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DOSSIER. Défaillances d’entreprises : l’immobilier inquiète

DOSSIER. Défaillances d’entreprises : l’immobilier inquiète
Le nombre de transactions chute depuis 2022, et s’établit aujourd’hui à environ 65 000 mensuelles
Publié le 08/09/2024 à 10:00

Défaillances d’entreprises : au cœur du réacteur

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Si les défaillances augmentent depuis 2022, tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. L’immobilier fait partie des domaines d’activité préoccupants selon les analystes, mais d’autres posent aussi question.

Après le boom immobilier, le crash immobilier ? On n’en est pas encore là, mais après des années florissantes, l’immobilier fait partie des secteurs les plus touchés par la hausse des défaillances, avec plus de 16 000 entre juillet 2023 et août 2024, selon le groupe bancaire BPCE.

Le secteur est ébranlé par un certain nombre de facteurs conjoncturels, en premier lieu la hausse du taux d’intérêt, qui a augmenté le coût du crédit, et donc rendu l’accès à la propriété plus compliqué pour les ménages. « Les défaillances d'agences immobilières sont extrêmement corrélées à l’acquisition dans l'ancien », observe Julien Laugier, économiste du groupe bancaire BPCE, qui note que le nombre de transactions chute depuis 2022, et s’établit aujourd’hui à environ 65 000 mensuelles. Le nombre d’agences immobilières s’étant fortement accru, certains analystes expliquent que les plus récentes, moins bien préparées, tombent en plus grand nombre.

Outre les agences immobilières (1944 défaillances), la promotion privée est également touchée, de même que la construction et le bâtiment, pris en tenaille entre une baisse de la demande (hausse des taux, stagnation du pouvoir d’achat, baisse des rénovations) et une hausse des coûts. La défaillance des sous-traitants constructeurs peut d’ailleurs avoir un effet sur les défaillances des promoteurs. Même si François Desprats, président du CNAJMJ, relativise en rappelant que dans la construction, il y a structurellement un fort taux de défaillances, certains entrepreneurs lançant une activité sans toutes les compétences nécessaires.

Par ricochet, la fabrication de meubles est aussi fragilisée. Même des études notariales se retrouvent en difficulté. Quant à l’immobilier de bureau, il souffre des nouvelles formes de travail.

Un manque d’anticipation

Pour Emile Karam, cofondateur de la société de service de garantie GarantMe, cette hausse des défaillances est aussi le révélateur d’un manque de préparation des agences immobilières. « Toute société pour être résiliente doit être diversifiée, donc, dans le cas des agences immobilières, faire de la transaction, qui assure de gros paniers sans récurrence, et du syndic ou de la gestion locative, qui assurent des revenus récurrents mais avec de plus petits paniers. Il faut donc s’organiser pour en tirer profit, et mettre en place des processus d’optimisation des coûts ».

Or, de nombreuses agences immobilières, en premier lieu des agences indépendantes, puis dans une moindre mesure des agences franchisées, n’ont pas mis en place ces procédures de diversification et d’optimisation, ni formalisé leurs processus commerciaux et de relation client, qui leur auraient permis de résister pendant la crise. Cela est resté indolore tant que l’immobilier était si florissant que les agences vendaient ou louaient presque sans effort en un temps record.

Quand les achats ont diminué, les agences qui vivaient essentiellement de transactions se sont donc retrouvées en difficulté, alors que la gestion locative résistait forcément mieux, le logement restant un besoin primaire. Or, une diversification du modèle est coûteuse en temps et en énergie, et il est compliqué de s’y lancer quand on est déjà au bord du défaut de paiement. Selon Emile Karam, « Le secteur immobilier innove en décalage de phase par rapport à d'autres. Il est moins réactif à l'innovation que d’autres secteurs ».

Les autres secteurs touchés

Si l’immobilier et la construction sont souvent cités, d’autres secteurs sont aussi dans une position difficile. Essentiellement dans le BtoC, qui fait face à un ralentissement de la consommation des ménages, et qui doit, selon Julien Laugier, « composer avec une baisse du taux de marge ces dernières années, alors que sur l’industrie manufacturière et l’énergie, on constate une augmentation du taux de marge ces dernières années ».

Cela concerne notamment le commerce, à commencer par la grande consommation et l’alimentaire, dont certains secteurs ont profité des confinements (les magasins et artisans alimentaires de proximité), mais qui ont du mal à résister à la concurrence moins chère face à l’accélération de l’inflation.

Les activités financières et d’assurance, affectées par la baisse de l’immobilier, le transport routier, qui pâtit d’une moindre consommation de biens des ménages, les activités scientifiques, partiellement liées à la construction, sont aussi fragilisés par les défaillances. L’ensemble de l’hébergement restauration - secteur habituellement fragile - et de l’automobile sont aussi en relative baisse. « Nous enregistrons au mois de juillet une augmentation des demandes pour des opérations de restructuring dans le secteur de l'automobile », confirme Christophe Caro, associé du cabinet de management de transition Delville Management. Parmi les causes avancées par ce dernier, certains constructeurs automobiles qui n’achètent plus en France, mais aussi les incertitudes autour du moteur électrique et un besoin de restructuration des acteurs traditionnels face à cette évolution culturelle. Le manager voit également une hausse des demandes dans le tourisme. Le retail est aussi destabilisé, de par l’évolution des modes de consommation, qui favorisent internet, le très bas de gamme ou au contraire le luxe et l’éthique, et délaissent le moyen de gamme.

Et si le secteur de la santé est aujourd’hui réputé résilient, Paul Lederlin, expert-comptable et associé du cabinet Eight Advisory, voit pourtant arriver les sollicitations de ce secteur, Ehpad, centres dentaires et laboratoires d’analyse médicale en tête.

Aude David

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