DROIT

SÉRIE « LE CAPITAL SOCIAL » (7). Non-libération des apports : quelles conséquences pour la société et les actionnaires ?

SÉRIE « LE CAPITAL SOCIAL » (7). Non-libération des apports : quelles conséquences pour la société et les actionnaires ?
Publié le 09/04/2024 à 11:40

 

La faculté de droit et science politique de l’université Toulouse Capitole a proposé mi-mars le colloque intitulé « Le capital social », organisé par le centre de droit des affaires et l’institut national universitaire Champollion. Nous nous faisons ici l’écho, sous forme de série, des idées échangées au cours de cette journée sous la houlette des modérateurs, Arnaud de Bissy, Hélène Durand, Nadège Jullian, et Emmanuel Cordelier. La série « Le capital social » regroupe les articles suivants :


• Le coup d’accordéon ;

• Le capital social entamé ;

• Le salarié actionnaire : quelles réalités ? ;

• Le désengagement capitalistique de l’État actionnaire ;

• La société non capitaliste ;

• Risques et intéressement des managers au capital ;

Les conséquences de la non-libération des apports ;

• Le capital social imaginaire : le cas de l'entreprise individuelle assimilée à une EURL (ou à une EARL) ;

• La variabilité du capital social. 

 


Le sujet de la non-libération du capital social a le charme discret des sujets techniques sur lequel l’on passe d’ordinaire rapidement, mais qui recèle des trésors de questions à la fois théoriques et pratiques souvent épineuses.

La non-libération du capital social s’oppose à la libération du capital. La libération est elle-même à distinguer de la souscription. La souscription correspond à l’engagement pris par les associés envers la société de mettre à sa disposition une somme d’argent, des biens en nature ou encore leur industrie dans les formes sociales où cet apport est autorisé. Elle est visée à l’article 1832 du Code civil qui définit les sociétés. Pour que la société existe, son capital doit être intégralement souscrit.

À ce stade, l’associé est, comme l’indique l’alinéa 1er de l’article 1843-3 du Code civil, débiteur vis-à-vis de la société ; en sens inverse, la société est créancière de tout ce que lui a promis l’associé.

La libération est l’opération qui permet à l’associé débiteur de l’engagement précédemment souscrit à l’égard de la société, d’exécuter celui-ci en mettant effectivement à la disposition de cette dernière l’argent, les biens, l’industrie qu’il lui a précédemment promis.

Autrement dit, par la libération, l’associé exécute son engagement vis-à-vis de la société.

Compte tenu de l’importance attachée au capital social spécialement dans les sociétés à risque limité, nous pourrions nous attendre à ce que les règles relatives à la libération effective des apports souscrits par les associés soient particulièrement strictes, bénéficient d’un régime harmonisé au moins selon les grandes catégories de formes sociales, et ne laissent finalement que peu de latitude aux associés et à la société. L’observation de l’état du droit positif laisse apparaître un paysage beaucoup plus nuancé.

Après avoir présenté les hypothèses de non-libération des apports, nous nous intéresserons aux conséquences de cette non-libération.

Les hypothèses de non-libération des apports

À l’examen, deux catégories d’hypothèses peuvent être recensées :

- la société peut organiser elle-même la non-libération de certains apports ;
- la société peut aussi subir la non-libération des apports.

• La non-libération voulue des apports en numéraire

Une société peut organiser la non-libération des apports en numéraire en dépit de l’importance de cet apport au regard de la consistance du poste capital social.

Ainsi, par exemple, dans les sociétés par actions (SA, SCA et SAS), les apports en numéraire peuvent-ils n’être libérés que de la moitié lors de la constitution de la société et du quart en cours de vie sociale à l’occasion d’une augmentation de capital (C. com., art. L. 225-3, L. 226-1 et L. 227-1).

Dans les SARL seul le cinquième de l’apport en numéraire doit impérativement faire l’objet d’une libération au jour de la souscription (C. com., art. L. 223-7).

Si la loi ne dispose pas dans les sociétés dites à risque illimitées, c'est qu’il revient aux statuts de fixer à la fois la règle de la non-libération des apports en numéraire et les modalités pratiques de celle-ci.

