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DOSSIER. Vivre une défaillance : si j’avais su, je m’y serais pris plus tôt

DOSSIER. Vivre une défaillance : si j’avais su, je m’y serais pris plus tôt
Plusieurs dizaines de milliers d’entrepreneurs font défaut chaque année
Publié le 06/09/2024 à 10:00

 

Défaillances d’entreprises : au cœur du réacteur

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-         Vivre une défaillance : si j’avais su, je m’y serais pris plus tôt

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En 2023, 55 000 défaillances ont été enregistrées en France. Pas suffisamment connue, entourée de préjugés, cette étape est souvent mal vécue. Mieux anticipée, elle peut pourtant être utile aux entreprises. Quatre entrepreneurs et des professionnels de la restructuration témoignent.

« C’est un soulagement, je n’ai plus d’insomnie », témoigne Caroline Liby après la liquidation judiciaire avec cessation des actifs de son entreprise, Appart & Sens, en 2024. Comme elle, plusieurs dizaines de milliers d’entrepreneurs font défaut chaque année et doivent déposer une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce, entraînant soit un redressement judiciaire, afin d’essayer de sauver l’entreprise, soit une liquidation judiciaire.

Pourtant, pour les entrepreneurs interrogés, les difficultés initiales sont gérables. Geoffrey* mène son entreprise d’emballage dans l’Allier depuis 33 ans, « un bassin faiblement porteur, où le tissu industriel n’est pas très dense », alors que son activité ne permet pas de vendre trop loin du site de production. Il finit par gagner un client principal qui assure 35 % de son chiffre d’affaires et 55 % de sa marge. Marc* lance en 2016 un média sur des thématique sociales et solidaires, compliqué à financer, suivi d’une agence de communication. Le chiffre d’affaires augmente régulièrement, malgré un climat économique agité, passant de 200 000 euros en 2018 à 250 000 en 2019.

Caroline Liby explique que son agence immobilière, ouverte en 2016 en région lyonnaise, est la première à se positionner en agence responsable et doit donc consacrer un budget pour se faire connaître. Comme dans l’immobilier, la constitution d’un portefeuille est longue, elle lance en parallèle pour générer de la trésorerie une seconde activité, d’investissement social via notamment le PLS, le prêt locatif social. La cheffe d’entreprise assure que « cela a bien marché au démarrage », elle recrute trois salariés. Babymoov, société de produits de puériculture fondé à Clermont-Ferrand, 130 salariés, fête ses 20 ans en 2017, en déficit d’un million d’euros pour un chiffre d’affaires de 50 millions, mais en développement à l’international.

Surviennent des chocs. Geoffrey perd son plus gros client. Alors qu’elle était bénéficiaire en 2018, l’entreprise de Marc est déficitaire en 2019 de 8 000 euros, parce qu’il a lancé des investissements. Puis le Covid suspend tous les budgets communication. Quant à Caroline Liby, le PLS sur lequel se base son activité d’investissement doit respecter le taux d’usure, en étant légalement adossé au livret A… Qui dépasse le taux d’usure.  « Cela a planté pas mal de dossiers ». Du côté de Babymoov, un refus de prêt d’investissement des banques, car les ratios financiers sont mauvais, met à mal la situation financière. « On ne se rendait pas compte que la gestion de la société n’était pas assez précise. On devait vraiment se remettre en cause », se souvient Laurent Windenberger, l’un des trois cofondateurs.

Recherche de solutions

Marc et Geoffrey cherchent des solutions de leur côté : réduction d’effectif, production de palettes, sous-traitance pour Geoffrey. L’équilibre est fragile, les activités restantes sont plus standardisées, et l’entreprise a du mal à être compétitive. Il doit se défaire d’une partie de son stock, ne parvient pas à amortir deux machines refaites à neuf, n’obtient pas les subventions espérées pour se lancer sur un marché plus porteur. Des licenciements pour inaptitude « vident la trésorerie ». Surtout, ses principaux clients, dans l’équipement automobile, la construction et l’équipement de la maison, sont également en difficulté et lui passent moins de commandes.

