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(91) Van Info Femmes contre les violences : « Être là, c’est déjà une mission accomplie »

(91) Van Info Femmes contre les violences : « Être là, c’est déjà une mission accomplie »
Publié le 15/11/2024 à 18:10

Développé par les Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), le Van Info Femmes sensibilise les Franciliens à l’égalité femmes-hommes depuis septembre 2023. À l’aide de ressources informatives et d’activités ludiques, ses animatrices vont à la rencontre des habitants, au plus près du terrain. Jeudi 14 novembre, à Vigneux-sur-Seine, le stand itinérant s’apprêtait à terminer une tournée de deux semaines en Essonne.

« Il fait un petit peu moins froid qu’hier ; on devrait avoir du monde », espère Agnès, salariée de la délégation 91 du Mouvement du Nid - une association de lutte contre les violences sexuelles et de prévention de la prostitution. Mélodie, chargée du projet Van Info Femmes en d'Île-de-France, opine. Installées dès 15 heures aux abords de l’école Louis-Pasteur du complexe sportif de Vigneux-sur-Seine, en Essonne, les animatrices ont choisi un endroit stratégique pour leur intervention de ce jeudi 14 novembre. 

« L’idée est de capter les parents quand ils viendront récupérer leurs enfants à la sortie des classes, puis quand ils les emmèneront au sport, plus tard dans l’après-midi », indique Mélodie après une première heure plus que calme. Vers 16h15, une mère de famille postée devant l’école s’approche, visiblement intéressée par la présence du van, et par le panneau installé à proximité, qui mentionne : « Premier réseau d’information sur les droits des femmes ». Agnès et Mélodie adressent un sourire d’encouragement à Céline, 33 ans. « Est-ce que je peux en prendre un ? », demande cette dernière, en désignant les dépliants disposés sur la table installée devant le véhicule. 

« J’aimerais réorienter d’autres femmes »

Amenée à recevoir fréquemment du public dans le cadre de son travail, la passante aimerait laisser le flyer du CIDFF à disposition sur son bureau. « Peut-être qu’un jour, une dame qui subit des violences se dira : ‘tiens, je vais le prendre, juste pour lire’, explique-t-elle, avant de préciser : J’ai moi-même été dans cette situation. » Victime de violences pendant sept ans, Céline a quitté son conjoint lorsqu’il a voulu s’en prendre à son fils. Cela fait trois ans qu’elle a porté plainte. 

« On attend la décision mais tout le monde va bien. Aujourd’hui mon enfant est heureux, et moi aussi, sourit-elle. J’aimerais réorienter d’autres femmes qui connaissent ce que j’ai vécu, faire en sorte qu’elles ne se sentent plus isolées. » Une attitude de solidarité qui a fait ses preuves, pour la mère de famille : c’est justement parce que quelqu’un lui a conseillé de se tourner vers une association d'aide aux victimes qu’elle a pu s’entretenir avec une professionnelle. « Il fallait que ce soit une personne extérieure à mon entourage qui me pose les bonnes questions pour que j’aie le déclic et que j’aille porter plainte ».

Un dispositif sur mesure

« J’imagine que vous avez déjà un avocat, mais, maintenant, vous avez aussi notre contact ; n’hésitez pas à revenir vers nous, glisse Mélodie. Nos centres sont spécialisés. On comprend le cycle des violences et on s'adapte à chaque personne. » Sensibiliser et informer les franciliens sur les champs d’action des CIDFF ; voici l’une des missions du van, en circulation sur l’ensemble de la région depuis septembre 2023. Des marchés aux centres commerciaux, en passant par les universités, le dispositif s’adapte au terrain et permet une première prise de contact aux femmes qui auraient besoin d’être accompagnées, quelle que soit leur situation. « On a des thématiques définies pour chaque intervention », ajoute Mélodie. 

C’est dans ce contexte que le Van Info Femmes a récemment entamé une collaboration avec le Mouvement du Nid, menée dans les huit départements d’Ile-de-France. Avec ce partenariat, l’accent est mis sur les violences sexuelles. « On informe sur les ressources et sur les moyens d’agir si l’on connaît une personne entraînée dans un réseau de prostitution », explique Agnès en précisant, également, donner des clés aux éducateurs qui auraient des doutes sur des jeunes. Autres partenaires : la fédération GAMS, pour parler des mutilations génitales féminines, l’APF France handicap (les femmes en situation de handicap sont plus susceptibles d'être victimes de violences – notamment au sein du couple –), ou encore le Planning familial. 