Si l’on s’intéresse précisément aux modalités de la libération progressive de ces apports non encore libérés, on relèvera que :

- dans les sociétés à risque limité la libération des sommes non libérées au jour de la souscription doit intervenir dans un délai de cinq années suivant la souscription ; aucun calendrier n’est imposé par le législateur de sorte qu’il revient aux statuts et donc aux associés de s’entendre sur ce point ;
- dans les sociétés à risque illimité, aucun délai maximal de libération n’est imposé par la loi, de sorte que la libération effective des apports en numéraire peut se réaliser sur une très longue période de temps, ce qui vient tempérer la vigueur de la réalité du poste capital social.

La justification de cette différence de régime tient à l’obligation aux dettes sociales particulièrement étendue que souscrivent les associés des sociétés à risque illimité qui permet une déconnexion entre leur engagement et le montant effectif du capital social.

Quant au fondement de cette facilité, il réside dans la volonté de satisfaire un principe de saine gestion qui postule qu’il n’est pas nécessaire d’exiger que soit versée lors de la constitution de la société l’intégralité du capital social promis alors que, financièrement, la société n’en a pas véritablement besoin immédiatement.

• Les hypothèses de non-libération subies par la société

Plusieurs hypothèses de non-libération subie par la société des apports pourtant promis par les associés lors de la souscription peuvent être recensées.

En matière d’apport en numéraire.

Il se peut en effet que la non-libération d’un apport en numéraire soit imposée à la société créancière de celui-ci en raison de la survenance d’une procédure collective à l’encontre de l’associé débiteur. Le droit spécial et particulièrement impératif des procédures collectives peut venir en effet contrarier la libération de l’apport non versé :

- soit, au titre de l’interdiction des paiements visées à l’article L. 632-2 du Code de commerce à compter de la date de cessation des paiements ;
- soit parce qu’une saisie-attribution des fonds non libéré est effectuée entre les mains de l’associé débiteur par un créancier de la société ultérieurement mise en liquidation judiciaire (Cass. 2e civ., 12 mai 2016, n° 15-13.883).

En matière d’apport en nature.

De prime abord, la piste de la non-libération des apports en nature est sans issue dès lors que ces apports doivent en principe faire l’objet d’une libération immédiate lors de leur souscription (la règle n’est cependant expressément posée que pour les sociétés par actions et les SARL - C. com., art. L. 223-7 et L. 225-3 – voir aussi dans les sociétés civiles professionnelles, ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, article 14).

Aussi, au jour de la souscription, les droits réels correspondants à ces apports sont transmis à la société tandis que les biens supports de ces droits sont mis à sa disposition.

C’est cependant sans compter sur les apports en jouissance qui consistent en l’apport d’un droit personnel et non point réel sur la chose dès lors que celle-ci demeure la propriété de l’apporteur.

Dans cette hypothèse, la libération de l’apport consiste en la mise en capacité de la société de jouir paisiblement du bien appartenant à l’apporteur.

Dès lors, la non-libération d’un apport en jouissance vise les hypothèses où l’apporteur, de son fait ou celui d’autrui, n’est plus en capacité de garantir à la société la jouissance paisible du bien apporté ou de ne plus lui permettre d’en retirer un avantage direct ou indirect (par exemple, la jouissance d’un immeuble qui n’est plus exploitable ou d’une autorisation d’utiliser une fréquence hertzienne).

En matière d’apport en industrie.

L’apport en industrie consiste pour une personne à mettre à la disposition de la société son expérience, son savoir-faire, son crédit. Cette forme d’apport est admise aujourd’hui dans toutes les formes sociales à l’exception des SA et des SCA (C. com., art. L. 226-1 et L. 225-3).

L'apport en industrie connaît un régime particulier : s’il ne participe pas à la formation du capital social, il doit néanmoins faire l’objet d’une évaluation et l’apporteur en industrie doit rendre compte à la société de tous les gains réalisés dans le cade de l’activité faisant l’objet de l’apport (C. civ., art. 1843-3, al. 6).

Même si l’apport en industrie peut consister en une prestation unique exécutée de manière instantanée lors de sa souscription, celui-ci présente surtout le caractère d'un apport futur et successif. Par construction, cela empêche une libération immédiate de cet apport lié à l'activité personnelle de l'apporteur. 

