Le Conseil
des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, plus couramment
dénommé « Conseil des ventes » (CVV), vient de publier son bilan annuel des
ventes aux enchères en France et dans le monde en 2021. Dans un marché en
grande forme partout dans le monde, la France accentue sa progression. Le
secteur art et objets de collections est notamment plébiscité.
Le marché de la vente aux enchères en France a poursuivi
sa progression en 2021. Le montant total adjugé tous secteurs confondus atteint
le chiffre inédit de 4,05 milliards d’euros (+39,6 % par rapport à 2020,
+20 % par rapport à 2019), preuve de l’excellente santé du marché des
ventes aux enchères dans les pays et d’une dynamique qui va bien au-delà d’un
simple rattrapage après une année souvent limitée aux ventes en ligne. À
l’exception de l’année 2020, les enchères volontaires sont en progression
constante depuis 2011.
Le secteur arts et objets de collection connaît une
hausse record de 54,1 % sur un an, dans un marché mondial en croissance de
51,3 %. Le Conseil des ventes note que 2021 surpasse l’année 2015, la
meilleure année de la précédente décennie. En comparaison avec 2019, dernière
année avant la pandémie, le marché de l’art progresse de 19,5 %. La
tendance à la hausse constatée depuis 2015 (à l’exception de 2018 et 2020) se
poursuit à un rythme inédit depuis dix ans.
Dans ce contexte, la majorité des maisons de ventes
(79 %) ont vu croître leur chiffre d’affaires. De plus, 20 nouvelles
maisons ont été créées pour huit ayant cessé leurs activités (427 ouvertes au
total en 2021), témoignant là aussi de la vitalité du secteur. « L’année 2021
fut exceptionnelle : elle a confirmé les tendances que nous pressentions
l’année dernière et a dépassé les espérances », a résumé Henri Paul,
président du Conseil des ventes volontaires.

Le
numérique prend encore de l’ampleur
Une
bonne santé qui « peut assez largement être attribuée à la progression des
ventes en ligne », a affirmé le président. Comme dans de nombreux domaines,
la transformation numérique a été la réponse des maisons de ventes à la crise
sanitaire : 3 milliards d’euros de ventes ont été réalisés par Internet en
2021, soit 75 % du montant total des adjudications. C’est très logiquement
plus qu’en 2019 (36 %), mais également plus qu’en 2020 où la vente en
ligne représentait 68 %. Le transfert des enchères sur Internet s’est donc
encore renforcé alors même que l’accès aux maisons de ventes est resté
possible, malgré des restrictions, durant toute l’année 2021. 90 %
des établissements ont déclaré une activité sur Internet. Ce type de vente est
particulièrement plébiscité en Île-de-France, où il représente 80 % du
produit des adjudications contre 45 % dans les autres régions. Le contexte
lié à la situation sanitaire a joué pleinement dans le recrutement de nouveaux
acheteurs en ligne : 37 % des enchérisseurs sont des primoacheteurs.
Dans
le détail, la numérisation s’accélère en particulier pour le secteur véhicules
d’occasion et matériel industriel, qui représente 56 % du montant total
adjugé en ligne. 86 % des ventes de ce même secteur sont désormais
effectuées sur le net, traduisant une désaffection des salles des ventes depuis
deux ans. Le secteur chevaux réalise également une belle performance, avec 14
millions d’euros de chiffre d’affaires effectué sur Internet en 2021, en
augmentation de 51 % sur un an. Une progression que le Conseil des ventes
explique par l’importance des acheteurs étrangers dans ce secteur qui, compte
tenu de la fermeture partielle des frontières, ont pour partie d’entre eux dû
prendre part aux enchères par la voie numérique.
L’utilisation
des réseaux sociaux a été mesurée pour la première fois. 260 des maisons de
ventes ayant répondu à l’enquête, soit 62 % d’entre elles, déclarent y
posséder un ou plusieurs comptes. Parmi elles, 85 % utilisent Instagram,
apprécié pour son impact visuel.
« Pour
tous les secteurs, l’instauration de nouveaux formats de vente connecte les
places de marché en direct et favorise la mise en concurrence des acheteurs du
monde entier », affirme le Conseil des ventes.
