La profession a communiqué plus
de 3 000 déclarations de soupçons, loin devant les casinos et clubs de
jeux.
Mi-avril, le service de
renseignement financier Tracfin a publié son bilan annuel d’activité
déclarative des 48 professions assujetties à la lutte contre le blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Premier constat, le
nombre de signalements de ces professions financières et non-financières en
2023 est en hausse de 15 % par rapport à 2022, avec 186 556
signalements relatifs à des opérations financières suspectes.
Mais si le secteur financier reste
le principal contributeur de déclarations de soupçon aussi bien France que chez
nos voisins européens, du côté des professions non financières, on constate une
augmentation de 8 % des déclarations par rapport à 2022. Un « accroissement
dû à une intensification de la pratique déclarative pour trois professions en
particulier » résume le rapport, dont les notaires, pour qui la hausse
atteint 21,4 %.
Non seulement le notariat
arrive en tête des professions non-financières sur les déclarations de soupçon,
puisque la profession en a communiqué pas moins de 3 242, loin devant les
casinos et clubs de jeux (en seconde position avec 2 179 déclarations).
Mais elle est aussi la
meilleure élève parmi les professions libérales non-financières, et creuse le
fossé avec les avocats qui arrivent bons derniers (8 déclarations transmises),
les commissaires aux comptes et commissaires de justice (respectivement 128 et 248)
ou encore les greffes de tribunal de commerce (1 431 déclarations).
Un écart qui s’explique
notamment par des secteurs considérés moins à risques vis-à-vis du blanchiment
d’argent.
Les avocats sont loin derrière les notaires dans le classement des contributeurs de déclarations (source : Tracfin)
Rappelons que ces déclarations
sont établies par les professions « en cas de comportements ou de
mouvements financiers suspects » en lien avec la réglementation
anti-blanchiment et de financement du terrorisme « LCB-FT », afin de
permettre à Tracfin « d’identifier et analyser les circuits financiers
clandestins, constitu[a]nt la base de son travail », comme le souligne
Tracfin.
L’immobilier,
secteur majeur des déclarations des notaires
Principaux déclarants des
professions non-financières, les notaires représentent donc 28 % de ces
déclarations qui ont pour la majorité concerné un secteur en particulier :
l’immobilier.
En effet, le secteur de l’immobilier,
considéré comme secteur à risque global élevé de par sa propension au
blanchiment d’argent, selon la dernière analyse nationale des risques
(ANR), représente un tiers des déclarations de soupçon de ces entreprises non
financières, et plus « précisément les acquisitions résidentielles,
réduisant l’immobilier tertiaire à une part congrue des informations transmises
alors que des risques de blanchiment des capitaux existent également sur ce
segment. Des risques existent aussi sur les autres opérations où un notaire
peut intervenir (comme les successions, les prêts, les cessions de parts
sociales ou encore les constitutions de société) et sur lesquelles peu de
déclarations sont effectuées » ajoute le rapport.
Une tendance également à la
hausse chez les professionnels de l’immobilier (agences immobilières,
négociateurs, mandataires, etc.) qui représentent 4,4 % du flux déclaratif
des entreprises non-financières, puisque qu’en 2023, ceux-ci ont transmis 505
déclarations de soupçon, dont 180 rien qu’en Île-de-France, contre 440 en 2022,
et 341 en 2021. D’après le rapport, les déclarations « se concentrent
essentiellement sur des biens immobiliers résidentiels », dont les
critères d’alerte portent principalement sur l’absence de prêt dans deux tiers
des déclarations, ou sur l’origine des fonds.
Mais bien qu’en augmentation,
le chiffre « reste cependant en deçà de ce qui pourrait être attendu au
vu du nombre de transactions enregistrées sur le marché immobilier »,
avec 1,3 million de transactions immobilières en 2022 selon le Conseil
supérieur du notariat.
Une disparité géographique de
déclarations
Autre donnée intéressante
issue de ce rapport Tracfin, la répartition géographique des études ayant
transmis des déclarations de soupçon. Le bilan pointe « une forte
disparité géographique » identifiée les années précédentes « qui
persiste ». En effet, « 56 départements ont transmis moins de
10 déclarations de soupçon, alors que les notaires situés dans 9 départements
représentent la moitié des déclarations de la profession » souligne le
rapport. Le département des Alpes-Maritimes est devenu le premier
contributeur de déclarations de soupçon, dépassant ainsi Paris « pour
la première fois. »
Mais si le nombre de
déclarations envoyées par les notaires est à la hausse pour 2023, le nombre
d’études déclarantes avoisine celui de 2022, traduisant de fait une
augmentation du nombre moyen de déclarations de soupçon envoyées par étude. En
outre, « 25 % des études ayant transmis une déclaration en 2023 l’ont
fait pour la première fois » indique le rapport, « soit une
baisse de 5 points de la primo-déclaration par rapport à 2022 ».
Par ailleurs, le rapport intègre
une carte des répartitions géographiques indiquant le taux des transactions
immobilières conclues par région, et le taux des biens faisant l’objet d’une
déclaration de soupçon depuis la mise en place du nouveau formulaire Ermes
déployé pour les notaires qui « permet d’avoir des données de meilleure
qualité et d’effectuer une analyse plus fine des déclarations reçues (…) et d’approfondir
l’étude géographique des déclarations reçues ».
La carte révèle ainsi que l’Île-de-France
représente 27 % des déclarations nationales alors même que 14 % des
transactions immobilières y sont concentrées, à l’instar de « la région
PACA [qui] représente 10 % des transactions et fait l’objet de 23 % des
déclarations de soupçon ». À l’inverse, en Bretagne et en Pays de la Loire
notamment, ce sont respectivement 6 et 7 % de transactions immobilières nationales
qui y sont concentrées, pour seulement 1 % de déclarations de soupçon.
Et si le formulaire Ermes est
encore trop récent pour que ses données soient représentatives, son
déploiement final, qui devrait s’achever au second semestre 2024, permettra à
Tracfin « d’obtenir des données structurées afin de mener plus
efficacement [d]es missions d’analyse stratégique et opérationnelle, et ainsi
de mieux traiter le flux grandissant d’informations reçues ».
Allison
Vaslin