Après
deux années de consultations et de réflexions, le gouvernement a présenté en Conseil des ministres, ce mercredi 10 avril, son projet de loi sur la fin de
vie. Une première étape avant que ce texte soit débattu au Parlement, dès le 27
mai 2024.
À
l'issue de la présentation du projet de loi sur la fin de vie en Conseil des
ministres, Catherine Vautrin, ministre de la Santé et du Travail, a donné une
conférence de presse. Elle y a présenté les contours d’un texte épineux et
longtemps attendu par les défenseurs du droit à mourir dans la dignité. La
ministre a également annoncé la création de « maisons d’accompagnement », pour
les personnes en fin de vie.
La
création de « maisons d’accompagnement »
La
proposition de loi sur la fin de vie comporte 36 articles, dont les six
premiers relèvent de l’encadrement des soins palliatifs et prévoient notamment
la création de « maisons d’accompagnement ». Catherine Vautrin a précisé que ces
établissements avaient « pour objectif d’accueillir des personnes en fin de vie,
qui ne relèvent plus d’un service hospitalier mais qui pour autant ne peuvent
pas rentrer au domicile, soit parce qu’ils sont tout seul, soit parce que le
domicile est trop petit pour pouvoir accueillir un malade qui a besoin
d’équipements autour de lui ». La ministre a ajouté que ces maisons seraient créées en partenariat avec les associations et les collectivités, même si « le
gouvernement prendra en charge leur fonctionnement annuel ».
Par
ailleurs, Catherine Vautrin a rappelé qu’un malade sur deux n’avait actuellement
pas accès aux soins palliatifs, par manque de moyens. Selon la Cour des
comptes, les besoins de prise en charge par les soins palliatifs risquent
d’augmenter d’environ 20%, d’ici 2034. En réponse, Catherine Vautrin avait
annoncé, samedi 6 avril dernier, une augmentation progressive du budget décennal
pour ces unités de soins, à hauteur de 1,1 milliard d’euros et à raison de « 100
millions d’euros chaque année, dès cette année ».
La
proposition d’une aide à mourir, un « équilibre »
Les
trente articles suivant de la proposition de loi s’attachent à encadrer «
l’aide à mourir ». Pour Catherine Vautrin, ce texte est « un modèle français
de la fin de vie, une réponse éthique à des besoins d’accompagnement des
malades et également à des souffrances qui sont inapaisables ». Le
gouvernement espère ainsi « créer un espace, un équilibre entre le
renforcement de l’accompagnement des patients et de leur entourage ».
Pour
être éligible à l’aide à mourir (par l’administration d’un produit létal), un
patient devra remplir cinq conditions. D’abord, être majeur et « résider en
France ou être de nationalité française ». Les trois autres conditions
feront l’objet d’un examen par un médecin : il devra attester que le patient
est atteint « d’une maladie grave et incurable ». « Grave, a précisé Catherine Vautrin, parce que le pronostic vital est engagé, et incurable,
parce que la maladie ne peut pas se soigner ». Le médecin devra aussi
confirmer les « douleurs insupportables et réfractaires au traitement » du
demandeur. Et enfin, le patient devra « exprimer sa demande de l’aide
à mourir de manière libre et éclairée ».
Selon
la proposition de loi, le médecin devra consulter l’avis d’un médecin
spécialiste et d’un infirmier. « Mais c’est le médecin qui, après avoir
recueilli ces avis, à titre personnel rend son avis : ce n’est pas une décision
collégiale », ajoute la ministre. Une fois que le professionnel de santé
aura émis un avis favorable à l’aide à mourir, le patient bénéficiera d’un « délai
de réflexion ». Après quoi, il devra réitérer sa demande auprès du
personnel médical.
Des
doutes et des interrogations levés
Qu’en
est-il de l’accès à l’aide à mourir pour les personnes porteuses de maladies
psychiatriques et neurodégénératives ? La ministre s'est montrée ferme sur ce point, et
a rappelé que « le texte exclut les maladies psychiatriques » car «
l’un des piliers du texte, c’est la capacité de discernement, et cette capacité
est évaluée par le médecin ». Mais les médecins accepteront-ils de prendre
part au processus de l’aide à mourir ? Selon un sondage Opinionway de
2022, relayé par la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs
(SFAP), « 94% des médecins (répondants) refusent l’idée d’injecter un
produit létal et deux tiers déclarent que dans l’hypothèse d’une dépénalisation
de l’euthanasie, ils pourraient utiliser leur clause de conscience voire
quitter leur poste actuel ».
Un
flou persistait également autour des termes utilisés par le gouvernement,
prévoyant un accès à l’aide à mourir si le « pronostic vital est engagé à
court ou moyen terme ». Catherine Vautrin a éclairci ce point en se basant
sur les définitions de la Haute Autorité de Santé (HAS). La notion de « court
terme » se définit donc en une mort sous « quelques jours, quelques semaines
», tandis que le « moyen terme » se réfère à une mort sous « six à douze
mois ».
Un
« début de débat parlementaire indispensable »
« Cette proposition n’est que le début d’un débat
parlementaire indispensable pour un texte qui va nécessiter énormément
d’écoute, d’humilité et de respect de la liberté de conscience de chacune et
chacun », s'est félicitée Catherine Vautrin.
De
son côté, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a « salu(é)
cette adoption, même si elle a été maintes fois différée », et y voit « un
tout premier pas vers un nouveau droit ». L’ADMD ajoute dans un communiqué
de presse : « l’adoption de ce texte n’est que le point de départ du travail
important que les parlementaires auront à accomplir pour que ce texte n’oublie
personne, et notamment les personnes atteintes de maladies neurodégénératives.
»
Le
texte présenté sera débattu dès le 27 mai prochain à l’Assemblée nationale,
inaugurant ainsi le processus de navettes parlementaires. Les débats pourraient
prendre jusqu’à deux ans avant d’aboutir à une loi.
Inès Guiza