Le ministre de la Justice
s’est vu expliquer les différents dispositifs de prévention contre les
violences intrafamiliales présents sur le ressort du tribunal.
C’était le premier
déplacement au tribunal de Versailles pour Didier Migaud depuis sa nomination
au ministère de la Justice. L’occasion pour la juridiction de lui présenter son
ressort. Le président du tribunal, Bertrand Menay a insisté sur les « très
forts contrastes que présente le département d’un million et demi d’habitants »,
en particulier en termes de richesses. Le chef du TJ a aussi voulu casser l’image
un peu trop idyllique de son territoire : « On peut se dire que
c’est une juridiction provinciale tranquille, où tout se passe bien. Tout va
bien monsieur le ministre, mais quelquefois au prix d’efforts beaucoup plus
importants que ce que l’on pourrait imaginer. »
Mais la visite du garde des
Sceaux avait surtout pour objet la présentation par le personnel du tribunal
des différents moyens mis en place pour lutter contre les violences intrafamiliales
(VIF) et les féminicides dans le ressort. La procureure de la République
Maryvonne Caillibotte a insisté sur « l’explosion du contentieux ».
Une hausse des dossiers qui a amené le TJ comme bien d’autres juridictions de
France à « faire face à une situation inédite, tant par la masse des
affaires que par leurs caractéristiques ». Le contentieux est presque
constamment lié à l’urgence, a assuré la procureure de la République, « autant
pour la partie pénale que la partie civile ». Paradoxalement, « ces
dossiers nécessitent du temps d’accompagnement ».
Un effectif dédié en hausse
Entre 2019 et 2023, le nombre
de procès-verbaux enregistrés en matière de violences intrafamiliales a
augmenté de 66 %. Dans le même temps, la juridiction a rendu 90 % de jugements
en matière pénale en plus en matière de VIF. La section spécialisée a été
renforcée en 2022, avec le recrutement de deux personnes pour atteindre huit
professionnels dédiés au traitement de ces affaires. « Cette
hausse d’effectifs se fait au détriment d’autres sections du parquet dont on a
considéré les contentieux comme moins importants », a regretté la
procureure.
La permanence téléphonique a
aussi été renforcée afin de pouvoir gérer dans de meilleurs conditions les
urgences et de nouveaux téléphones grave danger, dont le mode de fonctionnement
a été expliqué au ministre par la section des affaires familiales et des
mineurs, ont été mis à disposition des victimes par le tribunal. Au nombre de
25 en 2020, ils sont aujourd’hui 73 à être déployés. En moyenne, un signalement
est effectué tous les deux mois.
Du côté des bracelets
antirapprochement, 29 peines de ce type ont été annoncées par le tribunal
correctionnel depuis 2021, tandis que le service de l’application des peines en
a prononcé 48 durant cette même période. Trois bracelets sont actifs, et 11
sont prêts à être activés lorsque les personnes condamnées seront libérées de
prison. « Le faible prononcé de bracelet antirapprochement dès
l’audience correctionnelle tient en bonne partie à l’absence d’accord de la
victime à l’audience de jugement et aux retours d’expérience qui mettent
en évidence les difficultés de mise en œuvre en zone urbaine », a
expliqué Aude Montrieux, première vice-présidente du TJ de Versailles.
Un projet de juridiction pour
cadrer les dispositifs
« Particularité
versaillaise, une importance accrue est donnée à la protection des mineurs, qui
sont de plus en plus victimes », a témoigné la procureure. La juridiction
a d’ailleurs créé en début d’année 2023 le premier comité de pilotage
départemental spécifiquement dédié aux violences faites aux mineurs.
Chaque vendredi, une liste
des sorties de prison prévues dans le mois qui suit est transmise au parquet,
afin de pouvoir aviser les victimes de la date de sortie de leur ancien
conjoint et de procéder à une nouvelle évaluation du danger.
Pour cadrer cette politique
et mieux la faire évoluer, le tribunal judiciaire a rédigé en 2021 un projet de
juridiction. « Ce document de référence est aujourd’hui connu de tous »,
a assuré Bertrand Menay. Une boite à outils y est associée pour que les membres
de la juridiction puissent s’adapter à toute modification des dispositifs.
Après son écoute attentive
des différents intervenants, Didier Migaud a pu visiter les services du
traitement en temps réel du parquet, de l’application des peines et des
affaires familiales. De quoi lui donner des idées au niveau national ?
Alexis
Duvauchelle