Lundi 5 mai, devant le
tribunal judiciaire de Paris, la manifestation a rassemblé avocats, professionnels
de la PJJ et magistrats. Depuis quelques semaines, ces derniers veulent rendre
visible leur opposition à la loi proposition de loi Attal, qui projette de
réformer la justice pénale des mineurs. Un texte que la profession qualifie de
« répressif », voire « réactionnaire ».
D’autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, à l’appel de
plusieurs barreaux.
C’est en robe qu’ils se sont
rassemblés devant le palais de justice, pancartes et banderole en main. Un vent
froid fait flotter les drapeaux aux couleurs de plusieurs syndicats, dont la
Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA).
Les avocats du barreau de
Paris, rejoints par certains de leurs confrères et consœurs d’Ile-de-France, protestent
ce lundi 5 mai contre la proposition de loi émise par l’ancien Premier ministre
Gabriel Attal et qui entend réformer
la justice pénale des mineurs en renforçant les sanctions et en supprimant
l’excuse de minorité. Un « projet de réforme qui menace
les principes fondateurs de la justice des mineurs », précisait
l’appel à mobilisation diffusé sur les réseaux sociaux.

Selon le barreau de Paris, ce projet de réforme « menace les principes fondateurs de la justice des mineurs »
« Aujourd’hui, on se
bat contre une loi inconstitutionnelle, tout simplement, explique Solène
Debarre, avocate pénaliste et membre de l’antenne des mineurs du barreau de
Paris. Un vrai danger menace les spécialités des juridictions de mineurs, et
la frontière entre les mineurs et les adultes s’effrite. Les mineurs sont avant
tout des adultes en formation. Leurs
passages en détention sont souvent délétères.
Incarcérer plus de mineurs ne fera qu’empirer la situation, alors qu’on sait
que l’éducatif, l’implication des parents, préviennent la récidive. »
« Il n’y avait pas
besoin de réforme, mais bien de moyens, complète Charlotte Tenehaus,
avocate spécialisée en justice des mineurs. La loi Attal n’est pas une
réponse à un besoin réel, mais à un sentiment, un mantra, celui d’une
« justice laxiste ». Aujourd’hui, nous n’avons même pas d’étude sur
les impacts du Code de justice pénale des mineurs (créé par Éric
Dupond-Moretti et entré en vigueur en 2021, ndlr). Il aurait fallu une étude
globale pour évaluer ses résultats. Mais on a préféré l’opinion publique et une
opération de communication. »
« La délinquance
vient avant tout d’un manque éducatif et d’un manque affectif »
Aux côtés des avocats, quelques
magistrats – le Syndicat de la magistrature avait également appelé à se
mobiliser contre le texte -, des professionnels de la protection judiciaire de
la jeunesse, et également des représentants du monde associatif, comme
l’association CDP-enfance, qui lutte contre la maltraitance des enfants et qui
les assiste lors des procédures judiciaires.
Marie Fougères,
administratrice de ce collectif et ancienne cheffe d’établissement, craint
notamment les conséquences et « l’effet boule de neige » d’un
tel texte, qui prévoit d’abaisser la majorité pénale : « Les
neurosciences le prouvent : à 15, 16 ans, le cerveau est immature. Cette
loi est tout simplement un déni de science. »
Pour la manifestante, la
répression ne remplacera jamais le fait « d’investir dans l’éducation ».
« Remettre un médecin scolaire dans chaque établissement, renforcer la
présence d’infirmières et d’assistantes sociales… On a besoin de ces
accompagnements. Aujourd’hui, il n’y a plus de suivi pour les enfants qui
décrochent. La délinquance vient avant tout d’un manque éducatif et d’un manque
affectif », poursuit l’ex-enseignante.
Un avis partagé par les
représentants syndicaux de la PJJ. Cécile Rouibah, secrétaire régionale CGT
PJJ-Justice Ile-de-France et Outre-Mer, dénonce une loi « répressive à
l’encontre du développement de l’enfant, qui a besoin de temps pour se
construire ».
« Si la loi passe,
les audiences vont se multiplier et les incarcérations augmenter, craint
l’éducatrice. Un enfant ne peut pas comprendre les sanctions. Tous les
professionnels s’accordent pour dire que sans éducation, on n’obtient rien. Le
terrain n’a pas été consulté, on ne nous écoute plus, au profit de textes
pensés pour remporter des voix aux élections ».
Cécile Rouibah évoque elle aussi
le Code de justice pénale des mineurs, dont les conséquences sur les agents du
ministère de la Justice ont été directes, selon elle : « Les
moyens n’ont pas suivi. On passe beaucoup moins de temps avec les mineurs et
leurs familles. Il y a eu beaucoup de départs d’éducateurs, et une perte de
sens générale se ressent dans notre profession. »
La secrétaire régionale
s’interrompt pour lancer à un groupe d’adolescentes, intriguées par la
manifestation : « Vous avez quel âge ? 16 ans ? C’est
pour vous qu’on se bat ! Vous, qui pourrez peut-être bientôt aller en
prison si vous volez une brosse à dents ! » « Merci,
alors ! » répond une jeune fille.
Les débats sur le texte se
poursuivent ce mardi 6 mai en commission mixte paritaire.
Mylène
Hassany