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Le management français est-il trop autoritaire ?

Le management français est-il trop autoritaire ?
Publié le 11/08/2025 à 17:32

Au printemps dernier, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a publié un rapport sur le management, comparant la France à quatre voisins européens. Le rapport montre un management français plus directif et vertical que chez eux. Est-ce vraiment le cas, et d’ailleurs est-ce toujours une mauvaise chose ? Quelles sont les causes d’un management plus hiérarchique, et globalement, comment améliorer les pratiques managériales ?

Un management plus directif que dans d’autres pays, plus vertical, impliquant moins les salariés, leur conférant moins d’autonomie et moins de reconnaissance… C’est en substance la façon dont le rapport de l’Igas « Pratiques managériales dans les entreprises et politiques sociales en France », paru en mars 2025, décrit le management français. Il précise bien que ce n’est pas systématique, mais estime que cela reste majoritaire.

Philippe Savajols, dirigeant d’Isospace, une entreprise d’aménagement d’espaces de bureaux, observe l’organisation du travail dans les neuf sociétés rachetées dans sa carrière et chez ses clients. Il trouve le management français « un peu trop hiérarchique, laissant traditionnellement assez peu de marge de manœuvre aux collaborateurs. Dans certaines sociétés que j’ai rachetées, j’ai dû déconstruire le modèle de management pour permettre à l’humain de retrouver un peu sa place ».

Plusieurs chercheurs interrogés confirment la tendance plus directive du management français, mais la nuancent fortement : nombre d’entreprises managent par la confiance, désireuses de répondre aux attentes des salariés, et cherchent les clés d’un management moins directif.

« Nous voyons des pratiques prometteuses concernant le management et le dialogue sur les conditions de travail », confirme Matthieu Pavageau, directeur scientifique de l’Anact, l’Agence nationale des conditions de travail, qui fait de la recommandation de politiques publiques et accompagne notamment des petites et moyennes entreprises. « S'il est très inégal, le dialogue a quand même cours et il se développe ».

Le sociologue des organisations Eric Delavallée confirme que cela existe aussi bien dans les petites entreprises que dans les grandes, comme Danone, « connue pour son management beaucoup plus participatif, intégrant davantage les logiques humaines que d'autres entreprises françaises ».

Cela dit, Matthieu Pavageau reconnaît que l’Anact « voit souvent dans ses enquêtes que le dialogue, s’il peut exister, est insatisfaisant et se confronte à des difficultés ». Il note un « affaiblissement de la capacité à se concerter sur l’avenir du travail. C’est un vrai problème ».

Loïc Le Morlec, chercheur en sciences de gestion, qui a managé dans de grands groupes internationaux, n’a pas l’impression - contrairement à d’autres intervenants - que le management relativement directif de la France le soit plus qu’à l’étranger. Et appelle à distinguer management autoritaire, rare, qui recourt à la contrainte, et potentiellement « impose au-delà de toute règle », et management directif, qui « exige de respecter les règles ». Il pointe une limite de l’étude : elle interroge plusieurs intervenants, mais seulement quelques grandes entreprises, sans observation de terrain.

Le management doit-il toujours être participatif pour être un bon management ?

Le rapport de l’Igas cite plusieurs sources qui s’accordent toutes sur la définition d’un bon management : il doit être notamment participatif, accorder suffisamment de reconnaissance aux salariés, et favoriser leur autonomie.

Il évoque plusieurs études liant la qualité du management et la santé des salariés, et même le management et la performance économique. Mais les effets d’un bon management vont bien au-delà : le rapport de l’Igas souligne qu’il influence aussi des dimensions collectives majeures comme le taux d’emploi, l’absentéisme, la santé mentale, ou encore le sentiment de sens au travail – des enjeux centraux pour les politiques sociales.

