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(75) Procès en appel des Barjols : barbecues, survivalisme et projets d’enlèvement

(75) Procès en appel des Barjols : barbecues, survivalisme et projets d’enlèvement
Publié le 28/01/2025 à 17:58

CHRONIQUE. Le 13 janvier 2025 s’ouvrait, à Paris, le procès en appel de neuf membres du groupuscule d’extrême droite des « Barjols ». Le principal accusé, Jean-Pierre B., avait été condamné en 2023 à quatre ans de prison, dont un an avec sursis, soupçonné d'avoir projeté d'assassiner le président de la République. Récit.

Novembre 2018, Moselle. Trois membres d’un collectif aux orientations proches de l’extrême droite, les Barjols, sont arrêtés. Dans la voiture du principal suspect, Jean-Pierre B., les policiers avaient trouvé un couteau, et saisi, lors d’une perquisition, d’autres armes à feu.

Avec un camarade, le prévenu venait de réaliser un long trajet, laissant craindre à la DGSI, qui surveillait le groupuscule, une tentative d'assassinat d'Emmanuel Macron - alors en déplacement dans l’Est de la France. L’enquête avait ensuite abouti à l’identification d’un réseau, soupçonné de préparer des projets d’actions violentes, notamment à l’encontre « de députés, de migrants, d’individus de confession musulmane ou d’individus aisés », comme le précise le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris, le 17 février 2023. L’affaire avait été portée devant sa 16e chambre correctionnelle.

Après plusieurs semaines d’audience, le procès des Barjols connaissait une première conclusion : sur les treize prévenus, neuf étaient relaxés, et quatre autres étaient condamnés à des peines assorties de sursis, à chaque fois en dessous des réquisitions de la procureure. Pour des faits d’association de malfaiteurs terroriste, trois d’entre eux avaient aussi été inscrits au Fijait (Fichier des auteurs d’infractions terroristes). Un autre prévenu avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour détention, acquisition et cession d’armes.

Le procès en appel

C’est la troisième journée de ce procès en appel, qui s’étale sur deux semaines et demi. David G. est le seul des trois condamnés à s’être présenté, Mickaël I. et Jean-Pierre B. sont absents. Condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, David G. a – comme les autres condamnés - déjà purgé sa peine en détention provisoire. Derrière les bancs remplis par les avocats, plus nombreux que leurs clients, la salle d’audience est presque vide. On note quand même la présence des députés LFI Raphaël Arnault et Thomas Portes.

Les Barjols, c’est d’abord un groupe Facebook - qui a compté jusqu’à près de 5 000 membres - aux publications d’extrême droite. Sept cadres et élus du RN en ont été membres, comme l’a révélé le site Les Jours. Le groupe est aussi une association déclarée, avec des statuts déposés en préfecture. Plusieurs réunions se sont tenues au long de l’année 2018. Le collectif est, semble-t-il, bien organisé, si l’on en croit la juge qui évoque l’existence d’un questionnaire : conçu pour les nouveaux adhérents, le document recueillait des informations sur leurs capacités d’hébergement et leurs capacités de déplacement. Mais aussi sur « leurs compétences particulières, militaires, syndicalistes, en génie civil »… Et en « jouets », un « mot codé pour parler des armes », précise la magistrate.

« Le gouvernement enlève les enfants »

Parmi les nombreux échanges électroniques recueillis, une conversation retient l’attention de la juge. La discussion parle d’« aller jouer avec Macron », explique-t-elle, faisant face à David G. qui se tient à la barre. En garde à vue, ce dernier a rapporté les propos tenus lors des réunions des Barjols, poursuit la magistrate. Il y était dit que « les immigrés allaient attaquer la France, qu'on ne pourrait plus ouvrir les portes sans être attaqués à la machette ». Mais aussi que « le gouvernement enlève les enfants ». David G. a expliqué avoir pris peur à cause de ces « propos véhéments », qualifiant au passage Jean-Pierre B. et Denis C. d’« illuminés ». Il a aussi précisé aux policiers que Denis C., le fondateur du groupe, « fomentait le projet de s'en prendre à une mosquée ou d’attaquer des raffineries ». Enfin, en ce qui concerne les Barjols, David G. a raconté que lors de leurs réunions, les membres « parlaient de tout ce qu'ils pouvaient faire contre Emmanuel Macron et ses futures réformes », mais « sans jamais aborder la question d'une action violente ».

Des échanges fourre-tout, parfois un peu contradictoires. Il a aussi été question, poursuit la juge en lisant les pièces du dossier, de « faire des trucs de survie, ou d’aller dans un centre de tir pour faire de l’airsoft ». Cela « n’intéresse pas » David C., qui indique que Denis C., lui, avait le projet « de partir dans toute la France, de rencontrer des chefs et des généraux », tout en affirmant qu’« un quart de l’armée était avec lui ». Le projet rappelle celui de Delphine T., l’une des prévenues de la première instance, dont la relaxe n’avait pas fait l’objet d’appel. Celle-ci s’était vantée auprès de ses camarades de préparer un putsch avec l’aide de soldats russes.