Marc recourt à un prêt garanti par l’Etat (PGE) de 62 000 euros pour investir dans de nouveaux services. « Cela ne s'est pas passé comme prévu ». Au premier déconfinement, il pense que la situation va repartir, embauche quelques salariés … « Tout a été balayé en octobre 2020 », avec le reconfinement. Il met ses salariés en chômage partiel, fait appel au fonds de solidarité, réduit ses dépenses, prospecte. Les quelques contrats signés ne sont pas suffisants. « A ce moment-là, raconte Marc, je sais que je ne pourrai pas payer le PGE. Ça commence à devenir très difficile au niveau des cotisations Urssaf », même s’il bénéficie de quelques reports de paiement. Le chiffre d’affaires baisse à 160 000 euros.

Unanimement, les experts observent que de nombreux entrepreneurs en cessation des paiements n’ont pas suffisamment anticipé : les difficultés s’accumulent, ils essayent de s’en sortir seuls, ne connaissent pas ou ne veulent pas entreprendre les procédures préventives. Parmi les associés de Caroline Liby, un juge commissaire lui conseille de prendre les devants. Elle contacte un avocat spécialisé dans les procédures collectives, Mohamed Bouzenada, assez tôt pour entamer une conciliation judiciaire en décembre 2022, qui permet de travailler sur un plan d’adossement.

« Casser cette dynamique qui tire vers le bas »

Selon l’avocat Sylvain Paillotin, associé chez Redlink Avocats, plus une entreprise est accompagnée, plus elle a de chances d’anticiper. Laurent Windenberger confirme que chez Babymoov, le coaching d’un actionnaire minoritaire a été primordial. Sylvain Paillotin observe que c’est souvent le cas des start-up, dont les dirigeants sont préparés psychologiquement à l’échec, « veulent préserver l’avenir » et préfèrent fermer tôt pour éviter des conséquences telles que l’interdiction de gérer. Ils ont aussi une culture financière d’anticipation et une sorte de « peur primale » dans un environnement très concurrentiel, qui permet d’avoir « la réactivité suffisante pour se réinventer ».

Les petites entreprises, elles, sont décrites comme souvent moins outillées en interne, moins accompagnées et moins habituées culturellement à anticiper les difficultés. L’expert-comptable Paul Lederlin précise que les grandes entreprises, déjà plus entourées, ont l’obligation de faire intervenir un commissaire aux comptes. Celles en-dessous d’un certain seuil en sont dispensées. « Le but était de baisser les contraintes des petites entreprises. Mais sans le commissaire aux comptes, il y a moins de prévention. Quand celui-ci considère que la société ne sera pas pérenne pour l'exercice à venir, il peut diligenter une procédure d'alerte, solliciter dans un premier temps les actionnaires et, s'il n'y a pas les bonnes réponses, le président du tribunal de commerce ».

Beaucoup d'experts soulignent que deux grandes qualités des entrepreneurs, l’optimisme et la détermination, peuvent se retourner contre eux en cas de difficulté, en virant à l’acharnement. Sylvain Paillotin pointe aussi « un manque de structuration quand les choses vont bien qui permettrait de débrancher avec le moins de dégâts possibles quand cela ne marche pas ».

François Desprat, président du CNAJMJ, Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires, témoigne que, quand les dirigeants sollicitent l’ouverture d’une procédure collective, « certains sont affaiblis moralement et physiquement épuisés. Donc il faut casser cette dynamique qui tire vers le bas. Mais ensuite, c’est un soulagement. Ils ne voient plus les huissiers toutes les semaines parce que les poursuites se sont arrêtées. Mécaniquement, la trésorerie augmente puisqu’on fige le passif. Une trésorerie positive ne se gère pas du tout de la même façon que quand ils courent après l’argent ».

De l’avis général, les relations avec les administrateurs judiciaires sont constructives. Le tout est de se rappeler que ces derniers privilégient à chaque fois « l'offre qui permettra d'assurer la pérennité de l'entreprise, de sauvegarder plus d'emplois, et de désintéresser le plus de créanciers, dans cet ordre de priorité », résume l’investisseuse Delphine Inesta.