Vincent Coutansais, associé à Xelya, en est d’ailleurs fermement convaincu. Il veut proposer le management le plus participatif possible : chez l’éditeur de logiciels, le management est tournant, avec des mandats de trois ans pour les différents postes. Et il est participatif, avec beaucoup de co-construction. « Le manager est un facilitateur. Il amène les gens à faire, les accompagne quand ils ont besoin, les aide, les oriente. »

Caroline Diard, chercheuse en management à Toulouse Business School, explique qu’en « matière de management, vous suivez quelqu'un quand vous le considérez comme légitime. L'autorité s'appuie sur une forme de soumission, mais aussi une perception de l’utilité, un intérêt à obéir, et une reconnaissance de ce que vous êtes en tant que manager », notamment l’expertise professionnelle. Si un manager autoritaire n’est pas reconnu comme légitime, « à un moment, ça va au clash ».

Elle note aussi que si un contexte économique défavorable augmente la propension des gens à accepter un management, même s’il ne leur convient pas, certaines pratiques managériales sont de moins en moins acceptées, même en périodes de crise économique, car « les salariés, beaucoup mieux informés », sont plus critiques vis-à-vis des ordres reçus. Elle sent une « demande accrue de justification des décisions ».

Un management adaptatif

 « Personne n'a démontré que le management participatif était mieux et conduisait à plus de performance dans toutes les entreprises et à tous les niveaux de management que d'autres types de management, contredit cependant Eric Delavallée. Cela dépend des contextes, des moments ». Loïc Le Morlec et lui citent le « leadership situationnel », théorisé par les chercheurs états-uniens Paul Hersey et Kenneth Blanchard : « Il n’y a pas de management, il n’y a que des situations de management », synthétise Loïc Le Morlec.

Par conséquent, « le manager doit être capable d'adapter son style de management à la variété des situations et des personnes. Parfois, il doit être participatif, d'autres fois, directif, et cætera », poursuit Eric Delavallée. Comme en période de crise, ou quand une personne est réfractaire, ou en difficulté.

Loïc Le Morlec repense ainsi aux nombreuses règles, imposées de façon directive, lorsqu’il manageait dans l’industrie chimique. « Heureusement qu’on les fait respecter, car ce qui est en jeu, c’est la vie des salariés ». En revanche, ces règles « ne doivent pas brider et déresponsabiliser, ou responsabiliser mal, par exemple en allant chercher les KPIs à tout prix ». Selon lui, cela se retrouve pourtant chez certains managers de tous niveaux qui, poussés par le management par objectifs, ne veulent que faire leur chiffre.

Philippe Savajols se souvient d’un rachat d’entreprise où les salariés se plaignaient du management trop directif de l’ancien patron et voulaient plus d’autonomie, ce qu’il cherche à mettre en place dans ses entreprises. Il a été ravi, mais cela s’est mal passé : les salariés ont tout d’un coup eu beaucoup d’autonomie, sans l’accompagnement nécessaire. « C'était vraiment une découverte pour moi. Cela m’a appris qu'il fallait former ses managers à se transformer radicalement. Nous avons fait des formations à l'écoute active, et accompagné ces salariés. L'erreur était de croire que parce qu'ils étaient demandeurs d'autonomie, ils avaient complètement saisi ce que cela représentait comme effort de leur côté. »

« Tout le monde n’a pas envie d’être chef, d’avoir le pouvoir, ni même d’être managé de manière plus participative », rappelle la chercheuse Caroline Diard.

Mais le chercheur Loïc Le Morlec pointe qu’un management participatif doit s’accompagner d’un droit à l’erreur pour les salariés. Or, les managers eux-mêmes en bénéficient de moins en moins, selon lui, ce qui renforce encore le management descendant. « Dans certaines circonstances, le management directif est nécessaire. Mais si c'est le seul management, il va empêcher la créativité, la prise d'initiative... C’est un terrain propice pour le désengagement, la démotivation »… Et aussi le management toxique, puisqu’il y a moins de contrepouvoirs.

Quelles sont les causes du management directif ?