La procureure questionne David sur son éventuelle connaissance de différents projets d’actions violentes : 

« Vous avez dit que vous étiez au courant des projets contre le président de la République, et également des projets de séquestration ou d’enlèvement, pour extorquer des personnalités riches et leurs cartes bancaires. Vous avez désigné Michaël I. comme celui qui connaît deux personnes riches, à qui l’on pourrait prendre des cartes noires, des cartes à débit illimité. Vous voyez, ce n’est pas des généralités, vous donnez des détails. Vous avez indiqué que vous n’étiez pas d’accord avec ça, mais vous avez dit que Jean-Pierre B. a indiqué que, pour être spectaculaire, il suffisait de se débarrasser d’une seule personne, et faire peur à tous les politiciens. Vous avez dit que vous n’avez pas entendu le mot « tuer », mais « s’en prendre à la personne d’Emmanuel Macron ». Et ça aujourd’hui, vous ne le soutenez plus ?

-        J’ai dit que le mot « débarrasser » voulait dire démission. Je ne pensais pas que ça allait au-delà. Si j’avais su ça, je les aurais mis dehors ! Et comme je l’ai toujours dit à la DGSI ou au juge d’instruction : si j’avais vraiment su ça, j’aurais appelé la police directement ! »

Barbecues, air soft et imitation de groupes terroristes

Dans le programme de l’une des réunions, il était question d’ateliers autour du secourisme, mais aussi de sessions de tir avec des répliques airsoft. De quoi se demander si les « glock, uuzi et kalash » évoqués dans certains messages découverts par les enquêteurs, se référaient à des armes réelles, ou seulement à des répliques de celles-ci. Les membres du groupe ont réalisé une vidéo dans laquelle ils apparaissent « cagoulés, en tenue militaire, avec des répliques d’armes », mais aussi « des armes réelles, dont une grenade », précise la procureure. Le tout est accompagné d’un discours « des plus virulents », qui mentionne l’objectif de « stopper l’invasion migratoire ». Les magistrates décrivent également cette image : devant la caméra, un drapeau européen se fait brûler. Denis C. s’est justifié, expliquant que cela ne devait pas être publié, et qu’il s’agissait seulement de « s’amuser ».

Survivalisme et recettes d’explosifs

Denis C. a à nouveau l’occasion de s’expliquer. Quelques jours après ces premiers échanges, c’est à son tour de passer à la barre. Le fondateur des Barjols est accompagné de Nathalie C., membre active du groupe. Tous deux ont été relaxés en première instance du chef d’accusation de participation à une association de malfaiteurs terroriste, en élaborant des projets d’actions violentes. Le tribunal les interroge sur les recettes d’explosifs qui ont été trouvées au domicile de Denis C. : 

« Monsieur C., quel était l’intérêt d’avoir des recettes d’explosifs ?

-      Ça me rassurait.

-      En quoi ?

-      Vous n’imaginez pas ce qui peut arriver, moi j’imagine.

-      Qu’est-ce qui peut arriver ?

-      Avec tout ce qui se passe, moi je pense qu’un jour ou l’autre, il y aura des groupes armés.

-      Madame C. disait que vous en avez essayé. N’est-ce pas madame ?

-      Oui, je me rappelle qu’il avait essayé et que ça n’avait pas marché, il nous a montré un bac noir qui ressemblait à un truc de vidange. »

Pour ce prévenu, c’est clair, « le dire et le faire, c’est autre chose ». On apprend au passage que l’association, dont l’objet social vise « le bien-être » de ses membres, existe toujours d’un point de vue administratif. Une des juges assesseures s’étonne :

« Monsieur, pourquoi est-ce que l’association n’est pas radiée ?

-      Il faut que j’aille à la préfecture, c’est une histoire de négligence.

-      Symboliquement, moi ça m’interpelle. Vous êtes toujours le président des Barjols, groupe que vous avez fondé, et qui fait que plusieurs personnes comparaissent pour association de malfaiteurs terroriste. Votre nom est toujours associé à ça.

-       Oui, je sais. »

Parmi les thèmes discutés avec les deux prévenus, l’usage d’adresses sur le serveur mail Proton, connu pour sa confidentialité, le vol de badges « police » ou encore la nature exacte de leurs entraînements « survivalistes ». Il y a aussi des éléments concernant une balade près d’un bunker. L’explication ? « Un exposé » sur la Seconde guerre mondiale réalisé par la fille d’un des membres du groupe. Les projets sont peu avancés, mais le contexte de leur préparation est fortement marqué par des propos et des idées radicales.

Dans leurs questions aux prévenus auditionnés, les avocats dévoilent une partie de leur stratégie de défense. Ils mettent notamment en avant la dimension sociale des Barjols, dont les membres se retrouvaient autour de moments récréatifs et alcoolisés, comme des barbecues.

Des arguments qui seront sans doute développés pendant les plaidoiries. Elles auront lieu lors des derniers jours du procès jusqu'au 29 janvier.

Etienne Antelme

2 commentaires
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Cherrier
- il y a 2 mois
Nous le connaitrons le 20 mai -
Clarisse
- il y a 6 mois
Quel est le verdict de cet appel finalement ?

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