Toutes les PME créent de la
propriété intellectuelle/industrielle (PI), parfois même sans le savoir. Si les
grandes entreprises ont bien intégré la notion de PI, les PME sont en
revanche encore à la traîne, en n’ayant pas ou peu anticipé les risques
d’atteinte en la matière, considérés pourtant comme élevés.
Crédibilité, stratégie de développement à
l’international, défense, recherche de collaborations… les raisons qui poussent
un dirigeant de PME à vouloir « sécuriser » ses idées sont
nombreuses. A fortiori aujourd’hui où la concurrence est omniprésente et
où l’innovation est devenue le critère différenciant. Qu’il s’agisse de
marques, de brevets, de dessins et modèles nationaux/communautaires/internationaux…
l’entreprise doit pouvoir protéger ses idées.
Étape
essentielle, trop souvent oubliée, le dépôt de brevet reste crucial dans la
création d’une entreprise et le développement d’un produit, en protégeant tout
en valorisant le potentiel de R&D et d’innovation des entreprises,
notamment aux yeux des investisseurs. Un critère de crédibilité donc qui
pourrait faire la différence, les entreprises déposant
des brevets ayant trois fois plus de chance de réussir que celles qui n’en
publient pas. Les
Chinois l’ont bien compris, ceux qui en déposent plus de 1 million par an
et en déposeront le double en 2020, dans leur pays et à l’international.
La PI pour être plus compétitif
L’investissement en propriété intellectuelle, notamment
via le dépôt de brevets n’est pas nécessairement une arme défensive. L’autre
objectif du recours à la propriété intellectuelle est aussi de convaincre dans
bien des cas les investisseurs et les clients qui accordent de plus en plus
d’importance à l’existence de ces brevets. Une caution de poids notamment quand
on envisage un déploiement à l’international. Plus les brevets et les titres de
propriété seront nombreux et plus, en tant qu’actifs stratégiques, ils
compteront dans la valorisation de l’entreprise. Autrement dit, le brevet est
aussi un actif que l’on peut valoriser dans ses comptes. Il doit être évalué et
incorporé dans le bilan d’une entreprise. Il peut également être transféré,
vendu, partagé dans le cadre d’une licence. Le brevet est également une preuve
de ses capacités d’innovation et un outil de communication externe. En interne,
il peut être une source de motivation des salariés. Certaines entreprises
n’hésitent d’ailleurs pas à récompenser d’un bonus les équipes de R&D
lorsqu’elles produisent une invention brevetable à forte valeur
ajoutée. Le recours à la propriété intellectuelle est surtout devenu un
critère de compétitivité que les pouvoirs publics souhaitent favoriser.
L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) propose par exemple
depuis un nouveau service intéressant : un outil d’analyse cartographique
des inventions brevetées afin de rendre plus accessible à tout le monde des
inventions. Ce service innovant est accessible aux start-up, PME, fonds
d’investissement, cabinets de conseil et organismes publics de recherche, pour
un prix compris entre 3 600 et 4 200 euros.
Personnalisable, il permet de répondre à de nombreuses questions relatives à la
concurrence mondiale, aux tendances R&D sectorielles, à la recherche publique
ou encore aux éventuels prospects. L’INPI reste très présente auprès des
entreprises innovantes en proposant, depuis 2004, un pré-diagnostique gratuit
pour l’entreprise pour les accompagner notamment dans le cadre d’un dépôt de
brevet. Après une visite et la rédaction d’un rapport personnalisé, l’Inpi donne à l’entreprise une feuille de
route pour voir ce qu’elle a à faire pour mettre en œuvre une politique de PI.
