Le 19 janvier, le ministre
Bruno le Maire a annoncé la réouverture du registre des bénéficiaires
effectifs, contrecarrant un arrêt récent de la CJUE. Toutefois, cet accès
pourrait être limité à l’avenir, pour prendre en compte la décision de la
juridiction supranationale.
La publicité du registre des
bénéficiaires effectifs (RBE) semble sur la sellette ! Le 22 novembre
2022, un arrêt rendu par la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) avait invalidé la disposition de la directive antiblanchiment sur la
publicité des informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés de
l'UE, considérant que cette ouverture constituait une atteinte grave au
regard de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Coïncidence, moins d’un mois
et demi après, l’accès du public aux données du RBE avait été suspendu « pour
des raisons techniques, à l’occasion du passage au registre national des
entreprises », par
l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) le 1er janvier
2023. Il a finalement été – provisoirement – rétabli le 19 janvier, sur
décision du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté
industrielle et numérique, Bruno le Maire.
Provisoirement, car le
ministère de l’Économie planche aujourd’hui sur de nouvelles modalités de consultation
qui pourraient être, à l’avenir, limitées, afin de tirer toutes les
conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Définies
« prochainement », elles permettront « notamment aux
organisations de la société civile ayant un intérêt légitime ainsi qu’aux
organes de presse de continuer à accéder au RBE », a indiqué le
ministère.
Un accès universel au RBE pour
lutter contre le blanchiment d’argent
Pour bien comprendre ce qui
est en jeu, il faut rappeler que l’obligation de tenir un registre des
bénéficiaires effectifs découle de la loi Sapin II sur la transparence, la
lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique du 9
décembre 2016, qui transpose la directive européenne du 20 mai 2015, 4e
directive relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement
du terrorisme.
Ainsi, depuis le 1er août
2017, correspondant au dernier délai de mise en conformité, toute personne
morale immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) doit
impérativement procéder au dépôt d’un registre des bénéficiaires effectifs –
soit les personnes physiques possédant plus de 25 % du capital social de
l’entreprise et exerçant un contrôle sur les décisions prises par la société – dès
sa création.
Dans une volonté de
transparence, et en application de l’ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020,
le grand public a été autorisé à accéder gratuitement aux données non
confidentielles des bénéficiaires effectifs à partir de 2021 : nom, prénoms,
mois et année de naissance, pays de résidence, nationalité des bénéficiaires
effectifs, intérêts effectifs dans la société concernée. L’accès à
l’intégralité des données reste en revanche réservé à certaines entités
(autorités judiciaires, Tracfin, l’administration fiscale et les douanes).
À savoir également que la
publicité et la gratuité du registre des bénéficiaires effectifs a été garantie
dans le cadre de la transposition de la cinquième directive européenne
antiblanchiment. Cette dernière est celle qui a imposé aux États membres de tenir un
registre contenant des informations sur les bénéficiaires effectifs de sociétés
et autres entités juridiques constituées sur leur territoire. À la suite d’une
modification de ce texte par la directive 2018/843, certaines de ces
informations devaient être rendues accessibles dans tous les cas à tout membre
du grand public.
Mais la France planche
aujourd’hui sur la sixième directive en cours de négociation et qui devra être
adoptée en tenant compte de la décision de la CJUE. Affaire à suivre !