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(75) La cour d’appel de Paris perd son substitut général Stephen Almaseanu

(75) La cour d’appel de Paris perd son substitut général Stephen Almaseanu
Publié le 13/11/2024 à 13:08

Unanimement salué, le défunt magistrat avait, au cours de sa carrière engagée, « contribué à édifier et à faire connaître » le droit des saisies et confiscations pénales, dont il était un éminent spécialiste. 

« Une bien triste journée. » Mardi 12 novembre, le tribunal de commerce de Paris a annoncé le décès « brutal » de Stephen Almaseanu, substitut général, depuis 2023, au parquet général de la cour d’appel de Paris, au sein du département des affaires économiques et financières. Sur LinkedIn, les hommages à un « immense procureur » se multiplient, parmi ses pairs mais aussi parmi les avocats : « [Je suis] fier d’avoir plaidé face à lui ; il avait cette intelligence du dossier, de l’audience et un grand respect pour la défense. »

Le magistrat à la voix de stentor avait précédemment œuvré pendant près de sept ans à la section F2 du parquet de Paris, comme chef du pôle commercial, installé au tribunal de commerce de Paris. « Ce féru de Sherlock Holmes nous a donné la meilleure image possible d'un parquet respecté mais à l'écoute des justiciables, de leurs difficultés, de leurs souffrances parfois. Cet homme jovial, ce puits de culture, ce juge qui était resté fidèle au poste pendant le Covid, était de tous les colloques, de toutes nos manifestations, toujours désireux d'œuvrer à une meilleure justice », témoigne le TC. 

La lutte contre la criminalité organisée chevillée au corps

Magistrat au Bureau de lutte contre la criminalité organisée, le blanchiment et le terrorisme à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) entre 2007 et 2011, Stephen Almaseanu avait, entre autres faits d’armes, contribué à la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dont il était devenu chef du pôle juridique de 2011 à 2017.

Hervé Brabant, ancien secrétaire général de l’Agence, actuellement directeur départemental des finances publiques de la Manche, dépeint un homme « totalement investi dans cette mission qu’il portait avec quelques autres magistrats et enquêteurs tout aussi passionnés que lui » et un « juriste de très haut niveau, disponible et investi » qui « faisait partie de ceux qui ont immanquablement marqué l’approche de la lutte contre la criminalité en tapant là où cela fait mal : au portefeuille ».

Un spécialiste du droit des saisies et des confiscations

Spécialisé notamment dans le droit des entreprises en difficulté et le droit des sociétés, Stephen Almaseanu était également spécialiste – « l’un des plus grands », selon Lionel Ascensi, premier vice-président au tribunal judiciaire d'Angers - du droit des saisies et confiscations pénales, « qu'il avait contribué à édifier et à faire connaître ». Benjamin Alla, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saintes, salue lui aussi sur les réseaux sociaux « un modèle et un ponte » en la matière.

Le magistrat partageait d’ailleurs fréquemment son analyse pointue au gré de ses contributions à la littérature juridique. Dernièrement, il avait ainsi commenté la loi du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, qu’il qualifiait de « nouvelle impulsion » dans les colonnes de la Gazette du Palais. Plus récemment encore, c’est une note au JCP signée de son nom qui était parue sous l'arrêt de la chambre criminelle du 4 septembre 2024 concernant l'appréciation des notions de libre disposition et de bonne foi du tiers dans les saisies et confiscations pénales.

« Il a su transmettre le goût et l’amour du droit »

C’est aussi la pédagogie dont il faisait preuve que l’on retiendra de celui qui était par ailleurs enseignant en droit privé et droit communautaire depuis de nombreuses années. « Sa manière de nous faire analyser les arrêts de la Cour de cassation et des cours d’appel accompagnée de son expérience en tant que magistrat me servent encore aujourd’hui dans mon exercice professionnel » confie un de ses anciens étudiants aujourd’hui expert-comptable. 

Au-delà, « il a su transmettre à des générations d’étudiants de prépa, Sciences Po et HEC le goût et l’amour du droit. Par ses cours dynamiques et ses dissertations structurées, il nous a enseigné la rigueur du raisonnement, l’art de la nuance et l’importance de la précision rédactionnelle », relate pour sa part un avocat. 

Unanimement reconnu et apprécié, indubitablement, Stephen Almaseanu l’était. Gageons que le fervent collectionneur d’objets à l’effigie des personnages de Sir Conan Doyle n’aurait pas manqué non plus d’impressionner un certain professeur Moriarty. 

Bérengère Margaritelli

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