Coïncidence
ou choix délibéré de l’auteur, le nouvel ouvrage de Jean-Luc Chartier, avocat à
la Cour, arrive à point nommé pour la célébration des 400 ans de la
naissance de Jean Domat (1625-1696).
Né le 30 novembre 1625 à
Clermont-Ferrand, Domat constitue une figure emblématique de la magistrature, un
juriste-consulte incontournable dans l’établissement du droit français. L’étude
de sa vie et de son œuvre vient compléter la collection constituée par l’auteur
sur l’historiographie des grands juristes*.
Source mal connue des
praticiens du droit, magistrats et avocats, mais référence inévitable et de
rigueur des professeurs de facultés – à telle enseigne que l’institut d’études judiciaires
de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne porte son illustre nom – Domat mérite
une lecture attentive.
L’influence du
juriste-consulte a imprégné la genèse du droit français dont l’aboutissement
est le Code civil, aujourd’hui bien bouleversé. Domat, sensible à l’École du
droit naturel, se souciait de cette « raison » qui hantera la pensée
française pendant deux siècles.

Jean-Luc A. Chartier
Ami proche de Blaise Pascal
dont il était camarade de collège et, comme lui, janséniste, il est décrit par
Boileau comme le « restaurateur de la raison dans la jurisprudence ».
C’est inspiré par son enseignement, que le chancelier d’Aguesseau entreprit son
travail de codification et fixa ses trois grandes ordonnances (1731-1735-1747).
Selon Domat, dans ses Lois civiles dans leur ordre naturel
(1689-1694), l’état de société suscite des engagements, déterminés par les
liens du mariage et de la naissance : le principe des lois humaines est,
selon lui, fondé sur l’amour prescrit par Dieu ; tous les autres contrats
résultent du commerce et de l’économie ou de l’usage des choses.
Or, des forces hostiles se
dressent parmi les hommes : crimes et délits, guerres, opposés au
fondement naturel de l’ordre, à savoir l’autorité légitime conférée par Dieu au
gouvernement d’un État.
Pour Domat, il existe deux
sortes de lois. Les unes, immuables et naturelles – car gravées dans la
conscience – sont justes toujours et partout. Les autres sont
« arbitraires », établies pour des utilités particulières qui peuvent
varier. Les lois arbitraires règlent les conflits entre les lois immuables
(ordre successoral, âge de la majorité, délais, etc.), et elles déterminent les
usages sociaux d’une époque (régime féodal, notion de bien meuble, etc.).
Domat se révèle ainsi, le
tout premier philosophe du droit dont Hegel sera l’héritier en 1821. « Nul droit sans philosophie » ainsi
que l’écrira Christian Atias dans sa Philosophie
du droit (PUF 1999).
Myriam
de Montis
* Après ses études sur Cujas, l’Oracle du droit et de la jurisprudence, préfacé par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil
constitutionnel (LexisNexis
2016) ; Loisel, Avocat du Roi, préfacé par Yves Gaudemet, membre de l’Institut (LexisNexis
2019) ; et le Chancelier d’Aguesseau,
Chancelier de France (Les Presses du
Languedoc 1989 ), Grand Prix Gobert de l’Académie française ; Jean-Luc
Chartier a complété ses travaux par Portalis,
Père du Code civil, préfacé par Jean Tulard, membre de l’Institut (Fayard
2004), couronnant le bicentenaire du Code civil de Napoléon de 1804 ; et Le Chancelier de Maupeau préfacé par Jean Foyer, Garde des Sceaux du
Général de Gaulle, (Fayard
2009).