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Entretien avec Jean-Marie Pivard, vice-président de l’Ifaci

 Entretien avec Jean-Marie Pivard, vice-président de l’Ifaci
Publié le 27/12/2016 à 18:09

La conférence annuelle de l’Ifaci (Institut français de l'audit et du contrôle interne) était largement axée sur le digital et le numérique avec des ateliers sur le big data, l’analyse de données, la protection des données personnelles. En quoi cette révolution en cours change-t-elle et changera-t-elle l’audit interne demain ?

La digitalisation change l’approche de l’audit interne sur deux plans : la technique de l’audit et sa propre communication interne. Sur le plan technique, l’approche par le big data permet l’automatisation de certains contrôles. La mise en place d’outils informatiques sur le traitement des données offre la possibilité d’effectuer des audits « intégrés » permettant de gagner en efficacité et en pertinence dans les analyses. Ces outils digitaux ne sont cependant pas toujours simples à manier. Extraire les données clés d’un ERP requiert des compétences et des outils spécifiques. Sur le plan de la communication interne, privilégier des supports complètement numériques, par exemple pour des rapports de mission ou pour les rapports d’activité de l’audit interne, pourra faciliter la lisibilité de notre travail. Sur ce plan les avancées sont moins flagrantes et le passage au tout numérique dépend plus de la forme de communication souhaitée par les dirigeants. Mais la profession y vient et demain, une application dédiée à usage de l’audit interne pourrait voir le jour.


 L’automatisation de certains contrôles vous ouvre de nouveaux champs d’intervention. Lesquels ?

L’automatisation des contrôles permet d’être plus efficace et pertinent dans les sujets de compliance et libère du temps pour aborder d’autres champs, par exemple les missions relatives aux grands projets, à la revue des risques liés la stratégie, à la cybercriminalité… Grâce à l’autonomisation, le contrôle de la conformité gagne en exhaustivité puisqu’il n’est plus ponctuel sur un test de 25?factures par exemple, mais cible l’ensemble des anomalies répertoriées dans la base de données sur une période donnée. Par exemple, un test automatisé peut être lancé pour détecter tous les doubles paiements effectués sur une période donnée. Les auditeurs internes récupèrent donc du temps pour travailler sur des sujets plus pointus, qui demandent de mobiliser toutes leurs capacités d’analyse et de synthèse, et qui s’avèrent stratégiques pour l’entreprise.

 


Vous avez déclaré récemment être sorti petit à petit de la sphère purement financière pour élargir votre champ d’action et devoir poursuivre dans cette voie. Quels autres domaines allez-vous explorer ?


Cela fait plusieurs années que l’audit est sorti de la seule sphère financière pour répondre à l’évolution des besoins et demandes des parties prenantes. La digitalisation des processus de l’entreprise soulève de nombreuses questions. Ce qui touche directement les auditeurs internes et leur demande d’investir de nouveaux champs : la sécurisation des systèmes d’information par exemple. L’auditeur interne travaille ainsi de plus en plus en étroite collaboration avec le département SI pour prévenir les risques internes mais aussi externes. L’actualité montre que les cyber-attaques et le vol de données sont de plus en plus fréquents. Il est donc essentiel de s’assurer de la fiabilité des processus liés au système d’information de l’entreprise. Par ailleurs, les exigences croissantes en termes de reporting sur les données non-financières, comme le montre la publication récente de la directive européenne en la matière ou la prise de position IFACI/CNCC – Compagnie des commissaires aux comptes – sur le reporting intégré, montrent que la création de valeur est de plus en plus évaluée dans l’articulation des données financières et non-financières. L’audit interne se positionne donc naturellement sur le sujet.


 

Vous dites que vous souhaitez « une collaboration beaucoup plus étroite » avec les opérationnels qui vous demandent de plus en plus. D’où vient cette demande croissante des organes exécutifs et de gouvernance des entreprises ?


Les organisations travaillent de plus en plus sur un mode projets. L’audit de projet, qui représente un secteur en plein essor, renforce nos liens avec les opérationnels. Par leur approche systématique, structurée et organisée, les auditeurs internes apportent aux responsables leur expertise sur les problèmes rencontrés. Qu’il s’agisse d’une analyse post-acquisition, d’un projet d’intégration ou de l’évolution du système d’information, les auditeurs internes, grâce à leur connaissance interne de l’entreprise, contribuent à une analyse précise et pertinente de la situation. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus sollicités par les directions opérationnelles pour les conseiller sur ce type d’opérations.



Que pensez-vous de la Loi Sapin II ? Était-elle nécessaire ? Est-ce qu’elle lutte suffisamment contre la fraude et la corruption ?


La France était en retard sur ses voisins concernant les dispositifs de lutte contre la corruption. Légiférer était bien sûr nécessaire. Il n’est pas normal qu’une grande entreprise française soit condamnée à l’étranger pour fait de corruption et jamais poursuivie en France. L’agence anti-corruption est de plus dotée de moyens conséquents. Avec 70?personnes travaillant au sein de l’entité, elle ne va pas faire semblant et les contrôles seront sûrement nombreux. Cela va dans le bon sens. Maintenant à l’inverse nous devons être vigilants à ne pas basculer dans un système où la régulation se ferait au détriment de l’énergie créatrice et de la stratégie. (…)

 

Propos recueillis par Victor Bretonnier


Retrouvez la suite de cette interview dans le Journal Spécial des Sociétés n°96 du 24 décembre 2016


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