Des procédures entre tristesse et soulagement 

Pour Marc comme pour Geoffrey, la situation ne se redresse pas. Leur souhait est d’en finir au plus vite et surtout ne pas laisser d’ardoise à leurs fournisseurs. Marc demande directement au tribunal de commerce une liquidation judiciaire, qui intervient en novembre 2021. L’administrateur prend alors le contrôle de la gestion de l’entreprise pour distribuer le peu qu’il y a sur le compte, même si l’ensemble des dettes ne peut pas être réglé. « J’ai dépensé tellement d’énergie. C’était voué à s’arrêter ». Avec la liquidation judiciaire, il y a « de la tristesse, mais aussi du soulagement ».

Geoffrey, qui n’est pas en août en situation d'impayé mais le sera probablement en septembre (le chiffre d’affaires, passé d’un million d’euros à 760 000 euros, continue de baisser), s’apprête à déposer un dossier suite à un entretien où il découvre la procédure. Il s’attend à une liquidation judiciaire sèche, ne s’opposerait pas à une décision de continuation, mais ne voit pas de perspectives. « Surtout, j'ai perdu un truc essentiel : la motivation. Maintenant, je sais que le moral et l’envie d’entreprendre sont le moteur ».

Caroline Liby est « ultra bien accompagnée par l’administrateur judiciaire, Guillaume Jouet, lors de la procédure de redressement judiciaire ». Cinq offres de reprise arrivent. La frilosité des banques, qui préfèrent faire jouer les énormes contre-garanties de 90 %, propres à l’économie sociale et solidaire, fait aboutir la procédure sur une liquidation judiciaire avec cession des actifs, à un consortium de trois coopératives HLM qui reprend l’ensemble de l’entreprise : marque, portefeuille, équipe, locaux, positionnement… Ce que souhaitait Caroline Liby, qui devient directrice générale salariée. « Côté financier, on sort de l'histoire correctement vis-à-vis des créanciers ». Même s’il faut « repartir de zéro, recréer une entité juridique et tout transférer ».

Chez Babymoov, les banques demandent un mandat ad hoc, et une conciliation bancaire s’ouvre en parallèle. « On ne connaissait pas les affaires spéciales des banques, on est passé de client à paria », caricature Laurent Windenberger. Le bras de fer est éprouvant, d’autant que tout le monde est au courant d’une procédure censée être anonyme. L’entreprise restructure son activité, fait échelonner ses paiements envers l’Etat, engage une nouvelle directrice financière qui apporte de la rigueur. En un an et demi, la société est sortie d’affaires.

Christophe Caro, associé du cabinet de management de transition Delville Management, explique que les managers de transition peuvent être appelés par un administrateur judiciaire ou l’entrepreneur pour intervenir sur la restructuration de dette, la réorganisation de l’activité productive, des équipes… quand l’activité est viable, mais que l’entreprise ne peut plus la financer ou quand elle se contracte, de façon structurelle ou conjoncturelle. Mais aussi pour « un problème de marge, de rentabilité ou une dette disproportionnée pour des sociétés qui restent profitables, mais insuffisamment par rapport à leur dette », selon Paul Lederlin.

« Généralement la restructuration pure financière se fait en amiable », explique Fabrice Dalat, avocat au cabinet Desfilis, l’idée étant de « procéder à la contestation du passif, voir ce qu'on peut apurer ». En redressement judiciaire (hors procédure de classe de partie affectée), les avocats cherchent à obtenir « des abandons partiels de créance par la présentation d’un plan de continuation à plusieurs options, en proposant au créancier par exemple d'accepter un paiement plus rapide, mais avec une un rabais de sa créance, à défaut sa créance sera réglée sur la durée du plan ».

Paul Lederlin attire aussi l’attention sur le fait que « les fonds propres, c'est fondamental ». Laurent Windenberger témoigne d’ailleurs que c’est en puisant dans leurs économies personnelles pour alimenter les fonds propres qu’ils ont convaincu les banquiers d’accorder un prêt à Babymoov.