Dès lors, la non-libération de cet apport se rencontrera chaque fois que l’apporteur ne sera plus en capacité ou n’exprimera plus la volonté, de manière temporaire ou définitive, de délivrer la prestation promise.

Conséquences de la non-libération des apports

Les conséquences de la non-libération des apports promis doit se faire à deux niveaux distincts :

- celui de la société ;
- celui des associés concernés.

• Les conséquences de la non-libération des apports au niveau de la société

Du point de vue de la société, la non-libération des apports aura d’abord des incidences financières. Au-delà, elle peut menacer la viabilité même de la société.

Les incidences financières de la non-libération des apports

La non-libération des apports n’est pas totalement neutre pour la société qui la pratique du point de vue financier.

En premier lieu, cette non-libération la prive d’une partie de son actif disponible (C. com., art. L. 631-1) dès lors qu’il s’agit d’une créance de la société contre ses associés et non une réserve de crédit (Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-18.453). Cela peut donc venir nuire au crédit de la société.

En second lieu, cette situation de non-libération des apports peut venir gêner la société dans ses choix de financement ou d’optimisation fiscale.

D’abord en matière de financement de la société.

Dans les sociétés par actions et les SARL tant que le capital social n’est pas entièrement libéré, la société ne peut procéder à une augmentation de son capital social. De plus, la société ne peut émettre d’emprunts obligataires. Le non-respect de ces prescriptions est sanctionnée de la nullité de l’opération.

Par ailleurs, d’un point de vue fiscal, la pratique de la non-libération n’est pas prohibée, mais n’est pas encouragée non plus. Ainsi, jusqu’à ce qu’elle soit effective, d’une part, la société ne peut solliciter le taux d’imposition allégé prévu en faveur des PME (CGI, art. 219, I, b)). Et d’autre part, elle ne peut pas non plus déduire de son résultat les intérêts alloués aux comptes courants d’associés (CGI, art. 39, 1, 3°).

Relevons que la perte par la société du bénéfice de ces dispositifs en raison de la non-exécution par des associés de leur obligation de répondre à ses appels à libérer le capital qui ne l’est pas encore pourrait conduire à une mise en cause, par la société, de la responsabilité desdits associés négligents ou récalcitrants.

Les incidences létales liées à la non-libération des apports

La non-libération des apports peut aussi recouvrer en pratique deux situations : soit l’absence totale d’apports ; soit l’existence d’apports partiellement libérés seulement.

Dans l’hypothèse d’une absence totale de libération des apports, il a déjà été jugé que la société devait être considérée comme nulle (Cass. com., 28 juin 1976, 75-10.012). La situation sera très rare en pratique. Il est plus probable de rencontrer une situation où seuls certains apports n’ont pas du tout été libérés. Dans ce cas, les juges ont déjà pu aussi prononcer aussi la nullité de la société (Cass. 1re civ., 18 juin 1974). En réalité, dans cette seconde situation, il conviendrait de distinguer selon l’importance des apports promis et finalement non libérés : s’ils constituent le cœur de l’objet de la société ou s’ils ont été déterminants du consentement de l’ensemble des associés à la société, la sanction de la nullité paraît adaptée.

La solution retenue en matière d’apports intégralement non libérés pourrait ici être rapprochée de celle de la fictivité des apports, notamment de celle des apports a non domino. En effet, que sont des apports qui ne sont absolument pas libérés sinon des apports fictifs, car dénués de toute valeur et de toute utilité pour la société ? Il importe alors ici de rappeler que cette fictivité doit s’apprécier au jour de la constitution de la société ou à celui de la signature des statuts.

Les deux situations ne sont cependant exactement les mêmes ; dans la circonstance où seul l’apport d’un ou de quelques associés n’est absolument pas libéré, les autres associés auront le choix entre demander la nullité de la société pour fictivité de l'apport, faire entrer dans le capital social un apport réel qui prendra la place de l'apport fictif ou encore laisser subsister la société entre les seuls associés ayant effectué des apports sérieux.

Il reste que l’absence totale d’apports peut conduire à la nullité de la société ; une non-libération des apports peut donc se révéler mortelle pour la structure sociétaire.

