Développé par les Centres
d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), le Van Info
Femmes sensibilise les Franciliens à l’égalité femmes-hommes
depuis septembre 2023. À l’aide de ressources informatives et
d’activités ludiques, ses animatrices vont à la rencontre des habitants, au
plus près du terrain. Jeudi 14 novembre, à Vigneux-sur-Seine, le stand
itinérant s’apprêtait à terminer une tournée de deux semaines en Essonne.
« Il fait un petit peu moins
froid qu’hier ; on devrait avoir du monde », espère Agnès,
salariée de la délégation 91 du Mouvement du Nid - une association de lutte
contre les violences sexuelles et de prévention de la prostitution. Mélodie, chargée
du projet Van Info Femmes en d'Île-de-France, opine. Installées dès 15 heures aux
abords de l’école Louis-Pasteur du complexe sportif de Vigneux-sur-Seine, en
Essonne, les animatrices ont choisi un endroit stratégique pour leur
intervention de ce jeudi 14 novembre.
« L’idée est de capter les
parents quand ils viendront récupérer leurs enfants à la sortie des classes,
puis quand ils les emmèneront au sport, plus tard dans l’après-midi »,
indique Mélodie après une première heure plus que calme. Vers 16h15, une mère
de famille postée devant l’école s’approche, visiblement intéressée par la
présence du van, et par le panneau installé à proximité, qui mentionne : «
Premier réseau d’information sur les droits des femmes ». Agnès et Mélodie
adressent un sourire d’encouragement à Céline, 33 ans. « Est-ce que je peux
en prendre un ? », demande cette dernière, en désignant les dépliants disposés
sur la table installée devant le véhicule.
« J’aimerais réorienter
d’autres femmes »
Amenée à recevoir fréquemment
du public dans le cadre de son travail, la
passante aimerait laisser le flyer du CIDFF à disposition sur son bureau. « Peut-être
qu’un jour, une dame qui subit des violences se dira : ‘tiens, je vais le
prendre, juste pour lire’, explique-t-elle, avant de préciser : J’ai
moi-même été dans cette situation. » Victime de violences pendant sept ans,
Céline a quitté son conjoint lorsqu’il a voulu s’en prendre à son fils. Cela
fait trois ans qu’elle a porté plainte.
« On attend la décision mais
tout le monde va bien. Aujourd’hui mon enfant est heureux, et moi aussi, sourit-elle.
J’aimerais réorienter d’autres femmes qui connaissent ce que j’ai vécu,
faire en sorte qu’elles ne se sentent plus isolées. » Une attitude de
solidarité qui a fait ses preuves, pour la mère de famille : c’est
justement parce que quelqu’un lui a conseillé de se tourner vers une
association d'aide aux victimes qu’elle a pu s’entretenir avec une
professionnelle. « Il fallait que ce soit une personne extérieure à mon
entourage qui me pose les bonnes questions pour que j’aie le déclic et que
j’aille porter plainte ».
Un dispositif sur mesure
« J’imagine que vous avez
déjà un avocat, mais, maintenant, vous avez aussi notre contact ; n’hésitez pas
à revenir vers nous, glisse Mélodie. Nos centres sont
spécialisés. On comprend le cycle des violences et on s'adapte à chaque
personne. » Sensibiliser et informer les franciliens sur les champs
d’action des CIDFF ; voici l’une des missions du van, en circulation sur
l’ensemble de la région depuis septembre 2023. Des marchés aux centres
commerciaux, en passant par les universités, le dispositif s’adapte au terrain et
permet une première prise de contact aux femmes qui auraient besoin d’être accompagnées,
quelle que soit leur situation. « On a des thématiques définies pour chaque
intervention », ajoute Mélodie.
C’est dans ce contexte que le
Van Info Femmes a récemment entamé une collaboration avec le Mouvement du Nid,
menée dans les huit départements d’Ile-de-France. Avec ce partenariat, l’accent
est mis sur les violences sexuelles. « On informe sur les ressources et sur
les moyens d’agir si l’on connaît une personne entraînée dans un réseau de
prostitution », explique Agnès en précisant, également, donner des clés aux
éducateurs qui auraient des doutes sur des jeunes. Autres partenaires : la
fédération GAMS, pour parler des mutilations génitales féminines, l’APF France
handicap (les femmes en situation de handicap sont plus susceptibles d'être
victimes de violences – notamment au sein du couple –), ou encore le Planning
familial.
« Le reste du temps, on
intervient avec les CIDFF de chaque département, ce qui nous permet notamment
d'être accompagnées de juristes », souligne Mélodie. Petite
banquette, table, ambiance cosy : grâce à un espace aménagé dans le
van, des professionnels du droit peuvent tenir une permanence ponctuelle. « Et
on s’ajuste aussi à l’actualité, poursuit la chargée de projet. Par
exemple, pendant les Jeux olympiques et paralympiques, on traitait plutôt
l'égalité dans le sport. »
« Voici un Violentomètre »
16h30 : la sonnerie de l’école
retentit. Céline retourne attendre son fils devant l’école. Voyant la foule des
parents se dissiper rapidement, Mélodie et Agnès se saisissent de dépliants et
quittent leur point d’information pour aller à la rencontre des mères. « On
propose de l'information juridique pour tout le monde, notamment sur le droit
de la famille, du travail et du logement, énumère Mélodie en tendant à une
femme un flyer recensant les permanences juridiques en Essonne. Et voici un
Violentomètre ; je vous laisserai le lire au calme. »
Le Violentomètre, c’est cet
outil de sensibilisation en forme de règle, élaboré fin 2018 par les
Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris,
l’association En Avant Toute(s) et la Mairie de Paris. Via un dégradé de
couleurs allant du vert au rouge, le document permet de se rendre compte des violences
de manière graduelle et invite à se questionner sur les comportements de son
conjoint. Le ton devient radical à mesure que le rouge vire au foncé : «
protège-toi, demande de l’aide, tu es en danger quand… » « il menace de
se suicider à cause de toi » ou « t’oblige à avoir des relations
sexuelles » – entre autres. « C'est un outil très utile, une sorte
d’indémodable », informe Mélodie.
