aussi la
réponse immédiate à l'attente de sanction, et que si la surveillance
électronique est de plus en plus utilisée, souvent mise en place sans
accompagnement, elle n'offre que peu d'avantages en termes de réinsertion.
Trois priorités identifiées
Le CESE a par ailleurs défini trois priorités qui doivent
être « un préalable » aux propositions d’actions listées dans
son avis rendu le même jour. En premier lieu, promouvoir une meilleure
compréhension de la peine par les victimes, les personnes condamnées et la
société dans son ensemble. En effet, le Conseil observe que la justice pénale
et certains de ses principes, tels que la présomption d'innocence ou la prescription,
sont régulièrement mal interprétés, ce qui engendre des malentendus. Il est
donc nécessaire selon lui d’améliorer l'accompagnement des victimes dès le
début et à chaque étape du processus.
En second lieu, le CESE appelle à considérer la question de
la dignité de la punition. Cela inclut la nécessité de réduire l'utilisation de
la détention provisoire, de mettre en place une peine de probation indépendante
de l'emprisonnement et d'instaurer une gestion carcérale à la sortie. Cette
gestion ne vise pas à empêcher les juges de prononcer des condamnations. Elle
implique qu’ « au-delà d’un certain seuil d’occupation des
établissements, une nouvelle entrée en prison impose l’identification, par les
autorités judiciaires et les services pénitentiaires et de la réinsertion, de
solutions pour libérer une place en détention ».
Troisième priorité : personnaliser la sanction en
permettant au système judiciaire de prendre des décisions éclairées. Ces
dernières doivent, selon le Conseil, se baser sur des informations concrètes,
précises et exhaustives concernant la situation de l'individu, afin de de
déterminer la peine la plus efficace pour prévenir la récidive et favoriser la
réintégration sociale.
Zoom sur les recommandations
Au titre des 19 recommandations contenues dans l’avis
qu’il a adopté à l’issue de l’assemblée plénière, le CESE recommande notamment
que le Parlement réalise régulièrement une évaluation complète des infractions
et des sanctions. Cette démarche permettrait d'examiner leur pertinence et leur
efficacité, de réduire le nombre de délits punis par de courtes peines de
prison et de garantir une cohérence générale.
Il suggère en outre de mettre en place une approche globale
pour réduire la détention provisoire. Cela pourrait inclure la
décriminalisation de certains délits, la limitation de sa durée selon la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et une justification
plus approfondie de son utilisation en expliquant pourquoi d'autres
alternatives ne seraient pas efficaces.
Par ailleurs, le CESE préconise de mettre en œuvre une
régulation carcérale en établissant une convention prévoyant qu'à partir d'un
certain niveau d'occupation, des « solutions de sortie »
seront identifiées pour les personnes « susceptibles d’être libérées de
façon anticipée » (libération sous contrainte, réductions
supplémentaires de peine, conversion du reliquat de peine…). Une démarche qui
impliquerait la collaboration des autorités judiciaires, pénitentiaires,
d'insertion et de réinsertion, et la coordination du processus au niveau des
cours d’appel.