CHRONIQUE. La
7e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry juge un
jeune homme pour une agression sexuelle sur conjointe. Il s’agit techniquement
d’un viol que le parquet a décidé de qualifier d’agression sexuelle.
Un jeune
homme brun encadré par ses parents se lève à l’appel de son nom ; cintré dans
une chemise, il s’avance à grands pas jusqu’à la barre où il se tient, raide.
Anthony, 24 ans aujourd’hui, est prévenu d’agression sexuelle sur celle qui à
l’époque des faits était sa conjointe : Alma, 22 ans à l’audience, 20 ans à
l’époque des faits, les 7 et 8 mai 2023.
Ils sont
« ensemble » à partir de mars 2022. Leur relation est émaillée de
disputes, surtout quand Anthony est alcoolisé. Après une altercation à l’été
2022, ils rompent temporairement, et se rabibochent en décembre 2022. Le 7 mai
2023, ils rentrent tous les deux ivres d’une soirée. Alma, surtout, ne tient
pas debout. Il la porte presque, jusqu’à son lit. Il aimerait bien avoir une
relation sexuelle, mais elle l’éconduit et s’endort assez rapidement.
Quand elle se
réveille en pleine nuit, elle sent qu’il la pénètre avec ses doigts. Il la
rassure, elle se rendort. Elle se réveille plus tard quand elle sent qu’il la
touche. La jeune femme, cheveux roux et joues empourprées, témoigne à la barre.
« J’ai eu un blackout après être rentrée alcoolisée. Quand je reprends
mes esprits, il est dedans.
-
Vous
avez clairement exprimé votre refus ?
-
Oui,
j’étais en panique et je lui ai dit.
- Vous en avez parlé à la gendarmerie ? »
Alma ne porte
pas plainte spontanément. Si elle se rend à la gendarmerie quelques semaines
plus tard, c’est en qualité de témoin dans un autre dossier d’agression
sexuelle. Au cours de son audition, elle glisse au gendarme avoir vécu « une
situation similaire ». Il l’incite à parler et, en quelque sorte, ne
« la laisse pas partir » avant qu’elle se soit confiée.
« Après la déposition, je me suis sentie coupable et je l’ai appelé
pour m’excuser. J’ai eu l’impression de gâcher sa vie »,
confie-t-elle.
« Elle
était choquée, elle en avait les larmes aux yeux »
Qu’en pense
Anthony ? « C’est vrai, j’assume d’avoir commis ces actes-là. À cette
époque je ne réalisais pas la gravité, je n’ai pas réfléchi avant de créer ces
actes là et j’en suis totalement désolé.
-
Ce qui
serait intéressant c’est que vous nous expliquiez de manière très concrète ce
que vous reconnaissez avoir fait. Quels sont ‘ces actes-là’ ?
-
Les
gestes que j’ai faits : l’avoir pénétrée avec mes doigts pendant cette soirée-là.
-
Dans quelles
circonstances ? Comment elle réagissait ?
-
On
dormait à mon domicile, on était très alcoolisés - elle était plus alcoolisée
que moi. Elle voulait dormir, je voulais avoir un contact physique avec elle.
Elle a refusé. J’ai descendu ma main pour essayer d’avoir une relation sexuelle
avec elle ce soir-là, je l’ai pénétrée à plusieurs reprises. Elle était
choquée, elle en avait les larmes aux yeux. Je me suis rendu compte à ce
moment-là que je faisais un acte très grave.
-
Qu’est-ce
que vous avez fait ?
-
Je lui
ai dit de se calmer et qu’elle pouvait dormir.
-
Et
après, vous vous êtes tenu tranquille ?
-
Dans mes
souvenirs oui.
-
Votre
relation a continué ?
-
Non,
elle a tout coupé.
-
Comment
vous qualifieriez votre relation ?
- Très toxique. »
« C’est
rare qu’on ait un prévenu qui reconnaisse aussi vite des faits de cette nature
»
Alma abonde :
« Il a bien résumé, c’était très toxique. Et il buvait trop d’alcool.
J’ai toujours essayé de l’aider à sortir de sa dépendance. » La jeune
femme explique avoir été suivie pendant 4 mois par un psychologue, être
désormais dans une démarche de « deuil et de pardon » et
vouloir aujourd’hui reprendre une thérapie.
L’avocate
d’Alma plaide : « A la question s’agit-il de rapport consenti ?’ Il répond :
‘pour moi oui, pour elle non’, ça résume tout. » Elle parle surtout de
sa cliente qui, dit-elle, n’a jamais pu prononcer le mot « viol ».
Sur son banc, la jeune femme pleure en silence.
Le procureur
rappelle que « ce n’est plus acceptable, en 2025, d’avoir ce type de
comportement ». Il admet que c’est assez rare « qu’on ait un
prévenu qui reconnaisse aussi vite des faits de cette nature-là. Il faut le
dire : c’est grave d’imposer des attouchements et de ne pas respecter le
consentement. » Il demande 12 mois de prison assortis d’un sursis
simple.
L’avocat
d’Anthony n’a qu’un objectif : obtenir sa non-inscription au fichier des
auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). Pour cela, il faut retirer la
circonstance aggravante de conjugalité, afin que la peine encourue ne soit que
de 5 ans et non de 7 ans (sinon, l’inscription au FIJAIS n’est pas évitable).
Alors, il met
en avant son « absence de dangerosité avérée » (absence de
réitération, faits reconnus immédiatement, respect du contrôle judiciaire,
environnement familial cadrant, travail stable), pour inciter le tribunal à
accéder à sa demande.
Après en
avoir délibéré, les juges décident de réduire la peine à six mois avec sursis,
interdiction de contact pendant deux ans, inéligibilité d’un an (peine
automatique). Mais ils écartent la demande de la défense et inscrivent le jeune
Anthony au FIJAIS.
Julien Mucchielli