Ce n’est pas un hasard si ce numéro spécial
consacré au risque industriel est publié à la fin du mois de septembre 2020. En
effet, voilà un an, se déroulait un très grave accident industriel à l’usine Lubrizol
de Rouen, accident industriel dont les conséquences à moyen et long terme sur
le plan sanitaire et environnemental restent encore largement inconnues. Cependant,
ce qui est certain, c’est que cet incendie hors du commun ne s’est pas transformé
en accident industriel majeur, ce qui était une probabilité non négligeable
compte tenu de la proximité de plusieurs usines Seveso seuil haut. Depuis lors,
la catastrophe de Beyrouth liée à l’explosion d’un entrepôt de stockage d’ammonitrate,
produit fabriqué et stocké également en France, a de nouveau mis sur le devant de
la scène, malgré l’omniprésence de la question de la pandémie Covid-19, le sujet
du risque industriel.
Il nous a donc paru intéressant – alors que
la métropole de Rouen organise une semaine entière consacrée au sujet du monde
d’après – de faire un point sur le sujet du risque industriel un an après
Lubrizol, pour s’interroger, en particulier, sur la manière dont les
conséquences de ce qui s’est passé avaient été tirées (ou non).
Après avoir rappelé les conditions dans
lesquelles la question du risque industriel est traitée à l’échelle
internationale (1) et les conséquences que de très graves accidents qui
s’étaient produits à l’étranger avaient pu avoir sur la législation nationale
(2), ce numéro traite de la question des PPRT (plan de prévention des risques
technologiques, qui devraient être l’alpha et l’oméga de la prévention des
risques industriels) (3), de la gestion de crise (4), de la réalité de la
culture du risque à l’heure où l’information en matière environnementale ne
cesse de se réduire (5) et enfin de la réalité dont les organismes de contrôle
de l’État fonctionnent, c’est-à-dire de la difficulté de passer du stade du
constat d’infraction et de non-respect des règles de sécurité au stade de la
contrainte et de la sanction que les préfets ne veulent généralement pas
accepter (6).
À l’heure où la question de la
réindustrialisation de la France est un sujet majeur, celle de l’acceptabilité
du risque industriel se pose sous un angle nouveau et on ne peut qu’être
inquiet du manque total de conséquences tirées de la catastrophe de Lubrizol.
Non seulement aucun effort n’a été fait en faveur d’une meilleure information
sur les risques – et la loi ASAP en discussion a d’ailleurs précisément pour
objet de réduire encore le droit à l’information du public – mais encore les
projets de modification, sous prétexte de simplification de la législation
environnementale, visent à amoindrir encore l’application de la législation des
installations classées, et ce à l’inverse des propositions faites par les
rapports parlementaires tant de l’Assemblée nationale que du Sénat de
renforcer, au contraire, la législation d’une part, l’effectivité des contrôles
d’autre part.
Corinne
Lepage,
Avocate
à la Cour,
Huglo
Lepage Avocats