Certains mettent en avant des causes historiques, culturelles. Caroline Diard explique que le management de l’époque industrielle, « très contrôlant et visuel » (les contremaîtres regardaient ce que faisaient les ouvriers), est peu à peu devenu plus participatif, avec notamment la tertiarisation. « Mais on a réorganisé les entreprises de service comme étaient organisées les entreprises industrielles ». Elle cite ainsi la diminution du télétravail. « Le retour au bureau est une manifestation emblématique du management contrôlant », tout comme, selon elle, les plateformes téléphoniques, et la multiplication de réunions dans certaines banques durant le confinement, pour s’assurer que les salariés travaillaient. « Le contrôle visuel n'existe plus, mais a été remplacé par d’autres formes de contrôle » sur l’organisation du travail, permises par les nouvelles technologies.

Matthieu Pavageau critique certains « modèles d'organisation du travail fondés sur une distinction entre ceux qui pensent et ceux qui font, qui reprennent les fondements du taylorisme ». Si le management autoritaire a été accepté durant le compromis fordiste (croissance soutenue, sécurité de l’emploi), « la relation au travail ne peut plus être la même quand on est face à davantage d'insécurité, par exemple ».

Le rapport de l’Igas pointe aussi une culture de l’honneur à la française, un grand respect pour le statut hiérarchique. « C'est sûrement assez persistant dans les relations de travail, que ce soit dans le dialogue social ou dans la relation à l'autorité », confirme Matthieu Pavageau de l’Anact. Ce que Philippe Savajols, dirigeant d’Isospace, regrette, car cela conduit aussi à un éloignement du dirigeant et de l’équipe opérationnelle, les salariés « s’autocensurant » face à lui.

Il y voit aussi les effets de « la culture de la centralisation », qui accorderait une place prépondérante au chef. « Dans certaines tours à la Défense, il y a quelques années, le PDG avait son propre ascenseur que personne n'avait le droit de prendre. Les bureaux étaient un espace de pouvoir. Au fil des années, j’ai vu que l'espace de travail est le reflet de la culture managériale. Maintenant, l'open space suffit-il à casser l'autorité verticale ? Je n’en suis pas tout à fait certain. »

Mais Loïc Le Morlec rappelle que le passé industriel, vécu par d’autres pays occidentaux – « le taylorisme, ce n’est pas la France qui l’a inventée », ne permet pas d’affirmer que le management français serait plus directif. Il appelle à faire attention à ne pas sombrer dans le « French bashing ». Pour lui, le management est influencé par son environnement, c’est-à-dire tout ce qui exerce une influence sur l’activité humaine. Celui-ci « crée les conditions de management, ce n’est pas lié à une culture donnée ». L’environnement peut s’entendre d’un pays, d’un secteur, d’une entreprise. « Dans une PME, il se marie avec la personnalité du dirigeant. »

Il décrit la France comme « un environnement où les règles sont importantes, avec depuis le début du siècle un retour du management par les règles, qui induit un management directif. L’environnement devient de plus en plus bureaucratique, on impose de plus en plus de normes », aussi bien au niveau de l’Etat, qu’au niveau des entreprises, notamment des grands groupes vis-à-vis de leurs fournisseurs, les poussant à adopter un management directif.

Une autre explication selon lui - mais qui n’est pas propre à la France - est une financiarisation et une déréglementation de l’économie, qui affecte les grands groupes cotés : « Jusqu'à la fin du siècle précédent, la valorisation d'une entreprise se définissait par sa valeur économique. Maintenant, ce qui importe, c’est la confiance des marchés, qui peut chuter en une seconde. Et dès que vous entrez dans un environnement à risque, vous êtes obligés de mettre du contrôle », d’autant qu’il observe une aversion croissante au risque dans certains secteurs. D’où une augmentation du contrôle sur les résultats chiffrés.

Le chercheur note que souvent, les managers intermédiaires ont énormément de responsabilités, sans le « pouvoir d’agir ». Conséquence : « Les managers s’appuient sur les moyens qu’ils ont, être coercitifs avec leurs équipes ». D’autant qu’il observe, chez les grands groupes, « un problème de pression sur les résultats et un problème de temps. Cela ne laisse pas de place à la créativité, à l'esprit critique… Si vous n’avez plus le temps de rien, vous n’avez plus que le temps de micromanager ».

