La promulgation de
la loi du 22 mai 2019 dite « PACTE » et de son décret du 24 mai 2019 (n° 2019-514), ont profondément modifié le champ d’intervention des
commissaires aux comptes.
Ces
dispositions ont été complétées par la loi de "simplification, de clarification et d’actualisation
du droit des sociétés" (n° 2019-744) du 19 juillet 2019, qui a retouché
certaines dispositions relatives aux missions des commissaires aux comptes.
Mise en
place d’une logique de seuils harmonisés pour la certification des comptes
annuels des entreprises
La réforme de la mission des commissaires aux comptes pour les
certifications des comptes annuels s’appuie, pour toutes les sociétés
commerciales, sur la mise en place de seuils en-dessous desquels il n’est pas
nécessaire de désigner un commissaire aux comptes. La démarche est ici plus
économique que juridique : l’on s’attache désormais
davantage aux résultats et à la taille de l’entreprise qu’à sa forme sociale.
Nouvelles
modalités de désignation d’un commissaire aux comptes
Les sociétés anonymes (non cotées), les sociétés en commandite par
actions et les sociétés européennes n’ont plus l’obligation de désigner un
commissaire aux comptes.
Elles suivent désormais le mécanisme prévu pour les SARL et les SAS qui
s’appuie sur une logique de seuils.
Désignation
d’un commissaire aux comptes dans le cadre de la nouvelle logique des seuils
Désormais les sociétés commerciales qui dépassent, à la clôture de leur
exercice social, deux des trois seuils suivants sont tenues de désigner un
commissaire aux comptes :
• un total
du bilan de 4 000 000 euros,
• un chiffre d’affaires HT de 8 000 000 euros ;
• un nombre
moyen de salariés pour l’exercice considéré supérieur à 50.
Il est intéressant de relever que les seuils minimaux désormais prévus
sont précisément ceux qui avaient été fixés par la directive de l’Union
européenne n° 2013/34/UE du 26 juin 2013,
preuve de la poursuite du mouvement d’uniformisation des normes des États
membres, pour ce qui concerne le contrôle comptable.
Modalités de
désignation d’un commissaire aux comptes dans le cas de sociétés contrôlantes
Les sociétés
qui en contrôlent d’autres au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce doivent nommer un
commissaire aux comptes lorsque l’ensemble qu’elles forment dépasse les seuils
visés ci-dessus.
Particularités
s’agissant des seuils applicables aux sociétés contrôlées
Par
exception, les sociétés contrôlées directement ou indirectement sont
individuellement soumises à l’obligation de désignation d’un commissaire aux
comptes dès lors qu’elles dépassent les seuils de :
• 2 000 000
euros de total bilan ;
• 4 000 000 euros de chiffre d’affaires HT ;
• un nombre moyen de 25 salariés.
Pour les
SAS, en dehors des cas où les seuils seraient atteints, il n’existe plus
d’obligation de désigner un commissaire aux comptes dans les cas où cette
société contrôle ou est contrôlée par une ou plusieurs sociétés.
Sort des
mandats en cours des commissaires aux comptes
Les mandats en cours des commissaires aux comptes désignés se
poursuivront par principe jusqu’à leur terme en application des dispositions de
l’article L. 823-3 nouveau du Code de
commerce.
De nouvelles
missions dévolues aux commissaires aux comptes : l’audit légal
des petites entreprises (ALPE) et missions ad hoc
La mission
d’audit légal des petites entreprises, contrepartie d’un dessaisissement
organisé par la loi
La mission ALPE bénéficie aux sociétés qui désignent de manière
volontaire un commissaire aux comptes pour les sociétés :
• contrôlantes
au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce et dépassant 2 des 3
seuils précédemment évoqués ;
• contrôlées directement ou indirectement par
d’autres sociétés (L. 823-2-2 al. 3 du Code de commerce) ;
• ayant
décidé d’un commun accord avec leur commissaire aux comptes actuel de réaliser
le reste de sa mission suivant ces nouvelles dispositions.
