À Bobigny, 148 mineures
victimes de proxénétisme ou de recours à la prostitution ont été signalées à la
Division de la famille et de la jeunesse du tribunal judiciaire (DIFAJE) en
2024. C’est ce que révèle une étude de l’Observatoire national des violences
faites aux femmes publiée le 13 avril 2025.
Dans une lettre thématique
publiée à l’occasion des huit ans de la loi du 13 avril 2016 qui vise à
renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les
personnes prostituées, l’Observatoire national des violences faites aux femmes* a
tiré la sonnette d’alarme : en 2024, à Bobigny, 148 mineures victimes de
proxénétisme ou de recours à la prostitution ont été signalées à la Division de
la famille et de la jeunesse du tribunal judiciaire (DIFAJE).
Un chiffre qui s’inscrit dans
une dynamique plus large observée à l’échelle nationale. En croisant diverses
données, comme celles du parquet de Bobigny, du Service statistique
ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) ou encore de la
police et de la gendarmerie nationales, l’Observatoire a recensé 1 579 victimes
– majeures et mineures – de proxénétisme ou de recours délictuel à la
prostitution sur l’ensemble du territoire. Ces dernières représentent une part
importante des 12 486 victimes d’exploitation sexuelle enregistrées sur
l’année.
Les chiffres sont éloquents. 97 % des victimes identifiées sont des filles, 34 % ont moins de 15 ans - une proportion en nette hausse
par rapport à l’année précédente (26 %) - et la plus jeune a 12 ans. 93 victimes sont âgées de 15 ans ou plus, et cinq sont des mineures dont l’âge n’a pas pu être déterminé.
« Sur l’année 2023, 42 %
des victimes mineures de France sont recensées en Seine-Saint-Denis », précise Peimane Ghaleh Marzban, président du tribunal judiciaire de Bobigny,
interrogé dans le cadre de l’étude. L’âge médian d’entrée dans la prostitution
y est estimé à 14 ans et 8 mois. Le président de la juridiction balbynienne souligne également des facteurs qui généralement favorisent l’implantation de
ces réseaux : des chambres d’hôtel à bas prix, souvent sans accueil physique,
et une réorientation des trafics, notamment de stupéfiants, vers l’exploitation
sexuelle.
121 signalements en 2024
L’étude permet également de mieux cerner l’origine des nombreux signalements. Ces derniers proviennent majoritairement
des forces de police (35 %), suivies de la justice (17 %), de l’Aide sociale à
l’enfance ou de la Protection judiciaire de la jeunesse (16 %), et enfin de
l’Éducation nationale (12 %). Après 95 signalements en 2019, leur nombre a grimpé à 121 en
2021, avant de redescendre à 107 en 2022, puis à 79 en 2023. En 2024, le seuil
des 121 signalements a de nouveau été atteint.
Face à cette recrudescence, trois magistrats référents ont été
mobilisés au sein du parquet de Bobigny, épaulés par une juriste assistante
spécialisée. Cette organisation renforcée, à laquelle s’est ajoutée une
permanence dédiée, a permis, selon le procureur de la République Éric Mathais,
« une prise en charge immédiate des victimes et la poursuite des auteurs, le
plus souvent par des présentations immédiates devant le tribunal ».
Depuis 2021, le recours à la prostitution
d’un mineur de moins de 15 ans par un adulte peut être requalifié en viol, en
vertu de l’article 222-23-1, alinéa 2 du Code pénal. « Les magistrats de la
DIFAJE du parquet de Bobigny ont apprécié au cas par cas les situations dans
lesquelles cette qualification pouvait être mobilisée », explique le
magistrat.
« En
2023, 11 proxénètes mineurs ont été jugés par le tribunal pour enfants de
Bobigny? »
En 2024, ce sont 57 prévenus qui
ont été reconnus coupables de faits liés au proxénétisme ou au recours à la
prostitution de mineurs, tandis que cinq ont été relaxés à l’audience. Au
total, 51 victimes ont vu leur agresseur jugé cette année-là. Du côté de la
justice des mineurs, la présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, Muriel
Eglin, rappelle qu’ « en 2023, 11 proxénètes mineurs ont été
jugés par le tribunal pour enfants de Bobigny ».
Face à l’ampleur du
phénomène, l’État a débloqué plusieurs millions d’euros pour financer des
projets adaptés aux besoins spécifiques du département. « Le département a
reçu le soutien de l’État avec le déblocage de fonds pour soutenir des projets
innovants et répondant aux besoins des enfants du territoire, comme l’accueil
d’enfants handicapés et de fratries. Plusieurs millions d’euros ont ainsi été
engagés, pour lutter contre la prostitution des mineurs et pour soutenir la
création de nouveaux services », précise Muriel Eglin.
Romain
Tardino
* dans le cadre de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof)