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Heures supplémentaires - trois questions aux avocats Caroline Hénot et Régis Debroise du cabinet Cornet Vincent Segurel

Heures supplémentaires - trois questions aux avocats Caroline Hénot et Régis Debroise du cabinet Cornet Vincent Segurel
Publié le 06/07/2022 à 11:04

On appelle heure supplémentaire toute heure accomplie à la demande de l’employeur, au-delà de la durée légale de 35 heures. Ces dernières donnent droit au salarié à une rémunération plus favorable et à un repos compensateur. Comment ces heures sont-elles encadrées ? Et peuvent-elles être imposées par l’employeur sans limite ? Chez Cornet Vincent Segurel, Caroline Hénot, avocate associée et Régis Debroise, avocat, répondent à nos questions.

 

 

 


Comment les heures supplémentaires sont-elles définies ?

Les heures supplémentaires sont les heures accomplies « au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente » (Code du travail, art. L. 3121-28).

En dehors des secteurs qui appliquent un régime d’équivalence (exemple : commerces de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers), toute heure effectuée au-delà de la 35e heure hebdomadaire est qualifiée d’heure supplémentaire.

Sauf annualisation du temps de travail ou accord collectif contraire, leur calcul s’effectue par semaine civile : la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures (C. trav., art. L. 3122-1).

Enfin, rappelons que les heures supplémentaires n’ont lieu d’être comptabilisées que lorsque le travail est rémunéré sur une base horaire : les salariés au forfait jours, qui doivent prester un nombre défini de jours par an, n’en réalisent pas par définition.




L’employeur peut-il les imposer ? Dans quel contexte ?

Oui, puisque la faculté d’imposer les heures supplémentaires ressort du pouvoir de direction de l’employeur.

Par conséquent, le refus par le salarié d’effectuer des heures supplémentaires peut constituer une faute justifiant le licenciement (Cass. soc., 26 nov. 2003, n° 01-43.140).

La limite de ce pouvoir de direction est l’abus de droit. Si, par exemple, l’employeur a précédemment refusé de payer ces heures supplémentaires, le salarié ne commet pas une faute en refusant de s’y plier à l’avenir (cf Cass. soc., 7 déc. 1999, n° 97-42.878).

 



« Il est de bon sens que les heures supplémentaires soient du ressort de l’exceptionnel »



 

Le juge recherche notamment si les conditions de la demande de l’employeur sont raisonnables, ce qui a pu amener à considérer qu’un salarié était fondé à les refuser lorsqu’il n’a pas été prévenu « suffisamment » tôt (cf Cass. soc., 20 mai 1997, n° 94-43.653).

Enfin, il est de bon sens que les heures supplémentaires soient du ressort de l’exceptionnel : les systématiser revient de facto à modifier la durée du travail et donc le contrat lui-même, ce qui peut alors justifier le refus du salarié face au recours systématique à des heures supplémentaires portant la durée du travail du salarié de 35 heures à 39 heures (Cass. soc., 8 sept. 2021, n° 19-16.908).

La notion d’abus de droit est toujours difficile à définir : dans les faits, l’employeur doit s’interroger sur la loyauté et le caractère raisonnable de sa demande.

 


 

Les heures supplémentaires sont-elles limitées ? Quelle sanction l’employeur risque-t-il s'il venait à la dépasser ? 

Les heures supplémentaires sont limitées sur une base annuelle, sur une base hebdomadaire et sur une période de 12 semaines.

Sur une base annuelle, un contingent est fixé soit par la convention collective / accord d’entreprise, soit par la loi (220 heures cf C. trav., art. L. 3121-39 et D. 3121-24).

En cas de dépassement de ce contingent, c’est encore l’accord collectif qui en tire les conséquences, ou à défaut la loi qui prévoit a minima que le dépassement ouvre droit à une contrepartie sous forme de repos (C. trav., art. L. 3121-30).

Ce repos est de 50 % des heures accomplies au-delà du contingent pour les entreprises de 20 salariés au plus, et de 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés (Code du travail, art. L. 3121-38).

Sur une base hebdomadaire, la loi empêche de porter la durée du travail au-delà de 48 heures (sauf circonstances exceptionnelles). Cette limite est ramenée à 44 heures en moyenne sur 12 semaines.

En cas de dépassement constaté de ces deux limites, l’employeur peut faire face à des sanctions civiles (le salarié estime avoir subi un préjudice), administratives (amende prononcée par la DREETS) mais aussi pénales (contravention de la 5e classe prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés (C. trav, art. R. 3124-13).

 

Propos recueillis par Constance Périn


 

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