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(91) Tribunal d’Évry : « Vous avez clairement exprimé votre refus ? »

(91) Tribunal d’Évry : « Vous avez clairement exprimé votre refus ? »
Publié le 23/05/2025 à 08:27

CHRONIQUE. La 7e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry juge un jeune homme pour une agression sexuelle sur conjointe. Il s’agit techniquement d’un viol que le parquet a décidé de qualifier d’agression sexuelle.

Un jeune homme brun encadré par ses parents se lève à l’appel de son nom ; cintré dans une chemise, il s’avance à grands pas jusqu’à la barre où il se tient, raide. Anthony, 24 ans aujourd’hui, est prévenu d’agression sexuelle sur celle qui à l’époque des faits était sa conjointe : Alma, 22 ans à l’audience, 20 ans à l’époque des faits, les 7 et 8 mai 2023.

Ils sont « ensemble » à partir de mars 2022. Leur relation est émaillée de disputes, surtout quand Anthony est alcoolisé. Après une altercation à l’été 2022, ils rompent temporairement, et se rabibochent en décembre 2022. Le 7 mai 2023, ils rentrent tous les deux ivres d’une soirée. Alma, surtout, ne tient pas debout. Il la porte presque, jusqu’à son lit. Il aimerait bien avoir une relation sexuelle, mais elle l’éconduit et s’endort assez rapidement.

Quand elle se réveille en pleine nuit, elle sent qu’il la pénètre avec ses doigts. Il la rassure, elle se rendort. Elle se réveille plus tard quand elle sent qu’il la touche. La jeune femme, cheveux roux et joues empourprées, témoigne à la barre. « J’ai eu un blackout après être rentrée alcoolisée. Quand je reprends mes esprits, il est dedans.

-     Vous avez clairement exprimé votre refus ?

-     Oui, j’étais en panique et je lui ai dit.

-     Vous en avez parlé à la gendarmerie ? »

Alma ne porte pas plainte spontanément. Si elle se rend à la gendarmerie quelques semaines plus tard, c’est en qualité de témoin dans un autre dossier d’agression sexuelle. Au cours de son audition, elle glisse au gendarme avoir vécu « une situation similaire ». Il l’incite à parler et, en quelque sorte, ne « la laisse pas partir » avant qu’elle se soit confiée. « Après la déposition, je me suis sentie coupable et je l’ai appelé pour m’excuser. J’ai eu l’impression de gâcher sa vie », confie-t-elle.

« Elle était choquée, elle en avait les larmes aux yeux »

Qu’en pense Anthony ? « C’est vrai, j’assume d’avoir commis ces actes-là. À cette époque je ne réalisais pas la gravité, je n’ai pas réfléchi avant de créer ces actes là et j’en suis totalement désolé.

-     Ce qui serait intéressant c’est que vous nous expliquiez de manière très concrète ce que vous reconnaissez avoir fait. Quels sont ‘ces actes-là’ ?

-     Les gestes que j’ai faits : l’avoir pénétrée avec mes doigts pendant cette soirée-là.

-     Dans quelles circonstances ? Comment elle réagissait ?

-     On dormait à mon domicile, on était très alcoolisés - elle était plus alcoolisée que moi. Elle voulait dormir, je voulais avoir un contact physique avec elle. Elle a refusé. J’ai descendu ma main pour essayer d’avoir une relation sexuelle avec elle ce soir-là, je l’ai pénétrée à plusieurs reprises. Elle était choquée, elle en avait les larmes aux yeux. Je me suis rendu compte à ce moment-là que je faisais un acte très grave.

-     Qu’est-ce que vous avez fait ?

-     Je lui ai dit de se calmer et qu’elle pouvait dormir.

-     Et après, vous vous êtes tenu tranquille ?

-     Dans mes souvenirs oui.

-     Votre relation a continué ?

-     Non, elle a tout coupé.

-     Comment vous qualifieriez votre relation ?

-     Très toxique. »

« C’est rare qu’on ait un prévenu qui reconnaisse aussi vite des faits de cette nature »

Alma abonde : « Il a bien résumé, c’était très toxique. Et il buvait trop d’alcool. J’ai toujours essayé de l’aider à sortir de sa dépendance. » La jeune femme explique avoir été suivie pendant 4 mois par un psychologue, être désormais dans une démarche de « deuil et de pardon » et vouloir aujourd’hui reprendre une thérapie.

L’avocate d’Alma plaide : « A la question s’agit-il de rapport consenti ?’ Il répond : ‘pour moi oui, pour elle non’, ça résume tout. » Elle parle surtout de sa cliente qui, dit-elle, n’a jamais pu prononcer le mot « viol ». Sur son banc, la jeune femme pleure en silence.

Le procureur rappelle que « ce n’est plus acceptable, en 2025, d’avoir ce type de comportement ». Il admet que c’est assez rare « qu’on ait un prévenu qui reconnaisse aussi vite des faits de cette nature-là. Il faut le dire : c’est grave d’imposer des attouchements et de ne pas respecter le consentement. » Il demande 12 mois de prison assortis d’un sursis simple.

L’avocat d’Anthony n’a qu’un objectif : obtenir sa non-inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). Pour cela, il faut retirer la circonstance aggravante de conjugalité, afin que la peine encourue ne soit que de 5 ans et non de 7 ans (sinon, l’inscription au FIJAIS n’est pas évitable).

Alors, il met en avant son « absence de dangerosité avérée » (absence de réitération, faits reconnus immédiatement, respect du contrôle judiciaire, environnement familial cadrant, travail stable), pour inciter le tribunal à accéder à sa demande.

Après en avoir délibéré, les juges décident de réduire la peine à six mois avec sursis, interdiction de contact pendant deux ans, inéligibilité d’un an (peine automatique). Mais ils écartent la demande de la défense et inscrivent le jeune Anthony au FIJAIS.

Julien Mucchielli


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