JUSTICE

Gérald Darmanin veut renforcer les contrôles des lieux accueillant des mineurs placés

Gérald Darmanin veut renforcer les contrôles des lieux accueillant des mineurs placés
Publié le 30/04/2025 à 15:17

Le ministre de la Justice a adressé une circulaire aux procureurs et aux directeurs interrégionaux de la protection judiciaire de la jeunesse sur l’organisation des contrôles au sein des structures accueillant des mineurs placés sur décision judiciaire, afin de recenser l’ensemble des établissements et accentuer les inspections.

Gérald Darmanin a envoyé ce lundi 28 avril une circulaire à destination des procureurs des cours d’appel et des tribunaux judiciaires, ainsi qu’aux directeurs interrégionaux de la protection judiciaire de la jeunesse. Objectif : reprendre en main les établissements et structures accueillant des mineurs confiés sur décision de justice en matière éducative (cela concerne principalement les foyers et lieux de vie et d’accueil (LVA)), notamment par l’organisation de contrôles. « Il est inacceptable que des mineurs placés par la justice pour les préserver d’un danger familial soient pris en charge dans des structures qui les mettent également, voire davantage encore, en danger », dénonce dans cette circulaire le ministre de la Justice.

Le texte rappelle que des magistrats du parquet et les juges des enfants sont chargés par le Code de l’action sociale et des familles et le Code de la justice pénale des mineurs de visiter au moins une fois par an les établissements publics ou privés accueillant des mineurs placés sous main de justice. Le 22 mars 2023, la direction des services judiciaires et la direction de la PJJ avaient déjà invité les juges des enfants et les procureurs de la République « à exercer ce contrôle aussi régulièrement que possible ».

Des contrôles doivent également être « régulièrement effectués » par les directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse (DIRPJJ). Le texte appuie aussi sur le rôle primordial des conseils départementaux, « chefs de file en matière de protection de l’enfance ».

Un recensement complet accompagné d’une vérification des habilitations

La circulaire demande à chaque parquet, en lien avec les juges des enfants et les services de l’aide sociale à l’enfance, d’effectuer un recensement complet des structures existantes sur leur ressort d’ici le 30 juin prochain, « en lien avec les juges des enfants et les services de l'aide sociale à l'enfance et en s'appuyant notamment sur la base de données transmise par la protection judiciaire de la jeunesse ». Objectif : « Que chaque procureur de la République sache, sur son ressort, les lieux qui accueillent des mineurs placés par décision de justice », précise le ministère.

À cette même date, les neuf DIRPJJ du territoire devront se rapprocher des préfets de département et leur rappeler leur utilité dans la mission de contrôle des établissements de protection de l’enfance. Elles seront également chargées de vérifier l’ensemble des habilitations des établissements et d'établir avant le 31 décembre une programmation à trois ans de régularisation de ces habilitations, qui sera adressée à chaque préfet de département. La procédure d’habilitation devra prévoir une visite sur site, précise la circulaire. « J'attends qu'un objectif trimestriel de 35 visites minimum au niveau national soit atteint », demande Gérald Darmanin. Un objectif qui pourra être nuancé en fonction des spécificités locales, précise la Chancellerie.

Dans le document, le ministre rappelle que les établissements et structures qui ont fait l'objet d'alertes ou de signalements répétés, notamment en matière de maltraitance, pourront subir des réponses pénales après une visite des lieux par le procureur de la République et le juge des enfants puis un contrôle par le préfet de département. « La rigueur et la célérité dans la mise en œuvre de ces mesures demeurent essentielles afin de garantir une protection optimale des mineurs et le respect de l'ordre public », assure le garde des Sceaux.

Autre nouveauté : les parquets généraux devront réceptionner chaque année un rapport recensant l’ensemble des actions menées dans ce cadre, et en transmettre une copie à la Chancellerie. Un bilan annuel des actions menées sera par ailleurs présenté dans le cadre des instances de coordination en protection de l'enfance. La circulaire cite pour exemple les instances quadripartites réunissant le conseil départemental, le magistrat coordonnateur du tribunal pour enfants, un magistrat du parquet chargé des mineurs et la direction territoriale de la PJJ. « Ces instances permettront notamment à l'autorité judiciaire d'alerter les services compétents si des structures à risques ont été identifiées. »

La délinquance chez les jeunes en forte hausse en 2023

La diffusion de cette circulaire s’inscrit dans un contexte critique pour la protection de l’enfance. En fin d’année dernière, les professionnels du droit des mineurs alertaient sur la dégradation des conditions de protection des enfants. Les statistiques sont accablantes : 25 % des personnes sans abri nées en France sont d’anciens mineurs accueillis par l’aide sociale à l’enfance. Plus globalement, la délinquance chez les jeunes atteint un niveau préoccupant : alors que les 8,2 millions de jeunes de 15 à 25 ans constituent 12 % de la population française, ils représentaient 26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis et 35 % des condamnés en 2023. La même année, 413 mineurs ont été mis en cause pour homicide volontaire, une hausse de 37 % par rapport à 2019.

Le texte adressé aux procureurs s’inscrit dans la continuité du rapport paru le 1er avril dernier, et rédigé au nom de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance par la députée Isabelle Santiago, sur les conditions souvent indignes et inadaptées dans les établissements accueillant des mineurs confiés par décision judiciaire. La parlementaire y faisait état de « structures d'accueil collectives qui fonctionnent parfois en dehors de tout cadre légal ». Le rapport recommandait de « lancer immédiatement un audit territorial de la protection de l’enfance, pour établir une cartographie des besoins par territoire, comprendre les facteurs de vulnérabilité par territoire et y apporter les réponses nécessaires ».

La commission d’enquête avait aussi proposé une augmentation du nombre de juges des enfants, en ciblant particulièrement les ressorts judiciaires où le nombre de mesures d’assistance éducative par juge des enfants est le plus élevé. Une proposition qui pourrait trouver un écho dans les intentions budgétaires de Gérald Darmanin, qui souhaite réserver les potentielles augmentations budgétaires pour 2026 aux actions en faveur de l’enfance et des mineurs.

Alexis Duvauchelle


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