À la veille des JO 2024, la
communauté antidopage veille au grain. Zoom sur les dispositions en vigueur
pour organiser les contrôles et le dépistage des athlètes.
À l’approche des Jeux, le
comité d’organisation et la communauté antidopage sont sur le pied de guerre.
Objectif : éviter toute mauvaise presse, alors qu’on apprenait fin 2022 par
l’Agence de contrôles internationale (ACI) que 73 violations de règles
antidopage avaient été constatées et 31 médailles retirées dans le cadre des JO
2012 de Londres, après réexamen d’échantillons via une nouvelle méthode
importante de détection des stéroïdes anabolisants.
Donnant le ton, le 30 mai
2023, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a ainsi publié les Règles antidopage
du Comité international olympique (CIO) - fondées sur les Règles modèles 2021
pour les organisations responsables de grandes manifestations sportives de
l’AMA, elles-mêmes basées sur le Code mondial antidopage 2021 – un document
d’une cinquantaine de pages complété par d’autres documents du CIO ainsi que
des documents de l’Agence, entre autres les Standards internationaux.
Une liste détaillée des
substances interdites
Concernant la caractérisation
de la violation des règles antidopage, l’article 2 vise « la présence d’une
substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans un échantillon
». Le texte précise certes qu’il incombe aux athlètes de veiller à ce qu’aucune
substance interdite ne soit trouvée dans leur organisme, mais aussi que
l’intentionnalité n’a pas d’importance : seule la présence de produit prohibé
dans l’organisme est prise en compte. De la même façon, le succès ou l’échec du
dopage n’est pas déterminant : « l’usage ou la tentative d’usage de la
substance interdite ou de la méthode interdite suffit pour qu’il y ait
violation ». Par ailleurs, la simple détention d’une telle substance est
également suffisante.
Fin septembre, le Comité
exécutif de l’AMA a approuvé la Liste des substances et méthodes interdites
pour 2024, qui devrait être publiée d’ici octobre. Comme son nom l’indique,
cette liste, publiée par l’AMA et mise à jour chaque année, désigne les
substances et méthodes interdites en vertu du Code mondial antidopage et
entrera en vigueur le 1er janvier. Parmi les principaux apports, l’ajout du
tramadol, un narcotique.
Selon la liste de 2023, sont
actuellement notamment interdits les agents anabolisants, les hormones
peptiques, les modulateurs hormonaux et métaboliques, les diurétiques et agents
masquants, le dopage génétique et cellulaire. Tout particulièrement dans le
viseur, cette pratique consiste à modifier son patrimoine génétique afin de stimuler
la production d’une substance interdite, comme l’hormone de croissance. À ce
sujet, une enquête du Monde révélait cet été que pour les Jeux, et à
travers le projet de loi adopté par le Parlement le 12 avril, le laboratoire
antidopage français situé à Saclay, en Essonne, a été « autorisé à procéder
à des analyses afin de rechercher ce type d’abus ».
L’AMA interdit en outre les
stimulants, certains narcotiques (comme le fentanyl, la morphine ou
l’oxycodone), les cannabinoïdes « naturels et synthétiques » et les
glucocorticoïdes (type cortisone, etc.) mais avec une nuance : lorsqu’ils sont
administrés par toute voie injectable, orale ou rectale. En revanche, d’autres
voies d’administration (inhalation, cutanée, dentaire-intracanale, otique,
etc.) « ne sont pas interdites lorsqu’elles sont utilisées aux doses et pour
les indications thérapeutiques enregistrées par le fabricant ». Par
ailleurs, les bêtabloquants sont interdits en compétition et dans certains
sports seulement comme le golf ou le tir.
Les faits établis « par
tout moyen fiable »
Quid de la preuve du dopage ?
En la matière, la charge de la preuve incombe au CIO ou à l’ITA (International
Testing Agency). « Le degré de preuve devra être plus important qu’une
simple prépondérance des probabilités, mais moindre qu’une preuve au-delà du
doute raisonnable », ajoute l’article 3, au sein duquel on peut lire aussi
que les faits peuvent être établis par « tout moyen fiable, y compris des
aveux ».
Les contrôles et les
enquêtes, qui doivent être conformes au Code et au standard international, sont
réalisés par le CIO et par l’ITA qui agit pour le compte du CIO. L’article 4
des Règles précise d’ailleurs que l’ITA peut effectuer des contrôles en
compétition et hors compétition sur tous les athlètes inscrits ou susceptibles
d’être inscrits pour participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Cette agence
aura également autorité pour exiger d’un athlète qu’il fournisse un échantillon
en tout lieu et en tout instant pendant les JO 2024, « sans qu’il soit
nécessaire de donner un préavis aux athlètes », précise la lettre qui
accompagne les Règles antidopage du CIO. Il pourra par ailleurs demander à des
« tiers délégués » de pratiquer des contrôles hors-site.