Dans l’hypothèse d’une absence partielle de libération des apports, ces derniers ne sont dénués ni de toute valeur, ni de toute utilité pour la société. La notion d’apports fictifs n’est plus de mise et avec elle le risque d’annulation de la société s’éloigne.

D’ailleurs, il a déjà été jugé que l'apport fait à une société anonyme d'une créance, dont la valeur a été fixée à l'aide de prévisions sérieuses, n'a pas un caractère fictif, alors même que, par la suite, ces prévisions ne se seraient pas réalisées et que cette créance aurait subi une dépréciation (CA Paris, 12 janv. 1887, Journ. sociétés 1887, p. 772).

Plus encore, l’apport a non domino d’un droit au bail portant sur un local commercial n'a pas été considéré comme fictif dans une espèce où la société avait été mise en possession du local et où les véritables titulaires du droit n'étaient pas venus interrompre cette possession (Cass. com. 15 janv. 1973, Bull. civ. IV, no 23).

De même, l’apport en jouissance irrégulier d’un bien en nature (en l’espèce une autorisation d’émettre sur les ondes hertziennes) n’est pas entaché de fictivité dès lors que la société a été mise en situation de pouvoir jouir effectivement du bien apporté, même pendant un certain temps seulement.

Tout au plus, dans ces hypothèses, la société aurait un recours contre l’associé pour inexécution de ses obligations à son égard, ce qui nous conduit à examiner les conséquences de la non-libération des apports du point de vue des associés.

• Les conséquences de la non-libération des apports du point de vue des associés

Selon les dispositions de l’article 1843-3 du Code civil, « chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il a promis de lui apporter en nature, en numéraire ou en industrie ». Aussi, le capital non libéré constitue-t-il une créance de la société envers ses associés au point que les créanciers de la société peuvent la saisir (Cass. 2e civ., 12 mai 2016, no 15-13.833).

On relèvera immédiatement que, de manière remarquable, la non-libération des apports ne prive pas les associés de cette qualité ; du moins pas immédiatement, dès lors que cette qualité est acquise au moment de la souscription (CA Paris 23 mai 2003 n° 02-11747, 16e ch. A).

Quel est l’impact de la non-libération des apports sur la situation de l’associé pendant le temps de sa participation à la société créancière et lors de la cession de ses droits sociaux.

Durant le temps de la vie sociale

Sa situation varie selon les apports promis à libérer.

S’agissant des apports en numéraire.

C’est surtout à l’égard de ces apports qu’existent des prévisions légales, en particulier pour les sociétés par actions.

En particulier, l’actionnaire qui n’a pas encore libéré l’intégralité de son apport en numéraire verra ses actions non entièrement libérées demeurer nominatives. Par ailleurs, elles n’ouvrent pas droit au versement du premier dividende (mais au superdividende s’il en existe un).

Mais, en principe, l’associé va libérer son reliquat d’apport en fonction des prévisions statutaires qui auront prévu tantôt un calendrier de libération prévisionnel, tantôt des appels de fonds à la libre appréciation des dirigeants.

Cependant, les prévisions des parties peuvent ici se trouver perturbées par la survenance éventuelle d’une procédure collective puisque depuis la réforme de 2014 le jugement d’ouverture rend exigible immédiatement le montant non libéré de l’apport en numéraire (C. com., art. L. 624-20).

Au-delà, lorsque la société procède aux appels du non versé, l’actionnaire ne peut opposer à cette demande ni les motifs de l’appel du non versé, ni le fait que la société serait mal gérée, voire qu’elle ait été annulée ou dissoute, car l’apport est toujours dû aux créanciers sociaux.

L’associé qui n’a pas libéré son apport en numéraire et qui reste sourd aux appels de fonds de la société ou qui ne respecte pas les échéances du calendrier de libération des fonds devient débiteur de plein droit des intérêts moratoires. Il peut être condamné à verser des dommages et intérêts compensatoires à la société si elle subit un préjudice de ce fait (C. civ., art. 1843-3, al. 5).

On relèvera que si la non-libération de l’apport en numéraire est le fait de la négligence des dirigeants de la société. Tout intéressé, y compris donc un autre associé de la société, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause la société (Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-16.433), peut solliciter un référé-injonction judiciaire sous forme d’astreinte en vue d’obliger le dirigeant à s’exécuter. Il est aussi permis de solliciter un mandataire judiciaire chargé de procéder à l’appel des fonds non libéré (C. civ., art. 1843-3, al. 5).