L’apparition
des NFT a également participé, à sa petite échelle, à l’amplification du
numérique. Avec 279 lots vendus dans le monde pour une valorisation de 232
millions de dollars, ce marché reste un marché de niche. Le Conseil s’interroge
d’ailleurs sur la pérennité et la croissance de ce type de lot. La confirmation
– ou l’infirmation – de cette tendance sera à vérifier en 2022.
Portrait-robot
de l’enchérisseur 2.0
Une
étude menée par Harris Interactive donne le portrait-robot de l’acheteur du
web. Première constatation : le profil de ces enchérisseurs est bien
différent de celui du Français moyen. Mais il est aussi très éloigné de celui
de l’acheteur lambda sur Internet, assez jeune et qui a déjà l’habitude de
faire ses emplettes sur Internet, via Leboncoin ou Facebook Marketplace par
exemple. Le profil type est un homme, âgé de plus de 50 ans, cadre et vivant en
Île-de-France. Dans le détail, les catégories socioprofessionnelles supérieures
sont surreprésentées (45 % contre 29 % dans la population nationale),
tout comme les profils de cadres (27 % contre 18 %) et les habitants
franciliens (26 % contre 18 %). Les acheteurs sont aussi pour
63 % des hommes, âgés de plus de 50 ans dans 65 % des cas, alors
qu’ils ne représentent que 48 % de l’ensemble des Français. Le mobilier et
les objets d’art sont plébiscités : trois quarts des acheteurs en ligne
ont déjà obtenu au moins un objet de ce type.
Un
marché très concentré sur les premières maisons de ventes
Plus de 75 % des montants d’adjudications ont été
obtenus par les 20 premières maisons de ventes, contre 68 % en 2020 et
34 % en 2019. Les cinq premiers établissements français représentent même
49,3 % du montant total adjugé, en hausse de 6,6 % sur deux ans. Dans
le secteur art et objets de collection, les 4 % des maisons réalisant le
plus grand chiffre d’affaires constituent 61 % du montant total des ventes
du pays.
Dans
le classement des maisons, l’établissement spécialisé dans la vente de
véhicules d’occasion Alcopa Auction s’est emparé l’an dernier de la première
place, avec 517 millions d’euros de montants adjugés. Ancien leader du
classement, BCAuto Enchères se retrouve deuxième en 2021, avec 492 millions
d’euros. Sotheby’s France, spécialisé dans le secteur art et objets de
collection, complète le podium avec 338 millions d’euros.
On
observe d’ailleurs une prédominance des filiales françaises de sociétés
internationales dans le classement. Six d’entre elles réalisent 46 % du
montant total d’adjudications en France, contre 40 % en 2020 et 42 %
en 2019.
Une
progression presque partout sur le territoire
Cette concentration a aussi un critère géographique. Sur
les 427 maisons de ventes, 102 sont situées à Paris, 47 en Île-de-France hors
Paris, et 278 ailleurs en France. La hausse du montant des ventes aux enchères
s’observe dans toutes les régions françaises. La région capitale demeure
néanmoins largement en tête des parts de marché avec 2,57 milliards d’euros
tous secteurs confondus, pour 64 % du montant des ventes. La Bretagne,
deuxième, est loin derrière avec 341 millions d’euros (8,4 %).
L’Île-de-France distance d’ailleurs cette année encore un peu plus les autres
régions : le total adjugé par les opérateurs franciliens est en hausse de
51 % par rapport à l’année précédente. C’est la deuxième plus forte
progression au niveau régional après le Grand Est (+84 %), et avant les Pays
de la Loire (+46 %).
« Après la sidération de l’année pandémique, le
retournement de situation aura été aussi spectaculaire qu’inattendu. Un
renversement de tendance qui propulse tous les secteurs des enchères au-delà de
leurs performances de 2019 », se
réjouit le CVV.
La
spécialité art et objets de collection compte 220 maisons, soit plus de la
moitié des établissements du pays (néanmoins en baisse de 7 % par rapport
à 2020). Suivent les maisons de ventes généralistes au nombre de 117. 30
appartiennent au secteur véhicules d’occasion et matériel industriel. La
répartition des maisons de ventes aux enchères par secteur sur cinq ans ne
connaît que peu d’évolutions.