Cette mission comporte l’établissement d’un rapport sur les risques
financiers, comptables et de gestion prévu à l’article L. 823-12 du Code de commerce.
Dans ce cadre, le commissaire aux comptes n’a plus à établir les
rapports et diligences suivantes :
• le rapport sur les conventions réglementées
pour les SARL, SAS et SA ;
• le rapport sur la régularisation par une
assemblée d’actionnaires d’une convention réglementée qui n’aurait pas été
soumise à autorisation du conseil d’administration ou du conseil de
surveillance dans les SA ;
• la
convocation de l’assemblée générale en cas de carence des dirigeants de SA et
SARL, ou de remplacement d’un gérant unique décédé de
SARL ;
• la convocation de l’assemblée générale
réduisant le capital d’une SARL lorsque les capitaux propres sont inférieurs à
la moitié du capital social ;
• le rapport relatif à l’appréciation de la
réduction du capital des SARL ;
• le rapport attestant que les capitaux
propres sont au moins égaux au capital social lors d’une décision de
transformation de la SA ;
• la certification du montant global des
rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées dans les SA ;
• les rapports exigés pour les SA et SAS en
cas d’augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de
souscription ;
• le rapport
dans les SA portant sur le gouvernement d’entreprise ;
• le rapport
en cas de non-respect par des dirigeants de SA et SAS des obligations en
matière de production des documents de gestion ;
• la mention des prises de participations
significatives ou de prise de contrôle de la société dans le rapport sur les
comptes annuels dans toutes les sociétés commerciales ;
• l’audition du commissaire aux comptes aux
fins d’autorisation par le tribunal de commerce d’une cession de toute ou
partie de l’actif de la société dans le cadre d’une liquidation judiciaire ;
• la mention
au rapport sur les comptes annuels de la réparation du capital et de
l’autocontrôle dans les SA et SAS ;
• certification de l’évaluation des
actions et parts sociales louées dans les SA SAS et SARL.
Mise en
œuvre de missions ad hoc
La loi PACTE prévoit des cas obligatoires de désignation ad hoc de commissaires
aux comptes pour les sociétés qui ne dépassent pas les seuils prévus,
pour établir des rapports liés à des opérations
ponctuelles, notamment : les augmentations de capital avec suppression du
droit préférentiel de souscription sans indication du nom des bénéficiaires (L. 225-136) ;
• les augmentations de capital avec suppression
du droit préférentiel de souscription avec bénéficiaires dénommés ou au profit
de certaines catégories de bénéficiaires ;
• l’attribution
gratuite d’actions (L. 225-197-1) ;
• les conversions de stock-options (L. 225-177) ;
• le rachat
d’actions à destination du personnel salarié (L. 225-209-2) ;
• la
libération d’actions par compensation de créances (L. 225-146 du Code de commerce sans pour
autant évincer le notaire de ce dispositif).
Désignation
sur demande des minoritaires
Depuis la loi PACTE et la loi du 19 juillet 2019, les minoritaires qui détiennent au moins un tiers du
capital peuvent demander la nomination d’un commissaire aux comptes pour trois ans, sur demande motivée.
Ce dispositif qui préexistait (suivant d’autres modalités) pour les
SARL, les SNC et les SCS, a été étendu aux SA (L. 225-218 al. 4), SAS (L. 227-9-1 al. 5) ainsi qu’aux SCA (L. 226-6 al. 4), qui en bénéficient dès à présent.
Cette désignation emporte la mise en œuvre de la mission du commissaire
aux comptes pour trois exercices, dans les conditions prévues par la mission
d’audit légal des petites entreprises.
Désignation judiciaire des commissaires aux comptes
Le seuil pour la demande de désignation judiciaire d’un commissaire aux
comptes est désormais fixé à 10 % de détention du capital
pour les SA, SCA, SAS et SARL.
Aucun seuil de détention de capital n’est requis pour les associés de
SNC et de SCS.
Antoine Rousseau,
Avocat associé,
Alerion – Société d’avocats