Unanimement salué, le défunt
magistrat avait, au cours de sa carrière engagée, « contribué à édifier
et à faire connaître » le droit des saisies et confiscations pénales,
dont il était un éminent spécialiste.
« Une bien triste
journée. » Mardi 12 novembre, le tribunal de commerce de Paris a
annoncé le décès « brutal » de Stephen Almaseanu, substitut
général, depuis 2023, au parquet général de la cour d’appel de Paris, au sein
du département des affaires économiques et financières. Sur LinkedIn, les
hommages à un « immense procureur » se multiplient, parmi ses
pairs mais aussi parmi les avocats : « [Je suis] fier d’avoir plaidé
face à lui ; il avait cette intelligence du dossier, de l’audience et un grand
respect pour la défense. »
Le magistrat à la voix de
stentor avait précédemment œuvré pendant près de sept ans à la section F2 du
parquet de Paris, comme chef du pôle commercial, installé au tribunal de
commerce de Paris. « Ce féru de Sherlock Holmes nous a donné la
meilleure image possible d'un parquet respecté mais à l'écoute des
justiciables, de leurs difficultés, de leurs souffrances parfois. Cet homme
jovial, ce puits de culture, ce juge qui était resté fidèle au poste pendant le
Covid, était de tous les colloques, de toutes nos manifestations, toujours
désireux d'œuvrer à une meilleure justice », témoigne le TC.
La lutte contre la
criminalité organisée chevillée au corps
Magistrat au Bureau de lutte
contre la criminalité organisée, le blanchiment et le terrorisme à la direction
des affaires criminelles et des grâces (DACG) entre 2007 et 2011, Stephen
Almaseanu avait, entre autres faits d’armes, contribué à la création de
l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués
(AGRASC), dont il était devenu chef du pôle juridique de 2011 à 2017.
Hervé Brabant, ancien
secrétaire général de l’Agence, actuellement directeur départemental des finances
publiques de la Manche, dépeint un homme « totalement investi dans
cette mission qu’il portait avec quelques autres magistrats et enquêteurs tout
aussi passionnés que lui » et un « juriste de très haut
niveau, disponible et investi » qui « faisait partie de ceux
qui ont immanquablement marqué l’approche de la lutte contre la criminalité en
tapant là où cela fait mal : au portefeuille ».
Un spécialiste du droit des
saisies et des confiscations
Spécialisé notamment dans le
droit des entreprises en difficulté et le droit des sociétés, Stephen Almaseanu
était également spécialiste – « l’un des plus grands », selon
Lionel Ascensi, premier vice-président au tribunal judiciaire d'Angers - du
droit des saisies et confiscations pénales, « qu'il avait contribué à
édifier et à faire connaître ». Benjamin Alla, procureur de la
République près le tribunal judiciaire de Saintes, salue lui aussi sur les
réseaux sociaux « un modèle et un ponte » en la matière.
Le magistrat partageait
d’ailleurs fréquemment son analyse pointue au gré de ses contributions à la
littérature juridique. Dernièrement, il avait ainsi commenté la loi du 24 juin
2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des
avoirs criminels, qu’il qualifiait de « nouvelle impulsion »
dans les colonnes de la Gazette du Palais. Plus récemment encore, c’est
une note au JCP signée de son nom qui était parue sous l'arrêt de la
chambre criminelle du 4 septembre 2024 concernant l'appréciation des notions de
libre disposition et de bonne foi du tiers dans les saisies et confiscations
pénales.
« Il a su transmettre le
goût et l’amour du droit »
C’est aussi la pédagogie dont
il faisait preuve que l’on retiendra de celui qui était par ailleurs enseignant
en droit privé et droit communautaire depuis de nombreuses années. « Sa
manière de nous faire analyser les arrêts de la Cour de cassation et des cours
d’appel accompagnée de son expérience en tant que magistrat me servent encore
aujourd’hui dans mon exercice professionnel » confie un de ses anciens
étudiants aujourd’hui expert-comptable.
Au-delà, « il a su
transmettre à des générations d’étudiants de prépa, Sciences Po et HEC le goût
et l’amour du droit. Par ses cours dynamiques et ses dissertations structurées,
il nous a enseigné la rigueur du raisonnement, l’art de la nuance et
l’importance de la précision rédactionnelle », relate pour sa part un avocat.
Unanimement reconnu et
apprécié, indubitablement, Stephen Almaseanu l’était. Gageons que le fervent
collectionneur d’objets à l’effigie des personnages de Sir Conan Doyle n’aurait
pas manqué non plus d’impressionner un certain professeur Moriarty.
Bérengère
Margaritelli