Dans son discours prononcé place
Vendôme à Paris, Emmanuel Macron a salué la mémoire de l’ancien garde des
Sceaux, évoquant notamment la « plaidoirie inoubliable » qu’il
avait déclamée à l’Assemblée nationale contre la peine de mort en 1981. Aux
termes de son éloge, le président de la République a annoncé son souhait de
voir le nom de Robert Badinter inscrit au Panthéon.
La reconnaissance de la
nation. La cérémonie d’hommage à Robert Badinter a eu lieu ce mercredi 14 février
devant le ministère de la Justice, place Vendôme à Paris. Le cercueil est
arrivé sur place sous la pluie et les applaudissements de la foule venue en
nombre. Un parterre de personnalités des mondes politique et judiciaire étaient
également présentes, parmi lesquels Laurent Fabius, Lionel Jospin, Jacques
Toubon, Didier Migaud, Rémy Heitz, Paul Huber, ou encore les bâtonnier et
vice-bâtonnière de Paris Pierre Hoffman et Vanessa Bousardo.
C’est la voix de Robert
Badinter qui a ouvert la cérémonie, avec le début de son discours à l’Assemblée
nationale lors duquel il a présenté son projet de loi visant à abolir la peine
de mort : « J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de
demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France »,
a-t-on pu entendre, avant des applaudissements nourris. Un montage vidéo a
ensuite retracé la vie de l’ancien garde des Sceaux, avec des photos de sa
jeunesse, avant le déclanchement de la Seconde Guerre mondiale durant laquelle
son père sera assassiné dans un centre d’extermination, puis des images de son
entrée dans l’avocature, ses premières apparitions télévisées, à l’occasion de
procès médiatisés, son arrivée au ministère de la Justice, et le vote de la loi
pour laquelle il s’est le plus battu.
Son discours à l’Assemblée
contre la peine de mort, « une plaidoirie inoubliable »
Dans son discours, Emmanuel
Macron a retracé ce combat pour l’abolition de la peine capitale, avec comme
point de départ le choc de la guillotine, utilisée sur l’un de ses clients,
Roger Bontems, le 28 novembre 1972 devant les yeux du futur ministre, malgré
des tentatives désespérées d’éviter cette sentence, notamment via une grâce
présidentielle refusée par Georges Pompidou. « Le sang sur la lame, la
tête coupée d’un homme, une vie fauchée. » Le président de la
République a rappelé les mots que le mentor de Badinter, Henry Torres, lui
avait dit : « Tu deviendras vraiment un avocat après ta première mort
de condamné. » Cela l’encouragera dans sa lutte, de « partisan »,
il deviendra « combattant » contre la peine de mort. « Pour
ne pas perdre foi en l’homme, il ne faut pas tuer les hommes, fussent-ils les
pires coupables », a défendu Emmanuel Macron.
En janvier 1977, c’est pour
éviter le couperet à Patrick Henry qu’il plaide. La foule présente devant la
cour d’assises de Troyes réclame la mort du meurtrier de Philippe Bertrand, un
enfant de sept ans. Mais cette foule réclame aussi la tête de Robert Badinter,
« avocat des assassins ». « Si vous tuez Patrick
Henry, alors votre justice est injuste », assurait-il devant les
jurés. « Après Patrick Henry, Robert Badinter sauva la tête de cinq
autres condamnés », a rappelé le chef de l’État.

Puis vient le moment de son
arrivée à la Chancellerie, et de son projet de loi visant à empêcher toute
future condamnation à mort. Devant les députés, Robert Badinter prononce
« une plaidoirie inoubliable contre une peine capitale qui, par ses
mots, est pulvérisée, à son tour exécutée », a vanté Emmanuel Macron.
Par le vote du projet de loi, « Robert Badinter avait gagné son plus
grand procès », a-t-il estimé.
Mais d’autres ont
suivi : « vie des homosexuels, discriminés, dont Robert Badinter
mit fin à l’opprobre légale, vie brisée des victimes dont il se soucia plus que
tout autre avant lui, vie citoyenne avec ses droits inaltérables. Il supprima
les tribunaux d’exception, et ajouta un recours, celui de la Cour européenne
des droits de l’homme », a notamment cité le président de la
République.
« Il fut pendant cinq
ans le ministre le plus attaqué de France », s’est souvenu Emmanuel
Macron. « Tout-à-l’heure, vous l’avez applaudi dans cette même place où
alors des voix de haine s’élevaient pour l’attaquer », s’est-il exprimé
à la foule.
Le Président ouvre la voie à
une entrée au Panthéon
« Les morts nous
écoutent », a répété de nombreuses fois Emmanuel Macron tout au long
de son discours, reprenant les mots de Badinter. « Ceux qui écoutent
Badinter ce jour de septembre 1981 s’appellent Jaurès, Clémenceau, Briand,
Camus, Hugo. »
Les morts, dans sa famille,
ont été nombreux durant la Seconde Guerre mondiale, a rappelé le
Président : son père, Simon, sa grand-mère paternelle, Scheindlea. Sa
grand-mère maternelle, Idiss, est morte peu après que la famille a dû fuir
Paris.

« Robert Badinter fut
un jeune homme hanté par la mort », a estimé Emmanuel Macron. « Sans
doute est-ce pour cela qu’il fit toute son existence le choix résolu de la vie.
[…] Il vécut intensément chaque minute. »
Le président de la République
a également salué la famille de Robert Badinter, à commencer par sa femme Élisabeth,
avec qui il formait un « couple dans le siècle, uni par l’universel,
complice dans les épreuves et les procès, les bonheurs et les livres ».
Robert Badinter était « la
République faite homme, la vie contre la mort », a résumé Emmanuel
Macron, promettant d’être fidèle à l’enseignement et l’engagement de l’ancien ministre.
Le président de la République
a terminé son discours en annonçant sa volonté d’inscrire le nom de Robert
Badinter au Panthéon, « aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le
progrès humain et pour la France ».
Alexis
Duvauchelle