Quant aux échantillons, ils
seront analysés uniquement dans les laboratoires (ou établissements satellites)
accrédités par l’AMA ou approuvés par elle, est-il écrit à l’article 6. « Les
échantillons, les données d’analyse afférentes, ainsi que les informations sur
le contrôle du dopage, peuvent servir à des fins de recherche antidopage »,
dispose également le texte, qui ajoute qu’aucun échantillon ne peut servir à
des fins de recherche sans le consentement écrit de l’athlète. D’autre part,
dans le cadre des fins de recherche, toutes ces informations sont traitées de façon
anonyme, afin d’éviter que « les échantillons et les données d’analyse
afférentes, ainsi que les informations sur le contrôle du dopage, ne puissent
être attribués à un athlète en particulier ».
Précisons qu’un sportif sous
le coup d’une présomption peut toutefois en contester la validité ou les
conditions de son établissement. Pour ce faire, il doit en informer l’AMA qui
pourra intervenir dans la procédure de la chambre antidopage du tribunal
arbitral du sport (TAS) en tant que partie, qu’amicus curiae, et fournir des
éléments de preuve.
Une sanction couperet
Côté sanction, sans surprise,
« une violation des règles antidopage dans les sports individuels en
relation avec un contrôle en compétition conduit automatiquement à l’annulation
du résultat obtenu lors de cette compétition et à toutes les conséquences en
résultant, y compris le retrait des médailles, diplômes, points et prix »,
énonce l’article 9. De plus, la chambre
antidopage du TAS pourra prononcer une suspension provisoire de participation
de l’athlète aux compétitions des JO auxquelles l’athlète n’a pas encore
participé.
Les Règles ajoutent que « la
responsabilité de mener la gestion des résultats du cas à son terme pour les
sanctions s’étendant au-delà des Jeux Olympiques de Paris 2024 » sera
confiée à la Fédération Internationale concernée.
S’agissant des sports
d’équipe, première conséquence : si plus d’un membre d’une équipe dans un sport
d’équipe a ou ont été avertis d’une violation des règles antidopage en vertu de
l’article 7 dans le cadre des JO 2024, l’ITA devra réaliser des contrôles
ciblés à l’égard de l’équipe pendant cette période. Par ailleurs, la chambre
antidopage du TAS appliquera les règles applicables de la Fédération
Internationale concernée pour imposer la sanction appropriée à l’encontre de
l’équipe en question (par exemple, perte de points, disqualification d’une
compétition, d’une épreuve ou des JO, ou autre sanction), en plus des mesures
individuelles prises à l’égard de l’athlète.
Délai pour faire appel devant
le TAS : 21 jours après réception de sa décision. Cet appel peut émaner de
l’athlète, de l’AMA, du CIO, de la Fédération internationale de la discipline
concernée ou de l’organisation antidopage du pays de résidence du sportif. Sans
appel, ou si ce dernier n’a pas renversé l’allégation de violation des règles
antidopage, le couperet tombe, puisque l’article 13 prévoit une divulgation
publique, qui détaille alors la règle non respectée, le nom de l’athlète ou de
la personne responsable et les conséquences imposées.
5 000 contrôles, 300 agents
Tandis que les laboratoires,
l’AMA et l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) travaillent à
l’améliorer des techniques scientifiques pour obtenir des constats plus
fiables, l’ITA s’apprête quant à elle à faire face à 5 000 contrôles et à 6 000
échantillons prélevés, comme l’annonçait en mai 2022 son directeur des
contrôles, Matteo Vallini, auprès de France Info.
En outre, pas moins de 300
agents de contrôles antidopage seront mobilisés, « accompagnés de 600 ‘chaperons’
pour les aider dans leurs tâches », expliquait en avril un article de Sud
Ouest avec l’AFP. L’ITA a d’ailleurs recruté plusieurs dizaines de
préleveurs antidopage pour les JO de Paris 2024, après avoir lancé un appel en
fin d’année dernière proposant une formation de trois jours au siège du Comité
d’organisation des JO (COJO), à Saint-Denis, destinée aux professionnels de
santé, aux étudiants en médecine ou en pharmacie, aux laborantins, ou encore
aux policiers.
Et si un large dispositif
sera déployé en matière de contrôle, la communauté antidopage continue malgré
tout de miser sur la prévention, par le biais notamment du 21e colloque
national « Pour un sport sans dopage », organisé conjointement par le
ministère chargé des Sports, le Comité National Olympique et Sportif Français
(CNOSF), le Comité paralympique et sportif français (CPSF) et l’AFLD, le 22 mai
2022 ; mais aussi via le programme de sensibilisation des sportifs de l’AMA, ou
encore la formation, depuis 2021, d’éducateurs antidopage agréés par l’AFLD.
Bérengère
Margaritelli