JUSTICE

A Marseille, deux voitures saisies remises à l'administration pénitentiaire

A Marseille, deux voitures saisies remises à l'administration pénitentiaire
Thierry Alves et Nicolas Bessone
Publié le 18/03/2025 à 12:00

Deux berlines de haute gamme ont été saisies dans le cadre d'une affaire de travail dissimulé dans le secteur du BTP. Elles ont été remises lundi à l’administration pénitentiaire pour sécuriser les transports de détenus. Une première en France depuis la loi de juin 2024.

C’est une première en France. Les clés de deux grosses berlines ont été remises à l'administration pénitentiaire, lundi 17 mars à Marseille, des mains de Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, et de Vanessa Perrée, directrice générale de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).

Depuis la loi du 24 juin 2024, il est en effet possible de réaffecter des biens saisis et confisqués à l’administration pénitentiaire, dans le cadre d'affaires criminelles ou financières. Avant cette loi, la réaffectation de biens n’était possible qu’à destination de certaines administrations comme les forces de l'ordre (police, gendarmerie).

Par « mesure de sécurité », les deux berlines étaient dissimulées par des bâches. « Il s’agit de voitures qui valent plusieurs dizaines de milliers d’euros, de grandes marques et de forte cylindrée », a précisé Nicolas Bessone.

« Le geste est symboliquement très fort, notamment au regard des relations de proximité que nous entretenons avec l’administration pénitentiaire », a commenté le procureur de Marseille. « Cela veut dire que nous sommes tous dans la même barque, motivés et engagés, pour lutter contre le crime organisé. »

« C’est également un message aux délinquants car une des politiques prioritaires du parquet de Marseille est la lutte contre le blanchiment et la récupération des avoirs criminels », a-t-il ajouté.

Les véhicules seront utilisés à des « fins opérationnelles »

Toujours par mesure de sécurité, aucune information précise n’a été donnée sur l’utilisation ultérieure des deux berlines par l’administration pénitentiaire. « Nous avons besoin de véhicules sécurisés et de forte cylindrée pour accomplir nos missions », a toutefois déclaré Thierry Alves, directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille.

« L'administration pénitentiaire accomplit plus de 2 millions de kilomètres par an sur l’ensemble du territoire français. Et au moment de recevoir ces deux véhicules, mon objectif est de permettre à l’ensemble des agents de la pénitentiaire d’assurer leurs missions dans les meilleures conditions », a-t-il continué. Les berlines pourraient ainsi servir à sécuriser les transferts de détenus.

Le drame d’Incarville, où deux agents de la pénitentiaire ont été tués en mai 2024, est « dans toutes [les] têtes ». « Cela ne doit plus jamais se reproduire », a insisté Thierry Alves. Les véhicules ont été saisis par la section économique et financière du parquet de Marseille, dans le cadre d’une affaire de travail dissimulé d’envergure impliquant une personne du secteur du BTP.

Nicolas Bessone a indiqué que cette fraude, liée au travail dissimulé, avait généré plusieurs centaines de milliers d'euros. « Nous avons saisi une partie du patrimoine de la personne en question à hauteur des gains issus de sa fraude, y compris les deux véhicules. »

Toutefois, la personne impliquée reste présumée innocente. « Les véhicules seront rendus si elle est innocentée, avec une petite somme compensatoire pour la décote », a expliqué le procureur. « C’est pour cela que l’affectation de biens avant condamnation est toujours un pari sur l’avenir », a-t-il précisé.

Néanmoins, avant d’affecter des biens, le parquet et l'Agrasc prennent leurs dispositions pour éviter de se retrouver dans ce genre de situations. « Nous travaillons ensemble pour analyser les charges pesant sur la personne et la vraisemblance d’une condamnation ou d’une confiscation définitive. »

La question ne se pose pas après une condamnation puisque les biens ne sont plus simplement saisis (mesure provisoire) mais confisqués, c’est-à-dire qu’ils tombent définitivement dans le patrimoine de l’État.

« Faire des économies »

Outre le message envoyé aux délinquants et criminels, la réaffectation de biens doit permettre à l’État de faire des économies, a affirmé Vanessa Perrée, directrice générale de l'Agrasc.

« L’idée est de permettre l’utilisation de moyens puissants qui ne seraient pas nécessairement achetables par l’État, tout en évitant par exemple qu’un véhicule dépérisse pendant plusieurs années dans un garage pour finalement ne valoir plus rien », a-t-elle déclaré.

D’autres affections de biens à l’administration pénitentiaire sont en cours ailleurs en France. « Notre agence travaille actuellement avec d’autres parquets et juridictions pour continuer ce cercle vertueux et attribuer notamment des véhicules à l’administration pénitentiaire. » C’est un magistrat qui décide d’autoriser l’affectation d’un bien saisi ou confisqué, après une remontée et une identification des besoins par l’Agrasc.

« Nous regardons les demandes qui nous sont faites, mais aussi les besoins respectifs des différents services (pénitentiaires, judiciaires, etc.) pour pouvoir ou non leur affecter », a détaillé Vanessa Perrée. « Nous avons par exemple des demandes pour obtenir des véhicules ou des meubles. »

En 2024, le montant des saisies en France a été de 1,3 milliard d’euros et celui des confiscations de 245 millions. En 2023, il y a eu 1,4 milliard d'euros de saisies et 175 millions d'euros de confiscations.  

Le procureur de Marseille a précisé que la juridiction marseillaise réalise une « grosse partie du chiffre d’affaires de l’Agrasc ». « Nous avons confisqué l’année dernière pour une valeur de plus de 40 millions d’euros, sans compter les saisies », a-t-il précisé.

Le tribunal de Marseille serait ainsi entièrement financé grâce aux confiscations. « Si on ajoute le montant des confiscations aux 10 millions d’euros d’amendes recouvrées par la DGFIP, on peut dire que le tribunal de Marseille est totalement autofinancé, puisque nous coûtons 50 millions au budget de l’État pour les charges de fonctionnement et de personnels », a déclaré Nicolas Bessone.

Sylvain Labaune

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