ENTREPRISE

Facturation électronique : êtes-vous dans les temps ?

Facturation électronique : êtes-vous dans les temps ?
Publié le 01/10/2024 à 07:00

Le traitement des factures électroniques reçues sera obligatoire pour toutes les entreprises à partir de septembre 2026. L'obligation faite aux PME et aux micro-entrepreneurs, de les émettre à destination des clients professionnels a, elle, été prorogée à septembre 2027.

Maître Paul Moutardier, avocat fiscaliste, a évoqué ce sujet à l'occasion d'un colloque à la Maison des avocats de Clermont-Ferrand, le 19 septembre. L'avocat explique avant tout que l'envoi par courriel d'une facture sous format pdf n'est pas une facturation électronique au sens du texte. Alors, de quoi s'agit-il concrètement ? Quelles seront les conséquences de cette exigence réglementaire sur la gestion des entreprises au quotidien ?

6 milliards d'euros de fraude fiscale récupérés en Italie

« On est dans un monde en pleine évolution où on a des échanges de biens et de services qui ne s'arrêtent plus à la frontière française, mais se font dans l'Union européenne, et à travers le monde » fait remarquer Paul Moutardier. L'administration fiscale doit s'adapter aux effets de la mondialisation et elle renouvèle ainsi ses moyens de lutte contre les impayés. L'accès numérique par l'administration aux mentions obligatoires des factures permettra d'éviter des fraudes à la TVA. Une cellule de data mining a été créée à Bercy, au sein de laquelle une trentaine d'informaticiens, fiscalistes de métier, travaillent uniquement sur les données fiscales des entreprises afin de déclencher des contrôles.

La facture est un document qui justifie la collecte et la déductibilité de la TVA, son montant et son exigibilité. Les entreprises qui n'y sont pas assujetties (ex : défense ou sécurité), tout comme les consommateurs, ne sont donc pas concernées par la réforme.

De l'autre côté des Alpes, le Parlement italien a adopté, par la loi de finances de 2018, une réforme équivalente. Les entreprises italiennes ont dû commencer à utiliser le SDI (ou système d'échanges commerciaux) à partir de 2019. La Cour des comptes italienne révélait le 8 avril dernier que le fisc a pu récupérer 6 milliards d'euros de fraude de la part de contribuables grâce à la mise en place de cette facturation électronique.

Ce futur système de facturation dématérialisée prévu en France permettra aussi un meilleur suivi comptable et fiscal, comme c'est déjà le cas en Italie. Les entreprises italiennes n’ont eu que six mois pour se mettre au pas, ce qui a causé un tollé. Mais désormais, le système est accepté par les entrepreneurs, selon l'avocat : « Pendant 3 mois, tout a été bloqué, c'était l'apocalypse. Et aujourd'hui, quand on leur demande, les Italiens ne voudraient pas revenir en arrière parce qu'ils ont vu les bienfaits de cette réforme avec des relations plus apaisées entre fournisseurs et clients, des délais de paiement améliorés. » En Italie, la réforme s'étend même au-delà de la facturation aux professionnels et concerne aussi les factures faites aux particuliers.

En l'absence de facturation électronique, le simple envoi d'une facture par mail à un client peut rester sans réponse de sa part. Or, cela instille un doute quant à la bonne transmission des informations. En France, l'utilisation d'une plateforme, dédiée et contrôlée par l'État, va permettre de recenser avec clarté les sommes et délais impartis pour s'en acquitter. Certaines des informations seront transmises à la DGCCRF (Direction des fraudes) afin de sanctionner les clients pour leurs impayés, relève l'avocat.

Création des plateformes partenaires dédiées

Bien que l'obligation ne concerne que la facturation aux professionnels français, les entreprises vont aussi devoir faire du e-reporting. C'est-à-dire reporter leurs chiffres d'encaissement pour chacune de leurs opérations, y compris celles effectuées en BtoC (transaction avec un consommateur) et avec les entreprises étrangères. « Les comptables seront ravis. Ça leur fera des clients en plus, mais leurs clients un peu moins », augure Paul Moutardier.

Les entreprises privées prestataires du service public doivent déjà utiliser la plateforme Chorus pro. Depuis janvier 2021, elles doivent émettre leurs factures auprès de l'administration sur ce site. Elles pourront aussi passer par le PPF (Portail public de facturation) concernant leurs relations business to business.

 
Paul Moutardier, Maison des avocats de Clermont-Ferrand

Dès septembre 2026, toutes les entreprises (y compris les micro-entreprises) devront recevoir les factures de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs sur le PPF, qui est un service public et gratuit.

Ils pourront aussi en passer par les plateformes dématérialisées partenaires (PDP) qui seront, elles, privées et accréditées par l'administration fiscale. Ces dernières transmettront ensuite les informations au fisc. Les mentions manquantes seront susceptibles de condamner l'auteur de la facture à une amende de 15€.

Les plateformes partenaires seront immatriculées et payantes. On peut s'inquiéter de savoir si les entrepreneurs pourront choisir une PDP, ou si elle sera imposée par le rapport client/ fournisseur. Le problème serait de se voir obligé à l'utilisation d'une des plateformes payantes, non juridiquement, mais commercialement, par un acteur majeur, tel qu'un fournisseur d'énergie. Les prestataires qui ont un poids conséquent pourraient asseoir leur domination sur les clients.

Les experts-comptables souhaitent que la facturation électronique en passe par leur plateforme Jefacture.com. Selon le conférencier, l'intérêt d'en passer par un service payant est que seules les mentions obligatoires sont transmises ensuite au PPF, mais pas l'intégralité de la facture. La PDP pourra aussi servir de plateforme dédiée à la conservation sécurisée des factures de l'entreprise. Il incombera en effet aux sociétés la conservation de ces données pendant une durée de six ans.

Le chiffre d'affaires, mieux connu par les services de l'administration fiscale, devrait aboutir à un ciblage plus efficace des aides de l'État. L'avocat prend l'exemple de la crise sanitaire de 2020 qui a engendré un effondrement des entreprises du secteur de la restauration. Un calcul comparatif des chiffres d'affaires avant, et pendant une crise économique, permettra de mieux réagir.

« Le fait d'envoyer directement la facture à mon client, ça n'existera plus ». Les entreprises françaises ont encore deux ans pour se mettre en conformité avec les futures modalités de facturation. Paul Moutardier imagine l’avenir ainsi : « Ce sera un peu une révolution au début comme toutes les réformes, mais je pense qu'à terme, ce sera un gain de temps. »

Antonio Desserre

 

0 commentaire
Poster
TVA
PPF
PDP

Nos derniers articles