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Gérald Darmanin a rappelé sa volonté de cesser les sursis successifs et de mettre en place un plaider coupable via sa proposition de loi « SURE ». Des mesures qui, de l’avis des avocats, ne répondent pas aux réalités de la justice, une justice mise à l’écart au profit de sujets comme le narcotrafic.
Ce 29 juillet, le ministre de
la Justice Gérald Darmanin s’est rendu au tribunal judiciaire de Nanterre pour
« échanger avec des magistrats de permanence au Parquet, des magistrats
du pole correctionnel et de l’application des peines », avant un temps
de micro tendu après la visite du dépôt du tribunal.
L’occasion d’aborder son
projet de loi « SURE » visant à réformer la justice pénale, lequel
fait grincer des dents une partie de la profession d’avocat.
Mots d’ordre de la
réforme : « faire preuve de bon sens ».
Les sursis successifs dans le
viseur
Selon le ministre de la
Justice, il n’est pas normal que de « dangereux détenus » en
isolement continuent d’avoir accès à des téléphones portables. Pour remédier à
ces anomalies, ont notamment été créées les prisons de haute sécurité « avec
succès et en cinq mois », s’est-il félicité.
Gérald Darmanin a également évoqué
les sursis, qui font l’objet d’un article dans sa proposition de loi. « Le
fait que des personnes puissent avoir plusieurs sursis d’affilée est le
contraire du mot en lui-même. » Et d’ajouter que si la loi « interdit
qu’on aille en prison pour des peines inférieures à 6 mois, on défie le bon
sens. Pourquoi alors prononcer une peine ? », s’est
rhétoriquement questionné le ministre.
S’il a reconnu le taux de
surpopulation en France, sans pour autant aborder de solutions, Gérald Darmanin
a davantage insisté sur les peines qui ne sont pas effectuées et sur la volonté
de mettre en place des jours amendes, comme en Allemagne, qui consistent à
verser une somme d’argent au Trésor public en lieu et place d’une peine de
prison, ainsi qu’un plaider coupable, qui aurait été « proposé par les
magistrats ».
Une mesure qui permettrait de
raccourcir les délais de jugements si toutes les parties concernées
s’accordent.
Une réforme inadaptée à la
réalité des avocats et détenus
Autant de propositions qui
n’ont pas résonné par la positive chez les avocats présents ce jour-là, dont l’avocate
Camilla Quendolo qui a souhaité poser une question au ministre avant que
celui-ci ne se dérobe, au motif qu’il avait « déjà vu les avocats ».
Cette même avocate avait reçu
en juin dernier une lettre de l’administration
pénitentiaire, laquelle sommait les détenus à faire preuve,
ici aussi, « de bon sens » pour ce qui est de se partager les
matelas au sol.
A défaut d’avoir pu
interroger le ministre de la Justice, l’avocate Camilla Quendolo a exprimé son
mécontentement au micro des journalistes, et dénoncé une réforme « qui
ne répond pas à la réalité du quotidien » des avocats, et qui formule
des « propositions qui existent déjà sans donner des moyens
d’agir », a-t-elle fustigé.
« Les jours amendes,
j’en fais tout le temps, quant au sursis probatoire, il existe déjà, et on
vient nous dire en plus de réduire ces modalités pour des personnes qui n’ont
pas de casier judiciaire, ce qui aura pour effet d’envoyer davantage de
personnes en détention. »
Et l’avocat Aziz Smira de
compléter : « Sur le plaider coupable, il faut savoir que ce n’est
pas demandé par les professionnels du droit, et pose surtout la question
fondamentale de la victime. »
Un « effet loupe sur
des sujets moins importants »
Camilla Quendolo a également évoqué
un « effet loupe » sur certains sujets « moins
importants », laissant les avocats et détenus dans la même situation
« qui d’ailleurs s’aggrave ».
« Le narcotrafic
c’est une chose, mais ce n’est pas la réalité de la justice. Et cette justice
on n’en parle jamais », a-t-elle déploré. Et d’ajouter que seul
1 % des infractions reprochées constituent des crimes qui restent à la
marge. « Il faut arrêter de penser que la justice ce n’est que des
meurtriers et des violeurs. Il en existe, mais c’est une grande minorité
pénale. »
Pour l’avocate, la politique
menée par le ministre de la Justice relève plus d’une volonté politicienne que
d’une politique en tant que telle, et regrette sa visite au dépôt qu’elle a
qualifié de « spectacle ». « On m’a demandé de faire
un déferrement dans un box vitré au regard de tous, et je refuse que des
moments de justice privés soient faits en public. Néanmoins, j’avais des
questions à poser à monsieur le ministre, et je remarque que quand nous,
avocats, avons eu des questions à poser, il est parti. »
Allison
Vaslin
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