Si les défaillances
augmentent depuis 2022, tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne.
L’immobilier fait partie des domaines d’activité préoccupants selon les
analystes, mais d’autres posent aussi question.
Après le boom immobilier, le
crash immobilier ? On n’en est pas encore là, mais après des années
florissantes, l’immobilier fait partie des secteurs les plus touchés par la
hausse des défaillances, avec plus de 16 000 entre juillet 2023 et août
2024, selon le groupe bancaire BPCE.
Le secteur est ébranlé par un
certain nombre de facteurs conjoncturels, en premier lieu la hausse du taux
d’intérêt, qui a augmenté le coût du crédit, et donc rendu l’accès à la
propriété plus compliqué pour les ménages. « Les défaillances d'agences immobilières sont
extrêmement corrélées à l’acquisition dans l'ancien », observe Julien
Laugier, économiste du groupe bancaire BPCE, qui note que le nombre de
transactions chute depuis 2022, et s’établit aujourd’hui à environ 65 000
mensuelles. Le nombre d’agences immobilières s’étant fortement accru, certains
analystes expliquent que les plus
récentes, moins bien préparées, tombent en plus grand nombre.
Outre les agences
immobilières (1944 défaillances), la promotion privée est également touchée, de
même que la construction et le bâtiment, pris en tenaille entre une baisse de
la demande (hausse des taux, stagnation du pouvoir d’achat, baisse des
rénovations) et une hausse des coûts. La défaillance des sous-traitants
constructeurs peut d’ailleurs avoir un effet sur les défaillances des
promoteurs. Même si François Desprats, président du CNAJMJ, relativise en
rappelant que dans la construction, il y a structurellement un fort taux de
défaillances, certains entrepreneurs lançant une activité sans toutes les
compétences nécessaires.
Par ricochet, la fabrication
de meubles est aussi fragilisée. Même des études notariales se retrouvent en
difficulté. Quant à l’immobilier de bureau, il souffre des nouvelles formes de
travail.
Un manque d’anticipation
Pour Emile Karam, cofondateur
de la société de service de garantie GarantMe, cette hausse des défaillances est
aussi le révélateur d’un manque de préparation des agences immobilières.
« Toute société pour être résiliente doit être diversifiée, donc, dans
le cas des agences immobilières, faire de la transaction, qui assure de gros
paniers sans récurrence, et du syndic ou de la gestion locative, qui assurent
des revenus récurrents mais avec de plus petits paniers. Il faut donc
s’organiser pour en tirer profit, et mettre en place des processus
d’optimisation des coûts ».
Or, de nombreuses agences
immobilières, en premier lieu des agences indépendantes, puis dans une moindre
mesure des agences franchisées, n’ont pas mis en place ces procédures de
diversification et d’optimisation, ni formalisé leurs processus commerciaux et
de relation client, qui leur auraient permis de résister pendant la crise. Cela
est resté indolore tant que l’immobilier était si florissant que les agences
vendaient ou louaient presque sans effort en un temps record.
Quand les achats ont diminué,
les agences qui vivaient essentiellement de transactions se sont donc
retrouvées en difficulté, alors que la gestion locative résistait forcément
mieux, le logement restant un besoin primaire. Or, une diversification du
modèle est coûteuse en temps et en énergie, et il est compliqué de s’y lancer
quand on est déjà au bord du défaut de paiement. Selon Emile Karam, « Le
secteur immobilier innove en décalage de phase par rapport à d'autres. Il est
moins réactif à l'innovation que d’autres secteurs ».
Les autres secteurs touchés
Si l’immobilier et la
construction sont souvent cités, d’autres secteurs sont aussi dans une position
difficile. Essentiellement dans le BtoC, qui fait face à un ralentissement de
la consommation des ménages, et qui doit, selon Julien Laugier, « composer
avec une baisse du taux de marge ces dernières années, alors que sur
l’industrie manufacturière et l’énergie, on constate une augmentation du taux
de marge ces dernières années ».
Cela concerne notamment le
commerce, à commencer par la grande consommation et l’alimentaire, dont
certains secteurs ont profité des confinements (les magasins et artisans
alimentaires de proximité), mais qui ont du mal à résister à la concurrence
moins chère face à l’accélération de l’inflation.
Les activités financières et
d’assurance, affectées par la baisse de l’immobilier, le transport routier, qui
pâtit d’une moindre consommation de biens des ménages, les activités
scientifiques, partiellement liées à la construction, sont aussi fragilisés par
les défaillances. L’ensemble de l’hébergement restauration - secteur
habituellement fragile - et de l’automobile sont aussi en relative baisse.
« Nous enregistrons au mois de juillet une augmentation des demandes
pour des opérations de restructuring dans le secteur de l'automobile »,
confirme Christophe Caro, associé du cabinet de management de transition
Delville Management. Parmi les causes avancées par ce dernier, certains
constructeurs automobiles qui n’achètent plus en France, mais aussi les
incertitudes autour du moteur électrique et un besoin de restructuration des
acteurs traditionnels face à cette évolution culturelle. Le manager voit
également une hausse des demandes dans le tourisme. Le retail est aussi destabilisé,
de par l’évolution des modes de consommation, qui favorisent internet, le très
bas de gamme ou au contraire le luxe et l’éthique, et délaissent le moyen de
gamme.
Et si le secteur de la santé est
aujourd’hui réputé résilient, Paul Lederlin, expert-comptable et associé du
cabinet Eight Advisory, voit pourtant arriver les sollicitations de ce secteur,
Ehpad, centres dentaires et laboratoires d’analyse médicale en tête.
Aude
David