« Le reste du temps, on intervient avec les CIDFF de chaque département, ce qui nous permet notamment d'être accompagnées de juristes », souligne Mélodie. Petite banquette, table, ambiance cosy : grâce à un espace aménagé dans le van, des professionnels du droit peuvent tenir une permanence ponctuelle. « Et on s’ajuste aussi à l’actualité, poursuit la chargée de projet. Par exemple, pendant les Jeux olympiques et paralympiques, on traitait plutôt l'égalité dans le sport. » 

« Voici un Violentomètre »

16h30 : la sonnerie de l’école retentit. Céline retourne attendre son fils devant l’école. Voyant la foule des parents se dissiper rapidement, Mélodie et Agnès se saisissent de dépliants et quittent leur point d’information pour aller à la rencontre des mères. « On propose de l'information juridique pour tout le monde, notamment sur le droit de la famille, du travail et du logement, énumère Mélodie en tendant à une femme un flyer recensant les permanences juridiques en Essonne. Et voici un Violentomètre ; je vous laisserai le lire au calme. »

Le Violentomètre, c’est cet outil de sensibilisation en forme de règle, élaboré fin 2018 par les Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris, l’association En Avant Toute(s) et la Mairie de Paris. Via un dégradé de couleurs allant du vert au rouge, le document permet de se rendre compte des violences de manière graduelle et invite à se questionner sur les comportements de son conjoint. Le ton devient radical à mesure que le rouge vire au foncé : « protège-toi, demande de l’aide, tu es en danger quand… » « il menace de se suicider à cause de toi » ou « t’oblige à avoir des relations sexuelles » – entre autres. « C'est un outil très utile, une sorte d’indémodable », informe Mélodie. 

L’effet papillon 

16h40 : les parents sont tous partis. « J’ai pu parler à trois femmes », se réjouit Agnès en revenant vers sa collègue. Si elles regrettent une fréquentation particulièrement basse ce jeudi, elles ne se découragent pas. Pour elles, on peut compter sur l’effet papillon. « Même quand une personne ne repart qu’avec un dépliant, on sait qu’on peut aussi toucher ses proches », assure Mélodie. Et pour les animatrices, la simple présence du van est utile, même si le public n'est pas au rendez-vous. « Dans certaines communes, on ressent que ça gêne, d’avoir un van sur l'espace public où l’on ne parle que de droits, de violences et de femmes, développe Mélodie. Rien qu’être là, c’est déjà une mission accomplie. »

La documentation proposée par le Van Info Femmes se veut riche et ludique : informations sur le podcast La vie en rouge – conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution –, campagne #TuMaimesTumeRespectes, recensement des centres départementaux de santé sexuelle, carte interactive « Intimité Sexualité Égalité » développée par le Mouvement du Nid… Et côté activités, le « chamboule-tout des violences », installé dans le coffre ouvert du van, attire l’œil des curieux. « Il sert à encourager les personnes à participer aux échanges et à poser des questions », explique Mélodie. 

Montrer la diversité des violences 

Violences administratives, sexistes, économiques, ou encore psychologiques ; au total, il y a dix boîtes de conserve à renverser. S’il s’agit avant tout de définir les violences et d’en donner les termes, l’enjeu est également d’en rappeler la diversité. « Par exemple, on expliquera, grâce au jeu, que l’outrage sexiste est l’une des dernières arrivées dans la loi, et que c’est un délit pour lequel on peut porter plainte », illustre la chargée de projet Van Info Femmes Île-de-France. 

Autre information méconnue : les cinq zones du corps considérées comme intimes et sexuelles, et ainsi concernées par la définition de l’agression sexuelle – la bouche, la poitrine, le sexe, les fesses et les cuisses. « Généralement on n’entre pas dans des grands détails ; ce n’est pas forcément pertinent, explique Mélodie. En parler, c’est déjà intéressant. » Ludique, le « chamboule-tout des violences » est donc un prétexte pour sensibiliser les jeunes… et déconstruire les tabous. Les parents – surtout les mères -peuvent ainsi « discuter avec une co-animatrice si elles connaissent une situation personnelle difficile ».

3 500 personnes touchées par le dispositif 

Alors que la tournée de deux semaines dans l’Essonne touche à sa fin, l’équipe du van fait le bilan. Elle se dit agréablement surprise par les connaissances des jeunes qu’elle a pu croiser. « Notamment sur les violences psychologiques et sexuelles, les LGBTphobies et les cyberviolences. Je trouve qu'il y a eu une demande et une curiosité particulières sur toutes nos thématiques », estime Mélodie. « On a aussi eu des témoignages qui expliquent que c’est compliqué, en zone rurale », surenchérit Agnès, en mentionnant Angerville. Des difficultés qu’elle attribue au manque d'associations, de communication, de groupes de parole, ou encore de logements. 

« C'est justement pour garder en tête la réalité des besoins qu'on essaye de diversifier les lieux », insiste Mélodie. Dans les zones plus périphériques, les besoins sont grands. Si la fréquentation n’est pas au rendez-vous, les équipes du van considèrent que leur présence est d’autant plus nécessaire. « À l’inverse, on sait qu’on sera très sollicitées pendant les festivals, les sorties de lycée, et des événements comme les Jeux Olympiques et Paralympiques ».

Depuis son lancement, le stand itinérant a vu défiler près de 3 500 personnes réparties pour l’ensemble de la région et a mené une centaine d’interventions – soit environ 35 par déplacement. Puisque le dispositif est tributaire de la météo, moins de rencontres sont prévues de décembre à février. « Nous nous adapterons, nous nous mettrons à côté d'un lieu comme un gymnase pour pouvoir nous réchauffer si besoin, explique Mélodie. On peut écourter, ne faire que des demi-journées ».  Un regain d’activité est attendu au printemps et plus particulièrement en mars, avec la Journée internationale des droits des femmes. 

Pour connaître les prochaines dates de passage dans votre ville, rendez-vous sur le compte Instagram @vaninfofemmes.

Floriane Valdayron

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