Le marché des ventes aux enchères se tasse et ses composantes
numériques connaissent une forte croissance. Les véhicules d’occasion et le
matériel industriel se distinguent largement et font partie des biens les plus
plébiscités par les acquéreurs.
Le Conseil des Ventes
Volontaires de meubles aux enchères publiques devient le Conseil des maisons de
vente à la suite de la loi « visant à moderniser la régulation du marché de
l’art », votée le 22 février 2022. Un texte qui a récemment permis d’élargir
les compétences du CMV. Autre nouveauté au sein du Conseil des maisons de
ventes : la nomination, du président du Conseil, Edouard de Lamaze, par le
garde des Sceaux, le 15 mars 2023. Avocat au barreau de Paris, Edouard de
Lamaze est aussi un ex-membre du Comité économique et social européen à
Bruxelles et corédacteur du rapport ayant initié la loi de modernisation de la
régulation du marché de l’art, promulguée en 2022.
Comme chaque année, le CMV
observe et publie le bilan annuel du marché français des ventes aux enchères
volontaires, avec l’aide de l’institut Taluna-Harris Interactive.
Un
marché qui se stabilise positivement
Globalement, pour cette année
2023, le marché des ventes aux enchères progresse de 7,1% par rapport à 2022.
Il s’agit de la même marge de progression qu’en 2022, par rapport à 2021 (avec une progression qui s’établissait à 8,2%).
En revanche, le CMV se félicite d’un nouveau record historique atteint pour le
marché des enchères : le montant total des ventes, tous secteurs confondus,
s’élève à 4,690 milliards d’euros (contre 4,3 milliards d’euros en 2022). Le
rapport précise également l’augmentation de 5% du nombre de maisons de vente
créées entre 2022 et 2023.
Les ventes aux enchères
françaises progressent aussi à l’international. Le montant des ventes adjugées
en France à des acheteurs étrangers s’élève à 1,6 milliard d’euros en 2023,
soit une hausse de 3% par rapport à 2022. 34% des biens vendus ont été adjugés
à des acheteurs étrangers. 53% des biens vendus aux personnes étrangères sont
des objets d’art et de collection (des types de ventes pour des étrangers en
baisse de 3 points par rapport à 2022) et 36% des ventes à des personnes
étrangères ont quant à elles été réalisées pour des véhicules d’occasion et du
matériel industriel (des types de ventes en hausse de 3 points par rapport à
2022). Pour le reste des adjudications aux étrangers, les chevaux occupent la
troisième place du podium, avec 8% des ventes. Un chiffre identique à celui de
l’année précédente.
Le marché des ventes aux
enchères françaises conserve sa place de quatrième mondial, avec 2,3 milliards
d’euros (soit une baisse de 9%) et représente 7% de part de marché. L’Hexagone
place quinze de ses maisons de ventes dans les cent premières maisons de ventes
au monde. Côté marché européen, la France a ravi la place de numéro 1 au
Royaume-Uni, depuis son départ de l’Union européenne et le Brexit. Enfin,
Artcurial et Millon sont les deux sociétés françaises à intégrer le classement
des 10 premières sociétés européennes de ventes aux enchères. De manière plus
générale, l’Europe enregistre une baisse du montant de vente de 8%, soit une
baisse proche de celle de la France.
Record
des ventes de véhicules d’occasion et de matériel industriel
Le secteur des ventes aux
enchères de véhicules d’occasion et de matériel industriel bondit de 24,7%, en
2023. Il s’agit de la troisième année consécutive de progression pour le
secteur et de sa deuxième plus forte progression depuis plus de 10 ans (après celle de l’année d’après Covid qui avait bondi de 27,8 %
en 2021). En 2023, le secteur enregistre 2,496
milliards d’euros de ventes, soit un gain de 494 millions d’euros par rapport à
2022. Sur les dix dernières années, la progression annuelle des ventes de
véhicules d’occasion et de matériel industriel s’établit à 9,7%.
Dans le détail, 75% des
ventes ont été adjugées pour des véhicules particuliers, 19% pour des
utilitaires et 6% pour des poids lourds. Les véhicules particuliers
représentent à eux seuls 2,345 milliards d’euros de vente, soit une hausse de
26% par rapport à 2022.
Au total, en 2023, 27 000
ventes de véhicules d’occasion ont été réalisées par les maisons de ventes aux
enchères. Un secteur qui porte à lui seul plus de la moitié du marché : en
2023, la vente de véhicules d’occasion et de matériel industriel représente 53%
du marché des ventes aux enchères (contre 46% en 2022).