Dans les sociétés par actions, si l’associé défaillant ou résistant persiste la société peut, après avoir adressé une vaine mise en demeure à l’associé, procéder à la vente forcée de ses titres, soit en bourse si les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou aux enchères publiques si les actions sont non cotées (C. com., art. L. 228-27 et R. 228-24 et 228-25). Il s’agit d’une sorte de saisie-vente non judiciaire.

Pour autant, la cession forcée ne purge pas la dette de l’associé ; il en va ainsi si et seulement si le prix de cession des titres permet à la société de recouvrer sa créance contre l’associé défaillant ; dans le cas contraire la société peut toujours agir contre lui sur le fondement d’une action en paiement de droit commun. Autrement dit, l’exécution forcée n’équivaut pas à une résolution de la souscription, mais simplement à l’exécution forcée de celle-ci.

Dans l’attente de cette cession forcée et à l’expiration d’un délai de trente jours suivant la mise en demeure adressée à l’actionnaire par LRAR (sauf si l’ordre du jour de la convocation à l’AG devant décider de l’augmentation du capital social indique expressément que les apports en numéraire devront impérativement être libérés au jour de la souscription, cette mention dispensant la société de sommer par LRAR l’associé défaillant, voir Cass. com., 25 juin 2013, n° 12-17.583), les actions de l’associé défaillant sont privés d’un certain nombre de leurs prérogatives (admission dans les assemblées, vote, dividende, droit préférentiel de souscription).

Puisqu’il n’existe pas de dispositions équivalentes pour les sociétés autres que des sociétés par actions il est très important que les rédacteurs des statuts se prononcent sur ces questions.

S’agissant des autres sortes d’apport.

S’agissant des apports en nature en jouissance, tout d’abord :

- s'il y a destruction du bien, l'associé se trouve à l'avenir dans l'impossibilité d'assurer à la société la jouissance du bien apporté ; il doit donc y avoir résiliation des droits qu'il avait acquis dans la société ;
- s’il n’y a pas destruction, mais dégradation du bien support du droit personnel de la société ou empêchement de celle-ci d’exercer ses droits, l’associé devrait pouvoir conserver les titres de capital, mais il y aurait place pour une action en responsabilité de la société à l’encontre de l’associé.

S’agissant des apports en industrie, ensuite.

Si l’apporteur est dans l'obligation d'interrompre sa collaboration pour une cause quelconque, telle que maladie, accident, absence prolongée, son apport est considéré comme caduc (C. civ., art. 1186) et ses droits envers la société devraient alors être liquidés par voie de restitution des parts attribuées ou réduits. Faute de prévisions légales sur ce point, il serait utile de prévoir, dans les statuts, à partir de quelle durée l'interruption accidentelle entraîne des modifications aux droits de l'apporteur en industrie.

• Lors de la cession des titres de capital non libéré

Quel est le sort de la dette d’apport en cas de cession de titres de capital ? La dette pèse-t-elle sur le cédant, sur le cessionnaire, sur les deux ? :

- dans les sociétés par actions, l’article L. 228-28 du Code de commerce dispose expressément que la société peut réclamer le montant non libéré de l’apport en numéraire tant au cédant qu’au cessionnaire, à charge pour ce dernier de se retourner contre le cédant si ce point n’a pas fait l’objet d’un règlement spécifique dans la convention de cession ;
- dans les sociétés émettant des parts sociales, la jurisprudence a consacré la nature personnelle de l’obligation de libération du capital social pesant sur le seul cédant, réservant la faculté des parties de prévoir des stipulations contractuelles contraires (Cass. 3e civ., 17 janv. 2019, n° 17-22.070).

Le capital social non libéré est une créance de la société contre son associé qui ne s'éteint pas lorsque celui-ci se retire de la société (Cass. 3e civ., 17 janvier 2019, n° 17-22.070), comme l’a rappelé un arrêt en date du 17 janvier 2019 de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Deboissy, Cozian, Viandier, op. cit., n° 204.).

Jean-Marc Moulin
Professeur, Université de Perpignan

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