Tout en appelant à être prudent sur le sujet, Matthieu Pavageau indique que « le système de management par les chiffres, avec une logique dominante de reporting, peut avoir une incidence dans les grands groupes qui ont conçu des plans pluriannuels à des niveaux stratégiques sans prendre en compte les réalités productives : compétences présentes, coordination, coopération, liens avec la sous-traitance, etc. Certains parlent d’un découplage entre un management très stratégique et la réalité de travail ».

Un manque d’investissement des organisations ?

L’Igas pointe aussi le manque de formation des managers. Caroline Diard et Loïc Le Morlec observent tout de même que la formation initiale au management est mieux prise en considération dans les écoles, et plus collective.

Mais cela prend du temps. Et dans les entreprises, la majeure partie des managers n’est toujours pas formée, assure le chercheur, ce qui accroît les probabilités de reproduire le management à l’ancienne, très directif. D’autant que les entreprises ont du mal à évaluer les résultats du management, selon Matthieu Pavageau.

Ainsi, pendant longtemps, elles n’ont pas pris en compte les compétences spécifiques requises par le management, qui n’était vu ni comme un métier, ni comme une fonction mais comme une récompense des meilleurs éléments. « Souvent, on disait qu’on perdait un très bon technicien pour gagner un mauvais manager », confirme Eric Delavallée. Si désormais, le management attire moins, l’idée est encore répandue que « ce qui compte est d’être bon techniquement, que le management peut s'apprendre sur le tas ».

Le sociologue des organisations doute que les entreprises investissent « suffisamment dans des véritables dispositifs de développement managérial au-delà de la formation aux basiques du management ». La cause ? « Si on fait de grandes généralités, je pense que par rapport à d'autres pays, les dirigeants français n'attachent pas suffisamment d'importance au management, à sa qualité, à son impact sur la performance de l'entreprise et à ses modalités de fonctionnement ». Ce qui se sent aussi bien dans l’attribution des promotions que dans l’évaluation des managers. « Durant les entretiens annuels, vous évaluez leur performance opérationnelle, leur expertise technique, pas forcément leur capacité managériale. »

Conséquence : « Je ne suis pas bien sûr que ce soit au niveau hiérarchique le plus élevé qu'on trouve les meilleurs managers. Et même, on pourrait dire à peu près l'inverse. Je connais un certain nombre d'entreprises dans lesquelles on sait que les membres du comité de direction ne sont pas des managers exemplaires. »

Surtout, la plupart des intervenants partagent le constat que le style de management est largement favorisé par l’organisation, actuelle et passée : un manager au style participatif dans une organisation très directive aura plus de difficultés. Loïc Le Morlec – comme Matthieu Pavageau – appelle à se méfier du développement personnel, qui « plutôt que d’aller chercher des explications de contexte ou structurelles, remet la cause sur les individus ». La chercheuse de TBS Caroline Diard rappelle qu’un manager se définit à la fois par « des facteurs intrinsèques », des caractéristiques propres, et des facteurs extrinsèques : « Le manager est un acteur dans un système, où il est obligé de s'adapter aux luttes de pouvoir, à la culture d'entreprise, au process, au flux d'informations. »

Loïc Le Morlec dit en avoir fait les frais, en voulant amener un management globalement basé sur la confiance, tout en faisant face à beaucoup de pression et des objectifs très hauts. Vincent Coutansais de Xelya également. Il a auparavant été directeur commercial d’un éditeur nantais, avec cinq directeurs d’agence et 70 commerciaux, dans une structure « très pyramidale », due à une direction elle-même très hiérarchique, bien que familiale, convaincue d’une nécessaire distance entre le management et ses équipes.

Lui est adepte des moments informels, pour créer de la cohésion et prendre le pouls de l’équipe. Ce que le comité de direction va lui reprocher. « J’avais beaucoup de mal à obtenir des budgets pour cela. » Lors d’un séminaire commercial, plusieurs commerciaux refusent de venir si le président est là, à cause de « cette barrière managériale extrêmement présente », alors que lui a prévu un travail, mais informel – au grand dam du président.