Une bonne manière de prendre de la hauteur sur ce terrain : financement,
acteurs, rédaction des brevets, les risques et coûts éventuels etc. Cette
première prestation peut alors être suivie d’un Pass PI et éventuellement d’une
Master Class PI pour aller plus loin. Un vrai engagement pour l’INPI qui
souhaite accompagner efficacement les entreprises, notamment les plus
innovantes. L’an dernier, l’INPI a accompagné 800 entreprises. Pour 2018,
l’institution vise 5 000 visites sur toute la France. Un programme
ambitieux qui devrait répondre au retard de la France en matière de recours à
la propriété intellectuelle. En effet, en la matière, les PME semblent à la
traîne quand il s’agit de dépôt de brevets. Si les grandes entreprises ont
plutôt bien intégré les enjeux de la propriété intellectuelle ou industrielle,
les PME ne déposent pas encore assez de brevets (cf. encadré « Dépôts
de brevets : peut mieux faire »).
La PI pour se défendre
Avec Internet et la facilité tentaculaire de la
toile et des possibilités offertes par le virtuel, les risques de contrefaçons,
de vols de données ou d’images sont nombreux. Ces atteintes peuvent cibler les
marques (phishing, cybersquatting, usurpation d’identité), les brevets
(contrefaçon) et le droit d’auteur (atteinte à l’aspect esthétique d’un site,
diffusion d’œuvres protégées). Avec le développement du digital, la mise en
place d’une politique de gestion des risques de propriété industrielle et
intellectuelle (PI), est devenue une nécessité pour les entreprises. Une
stratégie pertinente pour savoir gérer ses ressources propres pour transformer
en innovation un commencement d’idée, savoir sélectionner les bonnes pistes
d’innovation, connaître et éviter les risques liés aux droits de propriété
industrielle des tiers et faire connaître en interne les « bonnes
pratiques » de gestion de la propriété industrielle, autant de
compétences incontournables pour les entreprises qui souhaitent gagner en
performance et en compétitivité. Sans parler de la maîtrise financière des
risques par l’assurance qui nécessite d’évaluer les risques en amont via une
cartographie des risques. Mais pour les PME, protéger ses actifs immatériels
ressemble parfois à un véritable parcours du combattant qui doit entrer en
relation avec plus d’une dizaine d’interlocuteurs (huissiers de justice,
commissaires aux comptes, guichets…). Sans compter l’aspect financier. Le Cloud
computing pourrait, à ce titre, représenter une véritable opportunité pour
les PME, disposant de moyens plus limités pour se protéger des attaques en
sécurisant leurs données tout en développant une meilleure accessibilité à
l’information. Sur le terrain du recours à la propriété intellectuelle,
certains services commencent d’ailleurs à être proposés.
Après deux ans d’existence, la Fabrique à brevets
de France Brevets (détenue par la Caisse des dépôts et l’État français),
accompagne de plus en plus de PME et start-up dans la protection de leur
propriété intellectuelle : identification des inventions brevetables,
rédaction et dépôt de brevets et, plus généralement,
définition et mise en œuvre d’une stratégie d’innovation adaptée. Lancé en
2015, la Fabrique à brevets revendique, en
deux ans, l’accompagnement de 20 entités et le dépôt de 169 familles de
nouveaux brevets. Même les legaltech rentrent sur le marché du recours à
la propriété intellectuelle. La plateforme Aboutinnovation propose par exemple
de faire un état des lieux des actifs immatériels d’une PME avec un
accompagnement pour mettre en place les principales actions (surveillance d’un
portefeuille de marques, lancer une recherche d’antériorité sur une marque,
déposer un brevet à l’INPI, constituer une preuve de ses droits d’auteur,
déclarer une base de données, générer une licence d’utilisation ou faire un
audit de mise en conformité au RGPD – Registre général de protection des
données). La plateforme fournit aussi un générateur de contrats avec une
bibliothèque de documents types : engagement de confidentialité,
conditions générales d’utilisation, cession de droits de propriété
intellectuelle, etc. Un service intéressant face aux avantages stratégiques
qu’offre la PI, véritable accélérateur de croissance.
Clémence Thévenot