Dans le sillage de cette
année record, les vingt premières maisons de vente du secteur des véhicules
d’occasion et de matériel industriel ont enregistré un montant des ventes de
2,377 milliards d’euros. Ces sociétés spécialisées ont le monopole de 95% du
secteur de la vente aux enchères de véhicules d’occasion. A la première place
du podium des maisons d’enchères spécialisées, on retrouve la société Alcopa
Auction, avec un chiffre d’affaires de 735 millions d’euros pour 2023, soit une
hausse de 37% par rapport à l’année précédente. A titre de comparaison, en
2020, une année catastrophique due à la pandémie de Covid, le chiffre
d’affaires d’Alcopa Auction s’élevait à 380 millions d’euros. Entre 2020 et
2023, la maison spécialisée dans la vente aux enchères de véhicules d’occasion
s'octroie 94% de hausse de son chiffre d’affaires.
Les
nouveautés législatives profitent aux ventes de biens incorporels
Longtemps leader dans le
secteur des ventes aux enchères, le marché français a vu sa compétitivité
décliner au fil des années. Alors, pour faire à nouveau rayonner le soft power français et l’économie du
pays, la sénatrice Catherine Morin-Desailly propose en 2019 une loi pour
moderniser le marché des ventes aux enchères volontaires. Le texte est voté en
deuxième lecture au Sénat et à l’unanimité à l’Assemblée nationale. La loi est
promulguée le 22 février 2022. Le garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti déclarait
alors au Parlement : « le marché des ventes volontaires est une composante
essentielle du marché de l’art français. Il faut soutenir son développement et
nourrir l’ambition qu’il demeure un facteur d’attractivité pour notre pays ».
Le texte, qui autorise les
ventes de biens incorporels tels que les biens numériques, fait donc profiter
ce marché, en croissance fulgurante. A titre d’exemple, selon le rapport annuel
de 2022 du site spécialisé DappRadar, les ventes de NFT (les « Non-Fungible
Token », un certificat numérique d’authenticité et non-interchangeable d’un
actif numérique, pouvant être une photo ou une vidéo), dans le monde,
avoisinaient les 25 milliards de dollars. Et grâce au nouveau texte de loi en
vigueur, il est désormais possible pour les commissaires-priseurs français de
réaliser les ventes de ce type de biens.
Succès confirmé pour l’année
2023 : le secteur des biens incorporels (licences, brevets, marques, fonds de
commerce, parts sociales, œuvres numériques et NFT) observe une augmentation en
flèche de 179%, soit un total de 789 000 euros.
Des
secteurs s'essoufflent aussi
D’autres secteurs sont sur le
déclin. On observe une baisse des ventes de 43 % pour le mobilier et les objets
d'art anciens (avec 128 millions d’euros), mais aussi une décroissance de 32%
pour les ventes de gré à gré (lorsqu’un candidat dépose une offre jugée
satisfaisante par le commissaire) avec 237 millions d’euros de ventes (contre
350 millions en 2022).
Autres reculs : -13% pour les
ventes de Livres, de manuscrits et de bandes dessinées, -10% pour les biens
neufs (avec un montant total de 14,9 millions d’euros), -4% pour les ventes
d’art contemporain (à hauteur de 248 millions d’euros) et -3% pour le secteur
des vins et des alcools (à hauteur de 110 millions d’euros).
La
dynamique du marché mondial s’inverse en 2023
Même si la reprise du marché
des enchères est belle et bien stabilisée après la période de pandémie, la
tendance s’est inversée à l’échelle internationale. Le marché des ventes aux
enchères des États-Unis est en baisse de 18% alors qu’il observait une croissance
de 38% en 2022.
Du côté de la Chine, le pays
compense en partie sa baisse de 2022, avec une croissance de 45%. Pour le
Royaume-Uni, l’un des leaders historiques de la vente aux enchères, le pays
accuse une baisse de 16% en 2023, après sa hausse de 19% en 2022.
Toujours sur le plan mondial,
le montant des ventes reste fortement concentré entre les mains de quelques
maisons. Avec 16,1 milliards d’euros d’adjudications, les dix premières maisons
de ventes concentrent 51% du montant total des ventes dans le monde. Et parmi
les vingt premières maisons de ventes aux enchères mondiales, on retrouve huit
maisons étasuniennes, telles que Sotheby’s première maison, avec près de 5
milliards d’euros de montant de vente (+5%), qui passe devant Christie’s, avec
4,6 milliards d’euros (-32%). Se trouvent un peu plus bas dans le classement,
sept maisons chinoises, toutes en importante croissance. Par exemple, le
champion national chinois, Poly International, observe une progression de 170%
pour l’année 2023. De quoi inquiéter les maisons de ventes occidentales,
historiquement leaders.
Inès
Guiza