Lundi 16 septembre, avocats, infirmières,
pilotes, et autres professions libérales se sont réunis en masse à Paris pour
protester contre le projet de réforme des retraites qu’entend mener le
Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. Révoltés
contre l’augmentation de leurs cotisations et la baisse de leurs pensions que
sous-entend la réforme, ces professionnels s’inquiètent de l’avenir de leur
métier et dénoncent des mesures injustes.

Ils avaient prévenu. Après les transports franciliens, c’était au
tour des barreaux français de monter au créneau, le lundi 16 septembre,
contre la réforme des retraites voulue par le gouvernement.
Des milliers d’avocats se sont en effet réunis entre 13h et 14h pour une
longue marche de protestation qui a démarré place de l’Opéra, et s’est terminée
à Nation en fin d’après-midi. Ces derniers étaient accompagnés d’autres
professionnels libéraux (médecins, pilotes, kinésithérapeutes, etc.), syndicats
et associations de régimes autonomes qui partagent les mêmes revendications.
DES MILLIERS DE ROBES NOIRES DANS
LA RUE
« Mes chers confrères, nous n'avons jamais été aussi nombreux.
Nous n'avons jamais été aussi unis et rassemblés ! » a proclamé
au haut-parleur Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des
barreaux (CNB), sur les marches de l’Opéra Garnier, où s’étaient donné
rendez-vous les avocats venus de toute la France. 160 des 164 barreaux de France étaient en effet représentés lors de
cette manifestation.
« Allô, allô, tous les avocats du barreau de Paris sont attendus
derrière les banderoles, boulevard des Italiens ! » a
clamé de son côté Marie-Aimée Peyron, bâtonnière de Paris, pour faire venir
encore plus de monde à leurs côtés.
« Non à la taxe retraite ! » ; « Retraite
plus chère = justice précaire » ; « Avocats surtaxés,
retraites sacrifiées, avenir en danger », pouvait-on lire sur les
affiches et autres banderoles que tenaient dans leurs mains les robes noires.
« Nous ne sommes pas un régime spécial, mais un régime autonome,
avec une caisse qui s'auto-finance », pouvait-on également entendre
dans la foule. Une manière pour les auxiliaires de justice de bien se démarquer
de la grève menée par la RATP (dont le personnel bénéficie d’un régime spécial)
du vendredi 13 septembre.
« On a un système tellement équilibré qu’on ne pourra pas trouver
mieux » a déclaré de son côté un éminent avocat, interrogé par un
journaliste du Figaro.
Les représentants des autres professions libérales avaient à peu près le
même discours.
« On a des caisses de retraite autonomes financées depuis la
Seconde Guerre mondiale, qui sont à l’équilibre et le gouvernement s’en empare
pour aller financer des caisses qui sont en déséquilibre. C’est injuste »
a ainsi déclaré le président de la CRPNPAC (Caisse de retraite complémentaire
des personnels navigants) au même média.
« Cette réforme ne s’inscrit dans aucune logique, si ce n’est une
logique financière qui vise encore à aller prendre du “pognon” dans la poche de
gens qui ont déjà trop donné », a dénoncé un représentant de l’UNAC
(Union des navigants de l’aviation civile).
« Le projet Delevoye envisage de doubler carrément nos
cotisations retraite, ce sont des charges qui seront impossibles à payer à
cause des honoraires très bas imposés par l’État » a expliqué de son
côté une kinésithérapeute de l’Association Alizé.
Interviewée sur BFMTV, le soir de la manifestation, Christiane
Féral-Schuhl, a insisté : « Au moins 50 % de la profession
est directement impactée par le taux de cotisation qui est fixé par le rapport
Delevoye. Cette cotisation va passer de 14 % sur le revenu net à 28 %
sur le revenu brut. Cela va créer des surcharges insupportables pour certaines
structures… Cela va conduire les jeunes avocats à quitter la profession,
inciter les structures à se séparer du personnel salarié, de certains
collaborateurs… »
Puis de renchérir : « Autant on peut comprendre que le
régime universel veuille créer un seul régime pour rassembler tous les régimes
spéciaux [NDLR : RATP, SNCF, EDF…], autant nous, à aucun moment
nous n’avons ponctionné de l’argent à l’État, puisqu’on est totalement
indépendants. En outre, on ne peut pas confondre le statut du libéral
indépendant avec celui du salarié - nous n’avons pas les protections sociales -
ni avec celui du fonctionnaire - nous n’avons pas les garanties de la
fonction. »
Bref, « On ne comprend pas pourquoi il y a 50 ans on nous a
dit “vous êtes libéraux débrouillez-vous”, et maintenant on nous dit de
faire comme tout le monde ».

ET APRÈS ?
Le rassemblement des avocats a été doublé ce jour-là d'une grève des
audiences dans de nombreux barreaux. La plupart des avocats ont décidé de ne
plaider aucune affaire et de demander le renvoi des procès.
Le lendemain dans la soirée, sous la pression, la garde des Sceaux,
Nicole Belloubet, et le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul
Delevoye ont bien voulu recevoir les représentants de la profession d’avocat
(Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, Marie-Aimée Peyron, bâtonnière de
Paris et Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers)
au ministère de la Justice.
Au terme de l’entrevue qui a duré plus d’une heure, ces derniers
n’étaient pas convaincus : « Nous n’avons pas obtenu toutes les
explications demandées, ni de garantie quant à la conservation de notre régime
de retraite autonome » a affirmé Christiane Féral-Schuhl à la presse.
« La balle est dans le camp du gouvernement » a-t-elle ajouté.
En attendant, la profession compte bien ne « rien lâcher » et
promet que des actions vont se poursuivre si rien ne change.
Maria-Angélica Bailly