Un accompagnement pas assez connu

Geoffrey souhaiterait « une cellule de veille accessible aux gens dans [s]a situation pour prendre les décisions qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard. Avec des objectifs chiffrés : si tu ne les atteins pas à telle date, il faut arrêter ». Il est tout de même aidé par le SDI, le syndicat des indépendants.

Avocats, experts-comptables, managers de transition peuvent aider les entrepreneurs avant ou pendant une procédure amiable ou collective. Tous soulignent que plus ils interviennent tôt, plus l’entreprise a des chances de s’en sortir.

Paul Lederlin, associé du cabinet Eight Advisory, est expert-comptable spécialisé dans les situations de crise. Il rappelle comme d’autres que la technicité autour des restructurations augmente, de par l’évolution de la législation et surtout l’augmentation des outils financiers à disposition, certains très subtils à manipuler – comme les récentes cl asses de partie affectées, pour la gestion des créanciers. « En général, l'expert-comptable attitré d’une entreprise sait les difficultés de celle-ci, mais quand il explique le sujet, le chef d'entreprise l'écoute à peine car il lui faut un temps de maturation pour en prendre conscience. Quand moi j'entre avec une procédure amiable, cela peut faire un électrochoc. Mais parfois ça ne suffit pas ».

Selon Sandra Beladjine, administratrice judiciaire et membre du bureau de l’ARE, association pour le retournement d’entreprise, « la prévention s’est vraiment accrue, les banques en font aussi quand on demande un nouveau crédit ». Et il existe des investisseurs spécialisés dans les entreprises en difficulté. Delphine Inesta, qui a cofondé le fonds Arcole, accompagne des entreprises dans certains cas en pertes financières, mais avec un potentiel de rebond sous réserve de mettre en place les actions adéquates : « par exemple, investissement massif dans l'outil de production, mise en œuvre de nouvelles activités, nouveaux produits complémentaires, aide à la digitalisation, ajout au sein de l'équipe de direction existante si besoin, ou encore arrêt des activités déficitaires ». Pas de délocalisation, mais un recentrage sur le cœur de l’activité. 

Pour elle, « la réussite d’un redéploiement, c'est toujours la rencontre entre une activité, un marché et une équipe ».  Un dialogue et une grande confiance entre le dirigeant et les actionnaires est indispensable. « Les enjeux sont cruciaux, l'entreprise ne peut pas gérer en plus une crise de la gouvernance », qui peut précipiter sa chute. Les compétences d’Arcole incluent d’ailleurs « une connaissance des deux côtés de la barrière et nous permet de réunir l’opérationnel et le financier ».

S’il existe de nombreux dispositifs d’aide, plusieurs intervenants affirment qu’ils ne sont pas encore assez connus des entrepreneurs. Pour Jean-Guilhem Daré, délégué général du SDI, « on peut savoir que des dispositifs existent, mais ne pas savoir comment s'y prendre. Ce n’est pas dans la culture des entrepreneurs de se tourner vers le tribunal de commerce, pourtant conçu pour essayer de résoudre les difficultés avant qu'il soit trop tard.  On peut avoir peur de l’aspect financier (combien coûte un administrateur ?), de perdre la gestion de sa boite, d'un engrenage, du côté jugement. Le mot tribunal, psychologiquement, c'est très dur ». Le SDI avait d’ailleurs proposé de remplacer le nom de tribunal de commerce par « maison de la prévention ».

Pour lui, le dispositif Signaux Faibles, mis en place par le ministère de l’Economie, ne fonctionne pas sur les toutes petites entreprises, mais un système équivalent pour elles lui semblerait une bonne idée. « La démarche est inverse. Ce n'est plus le chef d'entreprise qui doit prendre conscience et se renseigner mais l'administration qui le prévient que quelque chose ne va pas ».

