DROIT

Aide à mourir : l'Assemblée nationale vote pour l'injection létale

Aide à mourir : l'Assemblée nationale vote pour l'injection létale
Publié le 17/05/2025 à 23:07
Actuellement débattue par les députés, la proposition de loi sur la fin de vie a suscité le dépôt de nombreux amendements concernant la qualification pénale de l'aide à mourir. L'article 2, selon lequel les médecins et les infirmiers pourront administrer une substance qui sera fatale au patient, a été adopté ce samedi.

20 ans après l'adoption de la loi Leonetti autorisant l'euthanasie passive (arrêt des soins), l'Assemblée nationale vote en faveur de l'euthanasie active. Le texte examiné prévoit d'y recourir par l'administration d'une substance létale. À ce jour, tous les articles de la proposition de loi n'ont pas encore été adoptés. Les députés devront encore discuter des autres modalités de l'aide à mourir dont la clause de conscience des soignants. 

Malgré le refus d'employer les termes « euthanasie active » et « suicide assisté », il est pourtant question de les autoriser sous des conditions dites « strictes ». Outre les réflexions sur l'autonomie du patient et la clause de conscience des médecins et infirmiers, a été envisagé l'enjeu juridique de la responsabilité du corps médical en cas d'injection létale.

L'article 2, qui vient d'être adopté ce samedi, est une « clé de voute du texte » selon le député Charles Sitzenstuhl. En plus de prévoir une assistance à l'auto-administration de la substance mortelle par le patient (suicide assisté), cet article prévoit la possibilité d'administrer ladite substance par les médecins et les infirmiers (euthanasie active). « Ce que prévoit ce texte, c'est que demain des médecins et des infirmiers pourront tuer des malades » s'est insurgé le député Stizenstuhl .

L'administration de substance mortelle dépénalisée

En matière de responsabilité pénale, le consentement de la victime ne justifie pas la commission d'une infraction, sauf si la loi l'autorise. L'ordre de la loi figure parmi les causes d'irresponsabilité pénale à l'accomplissement d'une infraction. Provoquer la mort est une infraction, hors les cas où la loi le prescrit, dans des conditions particulières. Le texte proposé mentionne donc que c'est au titre de la loi pénale sur les causes d'irresponsabilité que l'aide à mourir est autorisée par ce nouveau texte. Le Conseil d'État a rendu à cet égard un avis consultatif sur la proposition de loi selon lequel il suggérait de le mentionner dans le texte. 

Ainsi, l'article 2 de la proposition prévoit que « Le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du Code pénal. » La dépénalisation restera toutefois conditionnée à l'application stricte du cadre légal et règlementaire sur l'aide à mourir, au risque que le médecin ou l'infirmier qui le pratique soit pénalement poursuivi.

La députée Sandrine Dogor-Such a interrogé l'hémicycle sur le devoir du soignant en cas de mauvaise interaction du produit létal dans le corps du patient. S'il ne succombe pas à la suite de l'injection, l'équipe soignante doit-elle le réanimer ? Ou au contraire, employer d'autres méthodes pour provoquer sa mort ? Cette situation pose en effet une difficulté éthique et juridique. 

Si le médecin ou l'infirmier utilise d'autres moyens pour parvenir au décès, l'acte devient infractionnel car constitutif d'une omission de porter secours (non-assistance à personne en danger). S'il prodigue des soins pour réanimer le patient, le soignant peut aussi être accusé de ne pas respecter son consentement. Le texte défendu par certains députés pour dégager les médecins pratiquant l'euthanasie active en le légalisant manquerait donc à l'un de ses objectifs.

Pour éviter les risques de détournement du consentement, le député Sitzenstuhl a proposé d'insérer dans le texte une disposition interdisant aux soignants d'inciter les malades dans leurs prises de décision. et la rapporteure Brigitte Liso de répondre que la provocation et l'incitation au suicide constituent déjà une infraction. Si dans le cadre du suicide assisté, le soignant n'est pas celui qui provoque le décès, il se trouve toutefois dans une situation d'aidant à l'acte. 

Le député et médecin Philippe Juvin a toutefois évoqué un risque de contradiction avec un autre article de loi (223-14 du Code pénal) qui dispose d'une interdiction de la publicité en faveur de produits ou de méthodes préconisées comme moyen de se donner la mort. Dans les faits, le soignant qui aidera le patient à mourir, devra l'informer des modalités du suicide.

À ce stade des débats, le texte apparait peu abouti malgré l'enjeu. L'Assemblée nationale n'a pas encore adopté la loi dans son intégralité. Les discussions sur le régime de la fin de vie, incluant la loi sur les soins palliatifs, se clôtureront le 27 mai prochain, au moment du vote solennel. 

Si le texte est adopté, il sera ensuite soumis au débat sénatorial. La haute assemblée devra l'adopter en termes identiques pour que le texte entre en vigueur.

Antonio Desserre

0 commentaire
Poster

Nos derniers articles