Il prône un management par la confiance, on lui demande du « micromanagement mécanique, très axé chiffres, activité : je devais faire un point hebdomadaire sur le nombre de rendez-vous, de propositions ». Il préfère parler des objectifs, des affaires en cours, ne voyant pas de sens à demander des comptes sur leurs méthodes à « des commerciaux avec 25 ans de boîte. Or c’était ce que faisait le président, sans adaptation du management aux gens en face ».

Ainsi, lors du licenciement d’une commerciale, faute de résultats, le dirigeant insiste pour que la lettre de licenciement parte juste avant les vacances de la salariée. Le directeur commercial cède, mais le vit mal. « Cela s’est fait de façon extrêmement violente, alors qu’on aurait dû le faire d’une manière beaucoup plus humaine. »

Éric Delavallée pointe un autre écueil : le décalage croissant entre les discours affichés par les entreprises et les pratiques réelles. Ainsi, une entreprise qui prône le management par l’autonomie, mais dont le CoDir et le top management ont peu de compétences managériales, ne sera pas crédible. Idem si un dirigeant vante la délégation mais raye un manager, envoyant à sa place un salarié plus compétent sur un sujet.

« Là, vous créez ce qu'on appelle en psychologie de la dissonance cognitive, avertit-il. Et tout le monde comprend que ce qui compte vraiment dans l'entreprise, ce n'est pas la capacité à manager, c'est la capacité à produire des résultats ».

L’Igas relève un paradoxe : si la France dispose d’un arsenal réglementaire particulièrement étoffé pour encadrer l’organisation du travail, les effets concrets sur les pratiques managériales restent limités. Alors que le dialogue social est en France très formalisé, inscrit dans les textes, on y parle peu de management, contrairement à d’autres pays.

D’ailleurs, l’affaiblissement du dialogue social, qui peut entraîner un management directif, s’est accéléré, selon Matthieu Pavageau, avec les ordonnances de 2017 qui ont réformé les instances représentatives, en fusionnant toutes celles existantes dans le CSE, le comité social et économique, chargé de tout traiter sans nécessairement en avoir les moyens. Alors que l’Anact met en avant l’importance de pouvoir négocier ses conditions de travail, l’organisation constate que depuis une trentaine d’années, c’est de moins en moins le cas.

Comment améliorer le management français ?

L’Igas présente plusieurs pistes d’amélioration. Notamment, instaurer plus de participation des salariés, aussi bien au niveau de l’organisation de leurs tâches que du fonctionnement de l’entreprise. Matthieu Pavageau explique d’ailleurs que l’Anact s’est fondée sur cette volonté d’instaurer un « partenariat social, c'est-à-dire passer d'un rapport de force permanent entre travailleurs et employeurs à la recherche du compromis », sans oublier que « des intérêts coexistent, et ne sont pas toujours exactement les mêmes » pour toutes les parties.

D’où l’intérêt de promouvoir « cette base culturelle : la réunion des intérêts n'est pas immédiate, parce qu'elle passe par des phases de discussion, de confrontation, de débat », que les organisations gagneraient à adopter. Ce management participatif, évident au niveau de l’opérationnel, améliore « la satisfaction au travail, la santé au travail, la performance des équipes, la réduction de l'absentéisme, l'accueil de ceux qui reviennent d'un arrêt de travail ». Ensuite, « à un niveau plus stratégique, c’est plus complexe », mais possible dans une certaine mesure.

Le rapport de l’Igas appelle aussi à s’inspirer des bonnes pratiques des voisins. Ainsi, en Suède, les syndicats soutiennent les managers dans leur rôle ; en Allemagne, des dispositifs comme l’initiative « für eine neue Qualität der Arbeit » accompagnent les PME vers un management plus coopératif. Il propose de lancer un programme public de soutien à l’innovation managériale inspiré du modèle allemand du 'Future of Work'.

L’Igas demande un meilleur accompagnement durant la carrière, et propose par exemple que l’Apec accompagne les cadres aussi sur leurs missions managériales. Elle appelle à renforcer la formation, et à la rendre plus concrète.

L’Anact a déjà mené des programmes en partenariat avec des écoles pour apporter des bases plus scientifiques au management, renforcer la culture managériale, « s'intéresser à ce que c'est que l'innovation sociale dans le travail, l'influence de l'organisation, de la gestion sur les pratiques, sur les attitudes ».