Des associations aussi sont là pour aider les entreprises, comme l’Apesa, qui apporte une aide psychologique, ou le CIP, centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises, qui informe sur les différents dispositifs possibles et aide à poser un diagnostic.

Les conséquences psychologiques

« Pour un petit entrepreneur, le dépôt de bilan, c’est la fin, il se voit déjà salarié dans un supermarché », illustre William Nahum, fondateur du CIP. Pour Sandra Beladjine, « pousser la porte du tribunal et demander une procédure ne doit pas être vu comme un échec », ce qui reste pourtant souvent le cas. Elle observe tout de même « une progression des mentalités des petites entreprises pour le recours à la conciliation et au mandat ». Même si ces procédures restent peu connues.

Marc a depuis lancé d’autres projets. Cet échec lui a fait prendre du recul. « Il ne faut pas se faire d'illusions. Cela ne sert à rien de s’obstiner. Je dis aux jeunes entrepreneurs, votre boîte n'est pas votre bébé, même si j’en ai eu l’impression, c'est un projet. Il faut accepter d'arrêter au bon moment. Pour ensuite passer à autre chose ».

Geoffrey regrette une forme d’acharnement après le départ de son client principal. « Le problème c'est qu’on contracte d'autres emprunts pour s’en sortir et on aggrave la situation ». Il souhaiterait vendre son entreprise, à moins d’une reprise inespérée de l’activité. Et monter une activité en indépendant, sans les complications administratives liées à l’emploi de salariés.

Laurent Windenberger reconnait que les associés de Babymoov ont beaucoup douté, mais « le fait d’être trois a été salvateur » : « en mode gestion de crise », ils se répartissent les rôles et s’épaulent, en pleine confiance, et arrivent à entrainer leurs équipes. L’épisode leur sert de leçon sur la gestion de l’entreprise, alors qu’ils étaient auparavant centrés sur son développement. S’ils regrettent que les banques ne les aient pas avertis en amont, ils suivent désormais leurs indicateurs de référence. Le jour où les banques les ont déclarés officiellement sortis d’affaires, commençait le premier confinement. Mais, forts de cette expérience, la crise sanitaire s’est avérée plus simple à passer.

Caroline Liby a été suivie par un psychologue. « En redressement, le perso et le pro se mélangent, c'est ultraviolent. J'ai eu quelques nuits blanches ». Elle reconnait qu’au début, elle ne voulait pas entendre parler de procédure judiciaire. « J’aurais sans doute dû accepter plus tôt. Les derniers mois étaient très compliqués, on aurait pu accélérer. Psychologiquement il faut réussir à passer ce cap et se dire qu’on souffrira moins avec cette procédure ». Dans son esprit, l’accompagnement, notamment par l’association Les Antilopes Entrepreneurs Solidaires, constituée « d’entrepreneurs qui ont traversé ces procédures collectives », a été primordial pour se « détacher de la structure » : « Aujourd'hui, elle ne m'appartient plus ». Elle travaille désormais avec les repreneurs sur plusieurs projets. « On fait le dos rond, on attend une sortie de crise immobilière. Mais quand il y a une crise, y a des opportunités ».

* les prénoms ont été modifiés

Aude David



Redressement judiciaire, liquidation judiciaire, procédure de sauvegarde… De quoi parle-t-on ?


Il existe plusieurs procédures pour faire face à une défaillance, et même pour la prévenir. Toutes ont leur utilité, selon la situation de l’entreprise.

 

La défaillance, ou dépôt de bilan, survient quand l’actif disponible (trésorerie et réserves immédiatement disponible) de l’entreprise est inférieur à son passif exigible (les factures et emprunts arrivés à échéance). En clair, elle ne peut plus régler ses dettes. Elle doit alors déposer sous 45 jours une déclaration de cessation de paiement, généralement au tribunal de commerce. Celui-ci peut ouvrir deux types de procédure, pour résorber la défaillance, ou, parfois, la prévenir.

 

  • Les procédures collectives

 

Ces procédures, publiées au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, imposent l’arrêt des poursuites aux créanciers. Un juge commissaire veille à leur bon déroulement. Un mandataire judiciaire représente les créanciers.

