Le ministre de la Justice a adressé
une circulaire aux procureurs et aux directeurs interrégionaux de la protection
judiciaire de la jeunesse sur l’organisation des contrôles au sein des
structures accueillant des mineurs placés sur décision judiciaire, afin de
recenser l’ensemble des établissements et accentuer les inspections.
Gérald Darmanin a envoyé ce
lundi 28 avril une circulaire à destination des procureurs des cours d’appel et
des tribunaux judiciaires, ainsi qu’aux directeurs interrégionaux de la
protection judiciaire de la jeunesse. Objectif : reprendre en main les
établissements et structures accueillant des mineurs confiés sur décision de
justice en matière éducative (cela concerne principalement les foyers et lieux
de vie et d’accueil (LVA)), notamment par l’organisation de contrôles. « Il
est inacceptable que des mineurs placés par la justice pour les préserver d’un
danger familial soient pris en charge dans des structures qui les mettent
également, voire davantage encore, en danger », dénonce dans cette
circulaire le ministre de la Justice.
Le texte rappelle que des
magistrats du parquet et les juges des enfants sont chargés par le Code de
l’action sociale et des familles et le Code de la justice pénale des mineurs de
visiter au moins une fois par an les établissements publics ou privés
accueillant des mineurs placés sous main de justice. Le 22 mars 2023, la
direction des services judiciaires et la direction de la PJJ avaient déjà
invité les juges des enfants et les procureurs de la République « à
exercer ce contrôle aussi régulièrement que possible ».
Des contrôles doivent
également être « régulièrement effectués » par les directions
interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse (DIRPJJ). Le texte appuie
aussi sur le rôle primordial des conseils départementaux, « chefs de
file en matière de protection de l’enfance ».
Un recensement complet
accompagné d’une vérification des habilitations
La circulaire demande à
chaque parquet, en lien avec les juges des enfants et les services de l’aide
sociale à l’enfance, d’effectuer un recensement complet des structures
existantes sur leur ressort d’ici le 30 juin prochain, « en lien avec
les juges des enfants et les services de l'aide sociale à l'enfance et en
s'appuyant notamment sur la base de données transmise par la protection
judiciaire de la jeunesse ». Objectif : « Que chaque
procureur de la République sache, sur son ressort, les lieux qui accueillent
des mineurs placés par décision de justice », précise le ministère.
À cette même date, les neuf DIRPJJ
du territoire devront se rapprocher des préfets de département et leur rappeler
leur utilité dans la mission de contrôle des établissements de protection de
l’enfance. Elles seront également chargées de vérifier l’ensemble des
habilitations des établissements et d'établir avant le 31 décembre une
programmation à trois ans de régularisation de ces habilitations, qui sera
adressée à chaque préfet de département. La procédure d’habilitation devra
prévoir une visite sur site, précise la circulaire. « J'attends qu'un
objectif trimestriel de 35 visites minimum au niveau national soit atteint »,
demande Gérald Darmanin. Un objectif qui pourra être nuancé en fonction des
spécificités locales, précise la Chancellerie.
Dans le document, le ministre
rappelle que les établissements et structures qui ont fait l'objet d'alertes ou
de signalements répétés, notamment en matière de maltraitance, pourront subir
des réponses pénales après une visite des lieux par le procureur de la
République et le juge des enfants puis un contrôle par le préfet de
département. « La rigueur et la célérité dans la mise en œuvre de ces
mesures demeurent essentielles afin de garantir une protection optimale des
mineurs et le respect de l'ordre public », assure le garde des Sceaux.
Autre nouveauté : les
parquets généraux devront réceptionner chaque année un rapport recensant
l’ensemble des actions menées dans ce cadre, et en transmettre une copie à la
Chancellerie. Un bilan annuel des actions menées sera par ailleurs présenté
dans le cadre des instances de coordination en protection de l'enfance. La
circulaire cite pour exemple les instances quadripartites réunissant le conseil
départemental, le magistrat coordonnateur du tribunal pour enfants, un
magistrat du parquet chargé des mineurs et la direction territoriale de la PJJ.
« Ces instances permettront notamment à l'autorité judiciaire d'alerter
les services compétents si des structures à risques ont été identifiées. »
La délinquance chez les
jeunes en forte hausse en 2023
La diffusion de cette
circulaire s’inscrit dans un contexte critique pour la protection de l’enfance.
En fin d’année dernière, les professionnels du droit des mineurs alertaient sur
la dégradation des conditions de protection des enfants. Les statistiques sont
accablantes : 25 % des personnes sans abri nées en France sont
d’anciens mineurs accueillis par l’aide sociale à l’enfance. Plus globalement,
la délinquance chez les jeunes atteint un niveau préoccupant : alors que
les 8,2 millions de jeunes de 15 à 25 ans constituent 12 % de la population
française, ils représentaient 26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis et 35
% des condamnés en 2023. La même année, 413 mineurs ont été mis en cause pour
homicide volontaire, une hausse de 37 % par rapport à 2019.
Le texte adressé aux
procureurs s’inscrit dans la continuité du rapport
paru le 1er avril dernier, et rédigé au nom de la
commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection
de l’enfance par la députée Isabelle Santiago, sur les conditions souvent
indignes et inadaptées dans les établissements accueillant des mineurs confiés
par décision judiciaire. La parlementaire y faisait état de « structures
d'accueil collectives qui fonctionnent parfois en dehors de tout cadre légal ».
Le rapport recommandait de « lancer immédiatement un audit territorial
de la protection de l’enfance, pour établir une cartographie des besoins par
territoire, comprendre les facteurs de vulnérabilité par territoire et y
apporter les réponses nécessaires ».
La commission d’enquête avait
aussi proposé une augmentation du nombre de juges des enfants, en ciblant
particulièrement les ressorts judiciaires où le nombre de mesures d’assistance
éducative par juge des enfants est le plus élevé. Une proposition qui pourrait
trouver un écho dans les intentions budgétaires de Gérald Darmanin, qui
souhaite réserver les potentielles augmentations budgétaires pour 2026 aux
actions en faveur de l’enfance et des mineurs.
Alexis
Duvauchelle