L’effet papillon
16h40 : les parents sont tous
partis. « J’ai pu parler à trois femmes », se réjouit Agnès en revenant vers sa collègue. Si elles regrettent
une fréquentation particulièrement basse ce jeudi, elles ne se découragent pas.
Pour elles, on peut compter sur l’effet papillon. « Même quand une personne
ne repart qu’avec un dépliant, on sait qu’on peut aussi toucher ses proches »,
assure Mélodie. Et pour les animatrices, la simple présence du van est utile,
même si le public n'est pas au rendez-vous. « Dans certaines communes, on
ressent que ça gêne, d’avoir un van sur l'espace public où l’on ne parle que de
droits, de violences et de femmes, développe Mélodie. Rien qu’être là, c’est
déjà une mission accomplie. »
La documentation proposée par
le Van Info Femmes se veut riche et ludique : informations sur le podcast La
vie en rouge – conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution
–, campagne #TuMaimesTumeRespectes, recensement des centres départementaux de
santé sexuelle, carte interactive « Intimité Sexualité Égalité » développée
par le Mouvement du Nid… Et côté activités, le « chamboule-tout des
violences », installé dans le coffre ouvert du van, attire l’œil des
curieux. « Il sert à encourager les personnes à participer aux échanges et à
poser des questions », explique Mélodie.
Montrer la diversité des violences
Violences administratives,
sexistes, économiques, ou encore psychologiques ; au total, il y a dix boîtes
de conserve à renverser. S’il s’agit avant tout de définir les violences et
d’en donner les termes, l’enjeu est également d’en rappeler la diversité. «
Par exemple, on expliquera, grâce au jeu, que l’outrage sexiste est l’une des
dernières arrivées dans la loi, et que c’est un délit pour lequel on peut
porter plainte », illustre la chargée de projet Van Info Femmes Île-de-France.

Autre information méconnue :
les cinq zones du corps considérées comme intimes et sexuelles, et ainsi
concernées par la définition de l’agression sexuelle – la bouche, la poitrine,
le sexe, les fesses et les cuisses. « Généralement on n’entre pas dans des
grands détails ; ce n’est pas forcément pertinent, explique Mélodie. En
parler, c’est déjà intéressant. » Ludique, le « chamboule-tout des
violences » est donc un prétexte pour sensibiliser les jeunes… et
déconstruire les tabous. Les parents – surtout les mères -peuvent ainsi « discuter
avec une co-animatrice si elles connaissent une situation personnelle difficile
».
3 500 personnes touchées par
le dispositif
Alors que la tournée de deux
semaines dans l’Essonne touche à sa fin, l’équipe du van fait le bilan. Elle se
dit agréablement surprise par les connaissances des jeunes qu’elle a pu croiser.
« Notamment sur les violences psychologiques et sexuelles, les LGBTphobies
et les cyberviolences. Je trouve qu'il y a eu une demande et une curiosité
particulières sur toutes nos thématiques », estime Mélodie. « On a aussi
eu des témoignages qui expliquent que c’est compliqué, en zone rurale »,
surenchérit Agnès, en mentionnant Angerville. Des difficultés qu’elle attribue
au manque d'associations, de communication, de groupes de parole, ou encore de
logements.
« C'est justement pour garder
en tête la réalité des besoins qu'on essaye de diversifier les lieux », insiste
Mélodie. Dans les zones plus périphériques, les besoins sont grands. Si la fréquentation
n’est pas au rendez-vous, les équipes du van considèrent que leur présence est
d’autant plus nécessaire. « À l’inverse, on sait qu’on sera très sollicitées
pendant les festivals, les sorties de lycée, et des événements comme les Jeux
Olympiques et Paralympiques ».
Depuis son lancement, le
stand itinérant a vu défiler près de 3 500 personnes réparties pour l’ensemble
de la région et a mené une centaine d’interventions – soit environ 35 par
déplacement. Puisque le dispositif est tributaire de la météo, moins de rencontres sont
prévues de décembre à février. « Nous nous adapterons, nous nous mettrons à
côté d'un lieu comme un gymnase pour pouvoir nous réchauffer si besoin,
explique Mélodie. On peut écourter, ne faire que des demi-journées ».
Un regain d’activité est attendu au printemps et plus particulièrement en mars,
avec la Journée internationale des droits des femmes.
Pour connaître les prochaines
dates de passage dans votre ville, rendez-vous sur le compte Instagram
@vaninfofemmes.
Floriane
Valdayron