Actuellement débattue par les députés, la
proposition de loi sur la fin de vie a suscité le dépôt de nombreux amendements
concernant la qualification pénale de l'aide à mourir. L'article 2, selon
lequel les médecins et les infirmiers pourront administrer une substance qui
sera fatale au patient, a été adopté ce samedi.
20 ans après l'adoption de la loi Leonetti
autorisant l'euthanasie passive (arrêt des soins), l'Assemblée nationale vote
en faveur de l'euthanasie active. Le texte examiné prévoit d'y recourir par
l'administration d'une substance létale. À ce jour, tous les
articles de la proposition de loi n'ont pas encore été adoptés. Les députés devront
encore discuter des autres modalités de l'aide à mourir dont la clause de
conscience des soignants.
Malgré le refus d'employer les termes
« euthanasie active » et « suicide assisté », il est
pourtant question de les autoriser sous des conditions dites
« strictes ». Outre les réflexions sur l'autonomie du patient et la
clause de conscience des médecins et infirmiers, a été envisagé l'enjeu
juridique de la responsabilité du corps médical en cas d'injection létale.
L'article 2, qui vient d'être adopté ce samedi, est
une « clé de voute du texte » selon le député Charles
Sitzenstuhl. En plus de prévoir une assistance à l'auto-administration de la
substance mortelle par le patient (suicide assisté), cet article prévoit la
possibilité d'administrer ladite substance par les médecins et les infirmiers
(euthanasie active). « Ce que prévoit ce texte, c'est que demain des
médecins et des infirmiers pourront tuer des malades » s'est insurgé le
député Stizenstuhl .
L'administration de substance mortelle
dépénalisée
En matière de responsabilité
pénale, le consentement de la victime ne justifie pas la commission d'une
infraction, sauf si la loi l'autorise. L'ordre de la loi figure
parmi les causes d'irresponsabilité pénale à l'accomplissement d'une
infraction. Provoquer la mort est une infraction, hors les cas où la loi le
prescrit, dans des conditions particulières. Le texte proposé mentionne donc
que c'est au titre de la loi pénale sur les causes d'irresponsabilité que
l'aide à mourir est autorisée par ce nouveau texte. Le Conseil d'État a rendu à
cet égard un avis consultatif
sur la proposition de loi selon lequel il suggérait de le mentionner dans le
texte.
Ainsi, l'article 2 de la proposition prévoit que « Le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé par la loi
au sens de l’article 122-4 du Code pénal. » La dépénalisation restera
toutefois conditionnée à l'application stricte du cadre légal et règlementaire
sur l'aide à mourir, au risque que le médecin ou l'infirmier qui le pratique
soit pénalement poursuivi.
La députée Sandrine
Dogor-Such a interrogé l'hémicycle sur le devoir du soignant en cas de mauvaise
interaction du produit létal dans le corps du patient. S'il ne succombe pas à
la suite de l'injection, l'équipe soignante doit-elle le réanimer ? Ou au
contraire, employer d'autres méthodes pour provoquer sa mort ? Cette
situation pose en effet une difficulté éthique et juridique.
Si le médecin ou
l'infirmier utilise d'autres moyens pour parvenir au décès, l'acte devient
infractionnel car constitutif d'une omission de porter secours (non-assistance
à personne en danger). S'il prodigue des soins pour réanimer le patient, le
soignant peut aussi être accusé de ne pas respecter son consentement. Le texte
défendu par certains députés pour dégager les médecins pratiquant l'euthanasie
active en le légalisant manquerait donc à l'un de ses objectifs.
Pour éviter les risques de
détournement du consentement, le député Sitzenstuhl a proposé d'insérer dans le
texte une disposition interdisant aux soignants d'inciter les malades dans
leurs prises de décision. et la rapporteure Brigitte Liso de répondre que la provocation
et l'incitation au suicide constituent déjà une infraction. Si dans le cadre du
suicide assisté, le soignant n'est pas celui qui provoque le décès, il se
trouve toutefois dans une situation d'aidant à l'acte.
Le député et médecin
Philippe Juvin a toutefois évoqué un risque de contradiction avec un autre article
de loi (223-14 du Code pénal) qui dispose d'une interdiction de la publicité en faveur de
produits ou de méthodes préconisées comme moyen de se donner la mort. Dans les
faits, le soignant qui aidera le patient à mourir, devra l'informer des
modalités du suicide.
À ce stade des débats, le
texte apparait peu abouti malgré l'enjeu. L'Assemblée nationale n'a pas encore
adopté la loi dans son intégralité. Les discussions sur le régime de la fin de
vie, incluant la loi sur les soins palliatifs, se clôtureront le 27 mai
prochain, au moment du vote solennel.
Si le texte est adopté, il sera ensuite
soumis au débat sénatorial. La haute assemblée devra l'adopter en termes
identiques pour que le texte entre en vigueur.
Antonio
Desserre