Le
marché français s’internationalise
Le
montant adjugé à des acheteurs étrangers s’est quant à lui envolé à 1,3
milliard d’euros en 2021, un chiffre historiquement élevé, en hausse de
61 %, et qui confirme l’internationalisation du marché français. 32 %
des biens adjugés l’ont été à des acheteurs étrangers. Le domaine art et objets
de collection est le plus prisé, avec 59 % de la valeur des ventes, alors
que ce secteur représente 46 % du montant total des enchères volontaires.
Au contraire, les ventes du domaine véhicules de collection et matériel
industriel, qui représentent 49 % du montant total, sont adjugées à
32 % à des acheteurs étrangers.
En ce
qui concerne le montant des biens mis en vente, 11 % d’entre eux l’ont été
par des non-Français, ce qui représente 455 millions d’euros l’an dernier
(+13 %). « La France reste donc un grenier, pas un pays de transit »,
a assuré le Conseil des ventes.
Un marché de l’art dans une forme historique, en France
comme dans le monde
Du
côté des ventes aux enchères du secteur art et objets de collection, le montant
adjugé dans le monde s’élève à 31 milliards d’euros, un record historique après
trois années consécutives de contraction du marché. Le produit mondial de
ventes augmente de 51,3 % par rapport à 2020, année où la pandémie avait
mis un coup d’arrêt brutal. Au cours de la dernière décennie, le marché
enregistre sa cinquième hausse, fluctuant ainsi entre années de croissance et
de décroissance, suivant les tendances de l’économie générale. Le dynamisme de
l’année 2021 s’accompagne d’une progression du nombre de maisons de ventes
actives, au nombre de 3 097 sur le secteur. Le top 3 des maisons est
par ailleurs composé de deux établissements spécialisés dans l’art : la
multinationale américaine Sotheby’s, déjà leader l’an dernier et qui conserve
sa place avec 4,9 milliards d’euros de produit des ventes, et la maison
chinoise Poly International Auction, troisième avec 1,3 milliard d’euros. Le
podium est complété par l’établissement britannique généraliste Christie’s
(deuxième avec 4,6 milliards d’euros).
Avec
2,25 milliards d’euros de produit des ventes, la France consolide sa position
au 4e rang mondial avec 7 % de part de marché, un chiffre
similaire à celui des deux années antérieures. La place de Paris parvient
d’ailleurs, comme les années précédentes, à mettre une maison de ventes dans le
top 20 mondial. Artcurial est en effet 19e du classement avec
160 millions d’euros de total adjugé. Avec une baisse de 17 % par rapport
à 2019, elle perd trois places dans le classement en deux ans.
Les
États-Unis retrouvent leur place de leader (36 %) au détriment de la Chine
(32 %). Le pays de l’oncle Sam atteint un montant de ventes historique de
11,1 milliards d’euros grâce à une progression importante de 69 % sur un
an. Le marché de la Chine, bien qu’en retrait par rapport à son concurrent
principal, devient « plus mature », selon Henri Paul. Le Royaume-Uni est
la troisième place mondiale, mais sa part dans le montant total s’infléchit
très légèrement, avec 12 % contre 13 % en 2020. Ces trois zones du
marché représentent donc à elles seules 80 % du produit mondial des
ventes.
La
France s’affirme comme place forte sur le continent européen avec 26 %,
contre 24 % en 2020. L’augmentation des ventes entre 2020 et 2021 est de
17 points supérieurs pour la France (+54 %) par rapport au Royaume-Uni
(+37 %). « La France bénéficie, je crois, des effets du Brexit »,
estime le président du CVV.