 

La liquidation judiciaire s’impose à l’entreprise définitivement insolvable : l’activité s’arrête, un liquidateur judiciaire assure la vente des actifs. En 2023, selon le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), il y a eu 38 137 liquidations directes.

 

Le redressement judiciaire permet à l’entreprise en défaillance d’essayer de se redresser. Elle s’ouvre sur une période d’observation et aboutit sur une clôture de la procédure, si les problèmes sont résolus, la mise en place d’un plan de redressement, si les difficultés semblent surmontables, ou une liquidation judiciaire. Comme celle-ci, elle peut être demandée par le dirigeant, un créancier ou le ministère public. Un administrateur judiciaire conseille le dirigeant et surveille ou assure lui-même la gestion de l’entreprise. 15 324 redressements judiciaires ont été ouverts en 2023.

 

La procédure de sauvegarde est particulière, puisqu’elle n’est accessible qu’aux entreprises pas encore en cessation de paiement, sur demande du seul dirigeant. L’administrateur judiciaire l’assiste. La période d’observation aboutit sur l’adoption d’un plan de sauvegarde, ou la conversion en redressement ou liquidation. Elle assure la protection des cautions mais ne permet pas de faire appel à l’AGS, le régime de garantie des salaires. Il y en a eues 1 572 en 2023.

 

Enfin, la procédure de traitement de sortie de crise, mise en place dans le cadre de la crise sanitaire, peut être demandée jusqu’au 21 novembre 2025. Le nombre de conditions nécessaires pour y être éligible explique son peu de recours, 63 en 2023.

 

  • Procédures amiables

 

Les procédures amiables sont confidentielles – ce qui explique en partie leur plus grand succès que la procédure de sauvegarde. Seul le dirigeant peut les demander. Il continue de gérer seul son entreprise mais ne peut rien imposer aux créanciers.

 

La conciliation concerne les entreprises pas encore en cessation de paiement, ou depuis moins de 45 jours. Un conciliateur aide à trouver un accord amiable avec les créanciers et rédiger un accord de conciliation. Une fois la procédure ouverte, les créanciers ne peuvent plus demander de redressement ou liquidation judiciaire. 3 276 conciliations sont survenues en 2023.

 

De son côté, le mandat ad hoc n’est pas envisageable en cas de cessation de paiement. Le mandataire ad hoc aide l’entreprise à rétablir sa situation financière. 4546 mandats ont été ouverts en 2023.

 

  • Quelle utilisation pour chaque procédure ?

 

Si en théorie, ces procédures correspondent à des situations différentes, dans les faits, la frontière est parfois mince, expliquent certains professionnels : la cessation de paiement se joue à un jour près, la date d’exigibilité d’une créance qui rend le passif supérieur à l’actif. L’entreprise a donc un certain choix de procédure.

 

Il pourrait sembler logique de privilégier une procédure préventive quand c'est possible. Or, outre que cela nécessite une anticipation suffisante, les professionnels expliquent que parfois, une sauvegarde, voire un redressement sont préférables : délai plus long, facilité pour traiter les dettes fournisseurs (l’amiable marche surtout pour les dettes financières)…  Même s’il arrive que les entrepreneurs effrayés par le redressement sollicitent une procédure amiable inadaptée, perdant du temps. La publicité de la procédure collective peut cependant nuire à certaines activités. Parfois, une liquidation judiciaire sèche est préférable à un redressement qui finira en liquidation.

 

Les procédures les plus anticipées réussissent plus souvent : le taux de réussite des procédures amiables est ainsi supérieur à 70%. Selon Deloitte, en 2023, 54% de sauvegardes ont débouché sur un plan de continuation, 27% sur une liquidation judiciaire ; 64% des plans conclus en 2013 ont fini en liquidation. Pour les redressements judiciaires, 23% ont débouché sur un plan de continuation, 69% sur une liquidation judiciaire, et 73% des plans conclus en 2013 se sont finis en liquidation judiciaire.

 

 

 

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