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« Domat - Le précurseur du Code civil », une plongée dans l'univers du tout premier philosophe du droit

 « Domat - Le précurseur du Code civil », une plongée dans l'univers du tout premier philosophe du droit
Jean Domat (1625-1696). DR Gallica
Publié le 22/03/2025 à 10:30

Coïncidence ou choix délibéré de l’auteur, le nouvel ouvrage de Jean-Luc Chartier, avocat à la Cour, arrive à point nommé pour la célébration des 400 ans de la naissance de Jean Domat (1625-1696).

Né le 30 novembre 1625 à Clermont-Ferrand, Domat constitue une figure emblématique de la magistrature, un juriste-consulte incontournable dans l’établissement du droit français. L’étude de sa vie et de son œuvre vient compléter la collection constituée par l’auteur sur l’historiographie des grands juristes*.

Source mal connue des praticiens du droit, magistrats et avocats, mais référence inévitable et de rigueur des professeurs de facultés – à telle enseigne que l’institut d’études judiciaires de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne porte son illustre nom – Domat mérite une lecture attentive.

L’influence du juriste-consulte a imprégné la genèse du droit français dont l’aboutissement est le Code civil, aujourd’hui bien bouleversé. Domat, sensible à l’École du droit naturel, se souciait de cette « raison » qui hantera la pensée française pendant deux siècles.


Jean-Luc A. Chartier

Ami proche de Blaise Pascal dont il était camarade de collège et, comme lui, janséniste, il est décrit par Boileau comme le « restaurateur de la raison dans la jurisprudence ». C’est inspiré par son enseignement, que le chancelier d’Aguesseau entreprit son travail de codification et fixa ses trois grandes ordonnances (1731-1735-1747).

Selon Domat, dans ses Lois civiles dans leur ordre naturel (1689-1694), l’état de société suscite des engagements, déterminés par les liens du mariage et de la naissance : le principe des lois humaines est, selon lui, fondé sur l’amour prescrit par Dieu ; tous les autres contrats résultent du commerce et de l’économie ou de l’usage des choses.

Or, des forces hostiles se dressent parmi les hommes : crimes et délits, guerres, opposés au fondement naturel de l’ordre, à savoir l’autorité légitime conférée par Dieu au gouvernement d’un État.

Pour Domat, il existe deux sortes de lois. Les unes, immuables et naturelles – car gravées dans la conscience – sont justes toujours et partout. Les autres sont « arbitraires », établies pour des utilités particulières qui peuvent varier. Les lois arbitraires règlent les conflits entre les lois immuables (ordre successoral, âge de la majorité, délais, etc.), et elles déterminent les usages sociaux d’une époque (régime féodal, notion de bien meuble, etc.).

Domat se révèle ainsi, le tout premier philosophe du droit dont Hegel sera l’héritier en 1821. « Nul droit sans philosophie » ainsi que l’écrira Christian Atias dans sa Philosophie du droit (PUF 1999).

Myriam de Montis

* Après ses études sur Cujas, l’Oracle du droit et de la jurisprudence, préfacé par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel (LexisNexis 2016) ; Loisel, Avocat du Roi, préfacé par Yves Gaudemet, membre de l’Institut (LexisNexis 2019) ; et le Chancelier d’Aguesseau, Chancelier de France (Les Presses du Languedoc 1989 ), Grand Prix Gobert de l’Académie française ; Jean-Luc Chartier a complété ses travaux par Portalis, Père du Code civil, préfacé par Jean Tulard, membre de l’Institut (Fayard 2004), couronnant le bicentenaire du Code civil de Napoléon de 1804 ; et Le Chancelier de Maupeau préfacé par Jean Foyer, Garde des Sceaux du Général de Gaulle, (Fayard 2009).

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