En déplacement à Nanterre, le ministre de la Justice prône « le bon sens » en matière pénale


mercredi 30 juillet4 min
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Gérald Darmanin a rappelé sa volonté de cesser les sursis successifs et de mettre en place un plaider coupable via sa proposition de loi « SURE ». Des mesures qui, de l’avis des avocats, ne répondent pas aux réalités de la justice, une justice mise à l’écart au profit de sujets comme le narcotrafic.

Ce 29 juillet, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s’est rendu au tribunal judiciaire de Nanterre pour « échanger avec des magistrats de permanence au Parquet, des magistrats du pole correctionnel et de l’application des peines », avant un temps de micro tendu après la visite du dépôt du tribunal.

L’occasion d’aborder son projet de loi « SURE » visant à réformer la justice pénale, lequel fait grincer des dents une partie de la profession d’avocat.

Mots d’ordre de la réforme : « faire preuve de bon sens ».

Les sursis successifs dans le viseur

Selon le ministre de la Justice, il n’est pas normal que de « dangereux détenus » en isolement continuent d’avoir accès à des téléphones portables. Pour remédier à ces anomalies, ont notamment été créées les prisons de haute sécurité « avec succès et en cinq mois », s’est-il félicité.

Gérald Darmanin a également évoqué les sursis, qui font l’objet d’un article dans sa proposition de loi. « Le fait que des personnes puissent avoir plusieurs sursis d’affilée est le contraire du mot en lui-même. » Et d’ajouter que si la loi « interdit qu’on aille en prison pour des peines inférieures à 6 mois, on défie le bon sens. Pourquoi alors prononcer une peine ? », s’est rhétoriquement questionné le ministre.

S’il a reconnu le taux de surpopulation en France, sans pour autant aborder de solutions, Gérald Darmanin a davantage insisté sur les peines qui ne sont pas effectuées et sur la volonté de mettre en place des jours amendes, comme en Allemagne, qui consistent à verser une somme d’argent au Trésor public en lieu et place d’une peine de prison, ainsi qu’un plaider coupable, qui aurait été « proposé par les magistrats ».

Une mesure qui permettrait de raccourcir les délais de jugements si toutes les parties concernées s’accordent.

Une réforme inadaptée à la réalité des avocats et détenus

Autant de propositions qui n’ont pas résonné par la positive chez les avocats présents ce jour-là, dont l’avocate Camilla Quendolo qui a souhaité poser une question au ministre avant que celui-ci ne se dérobe, au motif qu’il avait « déjà vu les avocats ».

Cette même avocate avait reçu en juin dernier une lettre de l’administration pénitentiaire, laquelle sommait les détenus à faire preuve, ici aussi, « de bon sens » pour ce qui est de se partager les matelas au sol.

A défaut d’avoir pu interroger le ministre de la Justice, l’avocate Camilla Quendolo a exprimé son mécontentement au micro des journalistes, et dénoncé une réforme « qui ne répond pas à la réalité du quotidien » des avocats, et qui formule des « propositions qui existent déjà sans donner des moyens d’agir », a-t-elle fustigé.

« Les jours amendes, j’en fais tout le temps, quant au sursis probatoire, il existe déjà, et on vient nous dire en plus de réduire ces modalités pour des personnes qui n’ont pas de casier judiciaire, ce qui aura pour effet d’envoyer davantage de personnes en détention. »

Et l’avocat Aziz Smira de compléter : « Sur le plaider coupable, il faut savoir que ce n’est pas demandé par les professionnels du droit, et pose surtout la question fondamentale de la victime. »

Un « effet loupe sur des sujets moins importants »

Camilla Quendolo a également évoqué un « effet loupe » sur certains sujets « moins importants », laissant les avocats et détenus dans la même situation « qui d’ailleurs s’aggrave ».

« Le narcotrafic c’est une chose, mais ce n’est pas la réalité de la justice. Et cette justice on n’en parle jamais », a-t-elle déploré. Et d’ajouter que seul 1 % des infractions reprochées constituent des crimes qui restent à la marge. « Il faut arrêter de penser que la justice ce n’est que des meurtriers et des violeurs. Il en existe, mais c’est une grande minorité pénale. »

Pour l’avocate, la politique menée par le ministre de la Justice relève plus d’une volonté politicienne que d’une politique en tant que telle, et regrette sa visite au dépôt qu’elle a qualifié de « spectacle ». « On m’a demandé de faire un déferrement dans un box vitré au regard de tous, et je refuse que des moments de justice privés soient faits en public. Néanmoins, j’avais des questions à poser à monsieur le ministre, et je remarque que quand nous, avocats, avons eu des questions à poser, il est parti. »

Allison Vaslin

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