En 2021, 342 établissements opèrent
dans le secteur art et objets de collection, dont 220 considérées comme
spécialisées. Parmi ces dernières, 80 % voient leur produit d’adjudication
augmenter cette année, contre 45 % en 2020. Le montant moyen adjugé par
maison de ventes est en forte hausse, passant en un an de 6,8 millions d’euros
à plus de 10 millions d’euros. Presque tous les segments de marché du secteur
connaissent une progression importante. Le segment arts et antiquités, en
hausse de 71 % par rapport à 2020 (et de 23 % par rapport à 2019),
atteint le plus haut montant d’adjudications de son histoire, avec un résultat
de 1,23 milliard d’euros, et représente maintenant les deux tiers du chiffre de
ventes du secteur. Le mobilier et les objets d’art sont tout particulièrement
appréciés, prenant par ailleurs la tête des ventes avec 278 millions d’euros,
devançant pour la première fois l’art d’après-guerre et contemporain. Les
tableaux et structures impressionnistes ou modernes ont également été en vogue
l’an dernier.
Les
véhicules d’occasion continuent de séduire
Le
marché des véhicules d’occasion et de matériel industriel est en forme. En
2021, le montant total des ventes s’élève au plus haut niveau historique de
1,96 milliard d’euros, en hausse de 21 % par rapport à 2019. Depuis dix
ans, la croissance annuelle est s’avère de +7,2 %. Une dynamique qui
s’explique notamment par la multiplication de ses ventes dématérialisées. Le
secteur avait été l’un des premiers à anticiper le virage numérique, d’après le
Conseil des ventes. L’autre facteur de cette forte hausse concerne la
raréfaction des véhicules neufs dans l’année, entraînée par le manque de pièces
électroniques disponibles pour les usines des constructeurs européens,
notamment en provenance de Chine. Dans ce contexte, le prix de vente des
véhicules a augmenté. Le secteur s’est par ailleurs considérablement concentré
depuis plus de cinq ans. Au sein de ce secteur, le segment des véhicules
d’occasion représente 94 % du total (1,84 milliard d’euros), les 6 %
restants étant attribués au matériel industriel, pour une répartition stable
depuis 2019. Ce marché très concurrentiel est très concentré et dominé par des
acteurs professionnels. Les quatre premiers acteurs représentent 83 % des
ventes. Cela s’explique par les performances demandées par les grands fournisseurs
aux maisons de ventes. Une majorité des véhicules mis aux enchères fonctionnent
au diesel, mais cette part a tendance à décroître sous l’effet de l’attention
grandissante des consommateurs à leur impact environnemental.
Le
segment matériel industriel est lui aussi en forte progression, avec une hausse
de 39 % sur un an. L’une des raisons de cette forte hausse est peut-être
l’impact de la pénurie de matériaux de construction sur le secteur BTP. Le
Conseil des ventes note que le volume de matériels proposé aux enchères est
corrélé à sa santé : « Lorsque l’activité de construction reste
soutenue, les sociétés de travaux conservent leurs équipements et matériaux, ce
qui limite l’offre de biens aux enchères. »
Les
chevaux ont le vent en poupe
« De course, de sport ou de loisirs, les chevaux ont été
les grandes vedettes de 2021 », note
le Conseil des ventes. Leur marché se porte très bien. Tout au long de 2021,
une clientèle internationale s’est pressée dans les salles de ventes françaises
pour acquérir des chevaux de plus en plus nombreux aux enchères, toutes races
et disciplines confondues. Il en résulte un chiffre historique pour cette
année : 210 millions d’euros, contre 186 millions pour le précédent record
en 2019. La Normandie pilote ce marché dominé par la vente de chevaux de course
pur-sang dans un contexte de très forte reprise du marché mondial.
Les
ventes de biens neufs encore faibles, mais en augmentation
Un
nouveau marché semble en pleine progression : les ventes de biens neufs,
constitués en majorité de stocks de magasins de vêtements, de mercerie,
d’électroménager, de téléphones portables et d’appareils photo. Ces ventes ne
concernent qu’une minorité de maisons, mais leur nombre est en forte progression,
passant d’une dizaine en 2020 à 25 en 2021. Le montant généré l’année dernière
atteint 16,4 millions d’euros, en progression de 62 % par rapport à 2019.
Ce secteur reste néanmoins embryonnaire en France, où il ne représente que
0,4 % du montant total adjugé. Le nouvel opérateur volontaire ADN Enchères
est le leader du domaine. Il y possède une part de marché de 37 % (61,1
millions d’euros). Une tendance qu’il faudra également surveiller.
Alexis Duvauchelle