Trois missions, chacune
gérées par cinq à six professionnels de la justice, devront trouver des
solutions pour recentrer la justice sur son rôle, améliorer les délais d’audiencement
et mieux exécuter les peines. Les conclusions sont attendues pour la
mi-février.
Une semaine après l’annonce
par le ministre de la Justice du lancement de trois missions d’urgence pour la
justice, Didier Migaud a officiellement installé ces missions, ce jeudi 28
novembre à la Cour de cassation.
Un choix de lieu symbolique
pour le garde des Sceaux : « La Cour de cassation incarne par ses
décisions l’État de droit et la justice dans notre pays. » Entouré de
nombreuses personnalités du monde de la justice, comme les Premier président et
procureur général près la Cour de cassation Christophe Soulard et Rémi Heitz, mais
aussi Thomas Lyon-Caen, président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à
la Cour de cassation, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État.
A cette occasion, Didier Migaud a rappelé son
souhait d’avoir une justice « mieux reconnue, respectée et appréciée ».
C’est en ce sens que le ministre de la Justice a établi trois constats : justice débordée par le nombre de
procédures, délais d’audiencement « déraisonnables et parfois
insupportables », et surpopulation carcérale. Sur ce dernier point,
loin des procès réguliers en laxisme judiciaire intentés par certains détracteurs,
Didier Migaud a jugé au contraire qu’elle fait preuve d’une fermeté qui explique
la surpopulation carcérale historique, que le retard du plan 15 000 places
de prison ne permettra pas de limiter. Conséquence : « L’exécution
des peines est souvent différée bien après leur prononcé, ce qui en fait perdre
le sens»
« Toutes les options doivent
être sur la table »
À ces trois constats vont être
adossées trois missions d’urgence.
Première d’entre elles :
le recentrage de la justice sur son cœur de métier, en renforçant l’utilisation
de dispositifs alternatifs afin de désengorger la justice judiciaire, « sans
que cela ne conduise à une dépénalisation des faits portant le plus gravement
atteinte à la probité et à la confiance publique ». La question du
recours aux voies amiables sera l’un des axes forts de cette mission qui devra
rendre plus efficiente l’action de la justice tout en simplifiant la vie du
justiciable.
La deuxième mission aura pour
objectif de juger dans des délais raisonnables. « Face à ces enjeux,
toutes les options doivent être sur la table », a assuré le ministre
de la Justice, qui admet être « inquiet, très inquiet même, pour
l’audiencement en matière correctionnelle ».
Le sujet d'une meilleure exécution
des peines sera au menu de la troisième et dernière mission. Didier Migaud a à
ce sujet souhaité « une réflexion sérieuse » sur les courtes
peines d’emprisonnement, déjà évoquées par le Premier ministre Michel Barnier
dans sa déclaration de politique générale. Mais « on ne peut pas faire
de courtes peines dans l’état actuel de nos prisons », a estimé le
ministre. L’effectivité plus immédiate des peines, en particulier pour les
mineurs, est également mise en avant.
Avec ce plan, Didier Migaud
souhaite « répondre rapidement au sentiment majoritaire [des] concitoyens d’une justice trop complexe, trop lente et peu efficace ».
Cinq à six professionnels du
droit, « dotés chacune et chacun d’une solide expérience dans leur
domaine de compétence », auront la charge de mener à bien chacune des
trois missions. On peut notamment citer Frédérique Agostini, conseillère à la Cour
de cassation, pour la première mission, Maryvonne Caillibotte, procureure de la
République près le tribunal judiciaire de Versailles, pour la seconde, et
Clotilde Lepetit, avocate au barreau de Paris, pour la troisième.
Deux mois et demi pour trouver
des solutions
Comme leurs noms l’indiquent,
les missions d’urgence seront particulièrement éphémères. Leurs conclusions
seront rendues dans des délais resserrés, avec un objectif de rendu au ministre
de la Justice au 15 février, soit seulement deux mois et demi pour trouver des
solutions. « Vous n’aurez pas à tout réinventer, personne ne vous le
demande. Vous aurez à vous appuyer sur l’existant, sur tout ce qui a été dit,
écrit et pensé, afin de pouvoir, fort de votre propre expérience mais également
des consultations auxquelles vous aurez libre choix de procéder, en tirer
rapidement les conclusions en proposant les meilleures évolutions concrètes,
utiles et opérationnelles ; celles qui mériteront d’être mises en œuvre
rapidement », a rassuré Didier Migaud.
Les trois rapports seront par
la suite rendus publics, et le garde des Sceaux annoncera, après concertation avec
le Premier ministre, les mesures retenues puis mises en œuvre par son équipe.
Si le gouvernement n’est pas tombé d’ici là, ou que le successeur de Didier
Migaud décide de reprendre le dossier.
Alexis
Duvauchelle
Les membres des missions d’urgence
pour la justice :
Recentrer la justice sur
son rôle
- Pascal
Bougy, avocat général à la Cour de cassation
- Frédérique
Agostini, conseillère à la Cour de cassation
- Rémy
Schwartz, conseiller d’État
- Nathalie
Escaut, conseillère d’État
- Louis
Gautier, procureur général honoraire près la Cour des comptes
- Thierry
Savy, conseiller maître à la Cour des comptes
Juger dans des délais
raisonnables
- Jacques
Boulard, premier président de la cour d’appel de Paris
- Franck
Rastoul, procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence
- Nathalie
Poux, présidente du tribunal judiciaire de Dijon
- Maryvonne
Caillibotte, procureure de la République près le tribunal judiciaire de
Versailles
- Pascal
Rouiller, avocat au barreau d’Angers
Mieux exécuter les peines
- Jean-François
Beynel, premier président de la cour d’appel de Versailles
- Marie-Christine
Tarrare, procureure générale près la cour d’appel de Besançon
- Peimane
Ghaleh Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny
- Cécile
Gensac, procureure de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes
- Bruno
Clément-Petremann, directeur du centre pénitentiaire de Paris La Santé
- Clotilde
Lepetit, avocate au barreau de Paris
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