ÉCONOMIE

Blanchiment de capitaux : les déclarations de soupçons des notaires en hausse de 21 %

Blanchiment de capitaux : les déclarations de soupçons des notaires en hausse de 21 %
Publié le 06/05/2024 à 11:22

La profession a communiqué plus de 3 000 déclarations de soupçons, loin devant les casinos et clubs de jeux.

Mi-avril, le service de renseignement financier Tracfin a publié son bilan annuel d’activité déclarative des 48 professions assujetties à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Premier constat, le nombre de signalements de ces professions financières et non-financières en 2023 est en hausse de 15 % par rapport à 2022, avec 186 556 signalements relatifs à des opérations financières suspectes.

Mais si le secteur financier reste le principal contributeur de déclarations de soupçon aussi bien France que chez nos voisins européens, du côté des professions non financières, on constate une augmentation de 8 % des déclarations par rapport à 2022. Un « accroissement dû à une intensification de la pratique déclarative pour trois professions en particulier » résume le rapport, dont les notaires, pour qui la hausse atteint 21,4 %.

Non seulement le notariat arrive en tête des professions non-financières sur les déclarations de soupçon, puisque la profession en a communiqué pas moins de 3 242, loin devant les casinos et clubs de jeux (en seconde position avec 2 179 déclarations).

Mais elle est aussi la meilleure élève parmi les professions libérales non-financières, et creuse le fossé avec les avocats qui arrivent bons derniers (8 déclarations transmises), les commissaires aux comptes et commissaires de justice (respectivement 128 et 248) ou encore les greffes de tribunal de commerce (1 431 déclarations).

Un écart qui s’explique notamment par des secteurs considérés moins à risques vis-à-vis du blanchiment d’argent.

Les avocats sont loin derrière les notaires dans le classement des contributeurs de déclarations (source : Tracfin)

Rappelons que ces déclarations sont établies par les professions « en cas de comportements ou de mouvements financiers suspects » en lien avec la réglementation anti-blanchiment et de financement du terrorisme « LCB-FT », afin de permettre à Tracfin « d’identifier et analyser les circuits financiers clandestins, constitu[a]nt la base de son travail », comme le souligne Tracfin.

L’immobilier, secteur majeur des déclarations des notaires

Principaux déclarants des professions non-financières, les notaires représentent donc 28 % de ces déclarations qui ont pour la majorité concerné un secteur en particulier : l’immobilier.

En effet, le secteur de l’immobilier, considéré comme secteur à risque global élevé de par sa propension au blanchiment d’argent, selon la dernière analyse nationale des risques (ANR), représente un tiers des déclarations de soupçon de ces entreprises non financières, et plus « précisément les acquisitions résidentielles, réduisant l’immobilier tertiaire à une part congrue des informations transmises alors que des risques de blanchiment des capitaux existent également sur ce segment. Des risques existent aussi sur les autres opérations où un notaire peut intervenir (comme les successions, les prêts, les cessions de parts sociales ou encore les constitutions de société) et sur lesquelles peu de déclarations sont effectuées » ajoute le rapport.

Une tendance également à la hausse chez les professionnels de l’immobilier (agences immobilières, négociateurs, mandataires, etc.) qui représentent 4,4 % du flux déclaratif des entreprises non-financières, puisque qu’en 2023, ceux-ci ont transmis 505 déclarations de soupçon, dont 180 rien qu’en Île-de-France, contre 440 en 2022, et 341 en 2021. D’après le rapport, les déclarations « se concentrent essentiellement sur des biens immobiliers résidentiels », dont les critères d’alerte portent principalement sur l’absence de prêt dans deux tiers des déclarations, ou sur l’origine des fonds.

Mais bien qu’en augmentation, le chiffre « reste cependant en deçà de ce qui pourrait être attendu au vu du nombre de transactions enregistrées sur le marché immobilier », avec 1,3 million de transactions immobilières en 2022 selon le Conseil supérieur du notariat.

Une disparité géographique de déclarations

Autre donnée intéressante issue de ce rapport Tracfin, la répartition géographique des études ayant transmis des déclarations de soupçon. Le bilan pointe « une forte disparité géographique » identifiée les années précédentes « qui persiste ». En effet, « 56 départements ont transmis moins de 10 déclarations de soupçon, alors que les notaires situés dans 9 départements représentent la moitié des déclarations de la profession » souligne le rapport. Le département des Alpes-Maritimes est devenu le premier contributeur de déclarations de soupçon, dépassant ainsi Paris « pour la première fois. »

Mais si le nombre de déclarations envoyées par les notaires est à la hausse pour 2023, le nombre d’études déclarantes avoisine celui de 2022, traduisant de fait une augmentation du nombre moyen de déclarations de soupçon envoyées par étude. En outre, « 25 % des études ayant transmis une déclaration en 2023 l’ont fait pour la première fois » indique le rapport, « soit une baisse de 5 points de la primo-déclaration par rapport à 2022 ».

Par ailleurs, le rapport intègre une carte des répartitions géographiques indiquant le taux des transactions immobilières conclues par région, et le taux des biens faisant l’objet d’une déclaration de soupçon depuis la mise en place du nouveau formulaire Ermes déployé pour les notaires qui « permet d’avoir des données de meilleure qualité et d’effectuer une analyse plus fine des déclarations reçues (…) et d’approfondir l’étude géographique des déclarations reçues ».

La carte révèle ainsi que l’Île-de-France représente 27 % des déclarations nationales alors même que 14 % des transactions immobilières y sont concentrées, à l’instar de « la région PACA [qui] représente 10 % des transactions et fait l’objet de 23 % des déclarations de soupçon ». À l’inverse, en Bretagne et en Pays de la Loire notamment, ce sont respectivement 6 et 7 % de transactions immobilières nationales qui y sont concentrées, pour seulement 1 % de déclarations de soupçon.

Et si le formulaire Ermes est encore trop récent pour que ses données soient représentatives, son déploiement final, qui devrait s’achever au second semestre 2024, permettra à Tracfin « d’obtenir des données structurées afin de mener plus efficacement [d]es missions d’analyse stratégique et opérationnelle, et ainsi de mieux traiter le flux grandissant d’informations reçues ».

Allison Vaslin

 

 

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