Le rapport propose aussi d’introduire explicitement les pratiques managériales dans le dialogue social obligatoire. Si les intervenants plaident pour la création d’espaces de discussion sur le travail et sur le management, expérimentés localement, Matthieu Pavageau estime que « cela ne peut pas tout de suite être un objet de dialogue social, car les managers ont besoin d'être sécurisés dans des phases où il s'agit d’aller regarder, améliorer, changer les pratiques. Cela peut être un objet de travail dans les équipes managériales ».

Plusieurs intervenants insistent sur le fait que les managers ne peuvent pas changer seuls le management et la culture de l’entreprise. C’est à la direction de créer les conditions propices, et de revoir l’organisation du travail pour que les managers aient plus de liberté et puissent favoriser l’engagement et l’autonomie de leurs équipes.

Philippe Savajols affirme se soumettre aux mêmes règles de flex office que ses salariés : ni bureau, ni place attribuée dans l’open space. Et via l’intranet, chacun, parmi sa centaine de salariés, peut le contacter anonymement. Beaucoup de dirigeants lui demandent de transformer leurs espaces de travail pour correspondre à une organisation moins hiérarchique, plus en phase avec les attentes. Il les prévient que cela passera nécessairement par « de l’accompagnement au changement et de la formation. Il faut une vraie réflexion sur le changement de management », et même un réagencement des bureaux doit impliquer l’ensemble des équipes.

Pour lui, passer d’un management très directif à un management plus participatif doit se faire progressivement, et surtout en accompagnant les managers à « accepter de ne pas tout contrôler » et en les formant « au pilotage par la confiance ». Il assure essayer « d’incarner et d’expliquer plus que de définir » le management de l’entreprise, et de le coconstruire avec ses managers.

Pour Caroline Diard, la clé du management, c’est l’adaptation : « Quand vous arrivez dans une structure, il faut vous demander d'où viennent les gens, quel est leur parcours, s’il y a eu des conflits, quelles sont les interactions… ». Et les experts appellent à rendre les managers capables d’adapter leur style de management aux situations.

Pour Loïc Le Morlec, le management par objectifs pourrait fonctionner si on ne donnait pas d’objectifs financiers. Il recommande également, de façon très concrète, de transférer les provisions faites en cas de sous-performance, de la direction financière au niveau opérationnel, pour donner des marges de manœuvre aux managers. « Mais aujourd’hui, on n'encourage pas la prise de risques et on augmente le contrôle parce que si vous prenez un risque, et que cela marche, on ne vous rétribue que sur l'année et on remet tout à zéro pour l'année suivante ». Ce qui plonge les managers dans une pression constante.

Loïc Le Morlec explique avoir toujours – sauf exception – favorisé « la confiance, l’autonomie, la prise d’initiative ». Ne pas passer son temps à contrôler le travail de ses équipes lui a fait gagner 50 % de temps... Qu’il a alors pu consacrer à créer de la valeur pour son entreprise. « Ce que je perdais d'un côté à ne pas contrôler, je le gagnais 100 fois avec ce que j'allais transformer, innover et apporter comme valeur aux entreprises. »

Il appelle également à « laisser l’opportunité de moments informels », durant lesquels les barrières hiérarchiques tombent en partie – mais initiés par les salariés. « Si vous créez un moment informel, il devient formel ».

Montrer plus de reconnaissance est également une piste citée par l’Igas, mais Loïc Le Morlec nuance : « Aux Etats-Unis, ils disent ‘good job’ dix fois par jour, mais vous pouvez être virés le soir-même. »

 Si reconnaître verbalement le succès d’un collaborateur est important, il insiste sur le fait que « la reconnaissance devrait avoir une notion de durée », et passe, entre autres, par le fait de « faire en sorte que chaque personne puisse trouver elle-même du sens à son travail ». Cela signifie aussi, notamment dans le cadre d’une transformation, « partir du terrain, l’écouter, en tenir compte. C’est une forme de reconnaissance majeure ».

Aude David

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