L’ancien
ministre de l’Intérieur écarté du précédent gouvernement fait son retour et
occupe à nouveau un ministère régalien. Le choix interroge certains magistrats,
qui voient dans le député du Nord un détracteur de l’indépendance de la justice
et un proche des syndicats de police.
EDIT : article mis à jour le 24/12/2024 à 10h34.
Il
avait été évincé par Michel Barnier, le voici de retour au gouvernement. Gérald
Darmanin, à qui a été attribué la Chancellerie par le Premier ministre, occupe
depuis le 23 décembre une nouvelle place importante au sommet de l’Etat et
succède ainsi à Didier
Migaud.
Un
temps envisagé pour le poste, Xavier Bertrand avait fait savoir qu’il
refuserait d’intégrer un gouvernement formé « avec l’aval de Marine le
Pen » ; elle-même aurait menacé, selon L’Express, d’une « censure
automatique » un gouvernement formé avec l’élu LR. Pour éviter un
nouveau renversement, François Bayrou aurait préféré faire preuve de prudence,
estiment les commentateurs politiques.
Réagissant
sur le réseau social X, le nouveau garde des Sceaux annonce une feuille de
route guidée par « la fermeté, la rapidité et la proximité pour
défendre les victimes. » Il poursuit en assurant un « soutien
total aux magistrats, aux greffiers, aux agents pénitentiaires, aux agents
protecteurs de la jeunesse et à tous les auxiliaires de justice. Du côté
des syndicats de police, on « prend acte » de cette
nomination, « signe que le binôme régalien police/justice pourrait
enfin parler d’une même voix », se satisfait le syndicat Alliance.
Une
décision contestée
De
quoi contredire les instances représentatives des magistrats, qui accueillent
cette nomination avec bien plus de froideur. « Gérald Darmanin n’a pas
hésité à critiquer les décisions de justice qui lui déplaisaient ou à mettre en
doute l’appréciation des juges, leur compétence, voire leur légitimité dans des
affaires individuelles », déplore ainsi le Syndicat de la
magistrature dans un communiqué publié le 24 décembre
(mise à jour du 24/12 à 10h34).
Une
référence à peine voilée aux propos de l’ancien ministre de l’Intérieur publiés
sur le réseau social X, quelques heures après les réquisitions du parquet lors
du procès des assistants parlementaires, qui avait demandé cinq ans
d’inéligibilité pour Marine le Pen. Gérald Darmanin avait fustigé des
réquisitions « profondément choquantes », estimant que « si
le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l’être
électoralement, sans l’expression du peuple ».
« Après
l’avoir si souvent entendu prendre le parti de la police contre la justice,
comment croire à sa volonté affichée de défendre l’institution judiciaire et de
protéger sa mission constitutionnelle ? Les magistrates et les magistrats
ne peuvent qu’être extrêmement inquiets de le voir, encore tout imprégné de la
place Beauvau, arriver place Vendôme », poursuit le syndicat.
Dans
une analyse un peu plus prudente, Ludovic Friat, président de l’Union syndicale
des Magistrats, déclare, dans des propos rapportés par France info : « C'est sûr que, dit
comme ça, Monsieur Darmanin à la tête du ministère de la Justice, cela peut
paraître antinomique. On peut espérer que les habits de garde des Sceaux feront
que Monsieur Darmanin mettra ses compétences et ses capacités au service de l'institution
judiciaire ».
Passation à venir
Issu
de la droite sarkozyste, proche d’Emmanuel Macron, Gérald Darmanin est élu maire
de Tourcoing dès 2014. En 2017, il rejoint le Président de la République et est
nommé ministre de l’Action et des comptes publics dans le gouvernement
Philippe.
En
2020, Jean Castex le propulse ministre de l’Intérieur, un poste qu’il occupe
jusqu’à la dissolution du gouvernement en juin 2024 ; il rejoint alors les
bancs de l’Assemblée en tant que député de la 10e circonscription du
Nord, élu lors des élections législatives anticipées. Il sera installé
officiellement place Vendôme ce mardi 24 décembre. Reste à savoir pour combien
de temps.
Mylène Hassany