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Culture

Marché de l’art

comment s’organiser contre le trafic des antiquités ?

Paris, Hôtel Drouot, 18 novembre 2015
«ClésaittoLautemieaesrtnmriœoetenuurnréveturdtelnuespitsrptlée’eEjsreuteavucnetdotnieinstrt1léraed8gmaelnlieseqomusvpoeeeilnllmuadttgêbéiotecrrneehsevir2ticec0oltei1lmna5cterzrsaàèofdtinecDuesrtd.eo?reursoLoreti,assmnptperiqer»imun,ictdiéèiépsrneaoaunpuxçlaaaPcitcreolteecmuphrreosénsediddtuieaMnlmetoFaydrreac’ennhnç-éOocihsrdièeeHrneolt’sl,alaranptldoueerbtsmliinqqasuurtdei’tuisun1,ti7eoannfgisonuvceedumrerletbudrredreeo2llseu0ssb1e5lérdàeeuln’dUpurNbeEimrlaèSingCenOrde.peldalaen

L’exemple des nazis pendant la seconde                                                                    Temple de Bel à Palmyre
         Guerre mondiale constitue un parallèle
         frappant avec l’action menée par Daech
         dans sa stratégie de «  nettoyage culturel  ».
Les « chemises brunes » du troisième Reich pillaient
déjà les musées, perpétraient autodafés et spoliation
d’œuvres d’art… Encore très récemment d’ailleurs, on
retrouvait au domicile d’un octogénaire allemand pas
moins de 1 400 œuvres d’arts issues de la spoliation.
Le problème du trafic d’œuvres en période de guerre
est tout ce qu’il y a de plus actuel.
C’est d’ailleurs avec tristesse et effroi que Drouot
maintenait sa table ronde autour du thème
« s’organiser contre le trafic des antiquités » qui collait
bien malheureusement à l’actualité. Quelques jours
après les attaques meurtrières du 13 novembre 2015,
les organisateurs ont hésité à maintenir ce mini-
sommet prévu le jeudi 18 novembre 2015. Pourtant
personne ne manquait à l’appel. Les principaux
acteurs du marché de l’art et institutions culturelles
de premier plan étaient réunis afin de dresser un
bilan de la situation au Proche-Orient et présenter
des propositions concrètes pour lutter contre le trafic
des antiquités. C’était aussi l’occasion pour Jean-
Luc Martinez, Président-Directeur du Musée du                                                                                                            © D.R

Louvre, de présenter son «  rapport sur la protection
du patrimoine en situation de conflit armé », qui lui a satellites, qui témoignaient de sa quasi disparition un mouvement politico-religieux prônant un
été commandé par le Président de la République en de la carte ont très vite fait le tour du monde, créant retour à «  l’islam des origines  », qui serait fondé
juin, après les multiples destructions perpétrées par l’émoi dans l’opinion public qui découvrait que les exclusivement sur le coran et la sunna et basé sur
Daech à Palmyre, en Syrie.                                   œuvres aussi, pouvaient être victimes du terrorisme. une approche rigoriste de l’islam. Le salafisme,
                                                             Chacun s’empressait donc de faire part de l’enjeu condamne (entre autres), toute piété populaire
Economie fructueuse                                          extrême que ces destructions représentent  : la ou superstition, comme le culte des saints, jugé
Aujourd’hui, explique Dorothée Schmid, Directrice mémoire du monde, anéantie sous les coups des contraire à l’unicité de Dieu.
du programme Moyen-Orient de l’Institut Français marteau-piqueurs des djihadistes.                      Cela représente un rejet total de toute tolérance
des Relations Internationales, «  l’économie de ce Mais le caractère pécuniaire n’est pas la seule et à l’égard des symboles religieux notamment des
trafic est bien plus conséquente que lors du nazisme, unique motivation de Daech dans ce pillage sanglant. divinités, dont le culte est assimilé à de l’idolâtrie,
elle est aussi plus sophistiquée. Outre le prix de                                                      mais aussi un rejet de toute domination. En ce sens,
vente des objets recelés, Daech applique aussi une «D étruire la mémoire de l’adversaire pour les musées, symboles de l’impérialisme culturel
taxe sur la vente elle-même ». 100 millions d’euros, imposer la sienne »                                à travers une politique de mémoire, sont une
c’est d’ailleurs la somme que ce «  commerce du «  L’autre guerre  » menée contre Daech, c’est aussi aberration pour Daech qu’il convient de supprimer.
sang  » a rapporté à Daech pour l’année 2014, du celle menée contre les pillages et destructions En « supprimant » par la destruction pure et simple
moins, selon des estimations qui ne peuvent qu’être commises par l’organisation terroriste dans le cadre des lieux du patrimoine culturel mondial, Daech
imprécises tant il est compliqué de rassembler des de sa stratégie de «  nettoyage culturel  ». Car Daech nie l’existence de son adversaire, en effaçant sa
informations.                                                n’assassine pas seulement des gens en leur coupant mémoire pour imposer la sienne.
Le trafic d’antiquités pillées sur des sites culturels la tête. En détruisant le patrimoine d’un pays,
inestimables mais aussi dans les musées représente l’organisation terroriste fait «  table rase  » de son Faire passer un message à l’occident
15 à 20 % des ressources pécuniaires de l’organisation histoire, assassinant une civilisation toute entière en Toutefois, il faut souligner que les destructions du
terroriste. Et si la question de savoir comment éradiquant jusqu’à ses racines.                         patrimoine ne sont pas uniquement du seul fait
combattre Daech passe par des offensives militaires, Il existe plusieurs raisons majeurs aux actions de de Daech. En effet, l’armée syrienne, les rebelles,
il est aussi et surtout question de savoir comment destruction et de pillage menées par Daech. Un ainsi que les frappes américaines y participent
lui couper les vivres. Car Daech est l’organisation enchevêtrement de conflit religieux et culturel aussi activement. Et cela n’a rien de nouveau. Il
terroriste la plus riche du monde. Selon le chercheur avec des intérêts politique et financiers caractérise faut d’ailleurs remonter au 19ème siècle, en Arabie-
irakien Hisham al-Hashimi ses ressources étaient tout justement les grandes lignes de conduites Saoudite, ou ont débuté les premières destructions.
estimées entre 2 et 3 milliards de dollars à son destructrices de l’organisation.                       Depuis longtemps, les populations locales, par
apogée, en février 2015.                                     Daech applique une doctrine religieuse salafiste qui nécessité, étaient elles-mêmes les premiers acteurs
Il y a quelques mois, Daech se mettait en scène, prône un islam rigoriste et extrémiste fondé sur le de ce trafic. En outre, ce qui est neuf, et constitue en
marteau-piqueurs en mains, détruisant la cité djihad. Etymologiquement, «  salafisme  » provient tout état de cause la «  politique  » de Daech, c’est la
antique de Palmyre, la « perle du désert ». Les images du mot salaf, «  prédécesseur  » ou «  ancêtre  ». C’est mise en scène. Le grand public, peu au courant des

                                       Journal Spécial des Sociétés - Lundi 30 novembre 2015 - numéro 53                                         13
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