Après
le projet de loi sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) et la
proposition d’un régime pilote pour la technologie des grands livres distribués
(DLT), avec le règlement MiCA, l’Union européenne poursuit son ambition de
faire de l’Europe un espace sécurisé pour les fournisseurs de services de
cryptoactifs.
L’objectif
de MiCA, adopté le 10 octobre avec le soutien massif de la commission des
affaires économiques et monétaires (ECON), est en effet de réglementer
l’émission, l’offre au public et la négociation des cryptoactifs, en
fournissant un cadre complet des exigences relatives au fonctionnement et à la
gouvernance des principaux émetteurs de ceux-ci et des prestataires de
services, tout en donnant des protections détaillées pour leurs détenteurs.
L’Europe
est ainsi la première à vouloir réguler les cryptoactifs, définis par le
Règlement comme « une représentation numérique d’une valeur ou de droits
pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la
technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire », en
fournissant un régime d’autorisation unifié dans toute l’Union européenne, sans
besoin d’adopter des lois d’application nationales.
Autre
avantage, les émetteurs de cryptoactifs n’auront pas besoin de l’autorisation
de chaque pays pour pouvoir circuler dans l’UE, mais n’obtiendront plus qu’une
seule autorisation commune pour toutes les juridictions de l’Union.
Un
cadre juridique solidifié
Outre
une définition claire et uniforme de la notion de cryptoactif, le Règlement
présente ainsi l’avantage de définir les règles encadrant la pratique des
différents intervenants de façon centralisée.
Le
Règlement poursuit à ce titre quatre objectifs :
•
fournir un cadre juridique solidifié pour les cryptoactifs au niveau européen ;
•
lutter contre les transactions frauduleuses ;
•
protéger les consommateurs et les investisseurs ;
•
établir des règles spécifiques pour les monnaies stables, y compris
lorsqu’elles sont commercialisées en tant que monnaie électronique.
L’article
15 du règlement prévoit à ce titre de soumettre l’ensemble des émetteurs de
cryptoactifs à une obligation d’agrément pour proposer leur service sur le
territoire de l’Union européenne, le texte prévoyant : « Aucun émetteur de
jetons se référant à des actifs ne peut, au sein de l’Union, offrir ces jetons
au public ou demander l’admission de ce type d’actifs à la négociation sur une
plateforme de négociation de cryptoactifs sans avoir été agréé à cet effet
conformément à l’article 19 par l’autorité compétente de son État membre
d’origine. »
Tout
émetteur de cryptoactif devra ainsi répondre à des exigences élevées pour
obtenir l’agrément.
Aux
termes des articles 5 et 17, le dirigeant devra tenir à disposition des autorités
un livre blanc détaillant l’activité de l’entreprise.
Lutte
contre les transactions frauduleuses
Le
Règlement vise par ailleurs à lutter contre l’utilisation des cryptomonnaies
aux fins de blanchiment et de financement du terrorisme. À cet égard, l’article
30 prévoit qu’aucun membre de l’organe de gouvernance ne doit avoir été
condamné pour des infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement
du terrorisme ou à d’autres délits financiers.
L’article
56 ajoute que l’agrément sera retiré si un membre de l’organe de gouvernance
est condamné pour faits de blanchiment de capitaux ou de financement du
terrorisme.
De
manière générale, les transferts de cryptomonnaies devront être suivis
d’informations sur celui qui envoie les fonds et sur le bénéficiaire. Les
prestataires de services en cryptoactifs devront fournir ces informations aux
autorités si une enquête pour blanchiment d’argent ou financement du terrorisme
est ouverte. En outre, l’Autorité bancaire européenne (ABE) tiendra une liste
des prestataires non-conformes.
Protéger
les consommateurs et les investisseurs
Afin
de protéger les consommateurs, les émetteurs de stablecoins seront soumis à des
exigences de liquidité et devront en outre être présents dans l’UE. Autre gage
de sécurité, les stablecoins seront soumis à la direction et à la supervision
de l’ABE.
Fait
notable, les jetons non fongibles (NFT), qui sont individuels et distincts,
sont quant à eux exclus du champ d’application du Règlement MiCA, sauf si
l’émetteur crée une « collection » d’actifs à acheter.
La
plupart des fournisseurs de services de cryptoactifs considèrent le MiCA comme
nécessaire pour leur donner davantage de légitimité et de crédibilité pour
progresser sur le marché financier actuel.
Surveiller
l’impact environnemental
L’impact
environnemental des cryptomonnaies a été un sujet très discuté et controversé
sur le marché. Au début, des inquiétudes ont été soulevées quant à savoir s’il
serait interdit aux entités de minage de cryptomonnaies, telles que le bitcoin,
d’opérer dans l’Union européenne, le « minage » étant trop énergivore.
Si
ce procédé n’a pas été banni, dans le texte proposé, le Règlement MiCA demande
cependant aux entreprises de cryptomonnaies une parfaite transparence en
déclarant toute information utile sur leur impact environnemental et
climatique. À ce titre, chaque prestataire sera tenu de divulguer le type de
protocoles de consensus blockchain qu’il utilise dans un livre blanc public.
Le
Règlement MiCA s’appliquerait 18 mois après l’entrée en vigueur du texte, qui
n’interviendra que 20 jours après sa publication au Journal Officiel de l’UE. Ainsi,
il est probable qu’il ne commencera à produire ses effets qu’au début de 2024.
Afin
d’éviter toute perturbation potentielle du marché, le règlement MiCA prévoit
une période transitoire pour les cryptoactifs déjà émis avant l’entrée en
vigueur de la législation tout en prévoyant une exemption de l’obligation de
publier un livre blanc en ce qui concerne ces anciennes émissions.
Elise Dufour,
Avocate associée,
Bignon Lebray