À l’occasion de la journée
nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, la Chambre nationale des
commissaires de justice a produit, sur sa web TV Code Justice, une émission destinée
à partager des conseils juridiques ainsi que les bons
réflexes à adopter face aux cas de harcèlement, que l'on soit victime,
parent ou chef d'établissement.
Le 9 novembre marque la Journée
nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Un événement d’autant plus
important que plus d'un million
d’enfants ont été victimes d’une telle situation au cours des trois dernières
années et que deux élèves par classe en moyenne sont harcelés, comme l’a souligné Élisabeth Borne lors de
la présentation du plan interministériel de lutte contre le harcèlement à
l’école et le cyberharcèlement, le 27 septembre dernier.
Ces chiffres préoccupants ont également été
rappelés lors de l’émission spéciale animée par la CNCJ sur sa web TV Code
Justice, laquelle a convié autour de son plateau plusieurs spécialistes afin de
partager des conseils juridiques ainsi que les bons réflexes à adopter face aux
cas de harcèlement.
À cette occasion, la députée et membre de la Commission des affaires
culturelles et de l'éducation Virginie Lanlo, après avoir témoigné de son
expérience personnelle de harcèlement scolaire, a rappelé que la reconnaissance
et la prise en charge des enfants harcelés étaient certes essentielles, mais
qu’il fallait aussi s’attaquer au problème des enfants harceleurs. À ce titre, a-t-elle
souligné, la sensibilisation et la prise en charge éducative font partie des
combats dans le cadre de la lutte contre le harcèlement scolaire, d’autant que les
enfants harceleurs peuvent être également victimes de souffrances ou d’un mal-être.
Consulter un avocat parmi les
bons réflexes
Durant l'émission, l’avocate de la fondation
pour l’Enfance Céline Astolfe a reconnu l’intérêt du volet justice du Plan
Borne avec la mise en place de sanctions graduées, lesquelles vont de la
confiscation du téléphone à 10 ans d'emprisonnement pour le harceleur en cas de
suicide de l’enfant harcelé. Ce système offre également, selon elle, une
meilleure protection pour les victimes avec la saisine directe du procureur de
la République en cas de harcèlement.
L’avocate a également rappelé les bons
réflexes juridiques à mettre en place par les victimes ou leurs parents :
signaler les faits au personnel de l'établissement (ou, en cas d’absence de
réaction, à l’inspection académique) ; consulter un avocat qui va accompagner
la famille et mandater un commissaire de justice pour matérialiser la preuve
matérielle du harcèlement, ce qui permettra ensuite à cet avocat de déposer
plainte auprès du procureur de la République ; et enfin, se rapprocher
d'associations et organismes contre le harcèlement scolaire afin que l’enfant soit
accompagné et ne reste pas seul durant cette période.
Le PV de constat, preuve
irréfutable du cyberharcèlement
En ce qui concerne la matérialisation de la
preuve d’un cas de cyberharcèlement, la CNCJ explique dans un communiqué que le
commissaire de justice dresse un procès-verbal de constat qui sera une preuve
irréfutable devant un tribunal, la simple capture d'écran ou retranscription
d'un message par la victime n’étant pas recevable puisqu’elle peut être
falsifiée. À ce titre, le commissaire de justice respecte un protocole « très
strict et précis » afin de récupérer la preuve : « vider le
cache des cookies, désactiver le proxy, supprimer la géolocalisation, relever l'adresse
IP, etc. afin d'obtenir une preuve solide et incontestable ».
Si ce constat peut donc être sollicité par
l'avocat en charge de la victime, il peut également être réalisé à la demande
de la victime elle-même ou de ses parents. Et « plus tôt la preuve sera
récupérée, mieux ce sera », précise la Chambre. En effet, les réseaux
sociaux sont volatils, rappelle-t-elle : une « story » sur
Instagram disparaît par exemple au bout de 24h, si son auteur ne l’a pas
supprimée avant, et une publication peut être modifiée ou elle aussi supprimée.
Par ailleurs, « même si la victime ou ses parents n'en sont pas au
stade de la plainte, le fait de récupérer cette preuve lorsqu'elle est encore présente
leur permettra de constituer plus tard un dossier ou de la présenter en cas de
litige », ajoute la CNCJ.
En outre, alors que « l'une des
difficultés sur les réseaux sociaux est l'anonymat » et qu’il peut
être difficile de retrouver le harceleur, de prouver qui se cache derrière un
pseudonyme, comme l’a souligné la députée Virginie Lanlo lors de l’émission
animée par la Chambre, dans la procédure de constat internet, les commissaires
de justice s'intéressent à l'adresse IP à partir de laquelle le contenu a été
publié et apportent ainsi la preuve de la personne titulaire de la ligne –
faisant d’ailleurs gagner du temps aux enquêteurs en charge de la plainte.
« Publication
constatée par commissaire de justice » : une mention dissuasive
comme piste d’amélioration
La commissaire de justice Sandra Ethève, elle
aussi présente sur le plateau de Code Justice, a quant à elle interpellé la députée
des Hauts-de-Seine sur la possibilité d'aller plus loin dans l’accompagnement
des victimes. Elle a notamment estimé que puisque la profession était habituée
à traiter ces cas en urgence, elle pourrait agir dès le stade de l’ouverture du
dossier pour protéger la victime et ne plus simplement constater les faits.
Toujours selon elle, permettre par exemple au
commissaire de justice qui constate un cyberharcèlement d’obtenir le retrait
provisoire du post en le signalant au réseau social en sa qualité d’officier public
et ministériel le temps de l’instruction des faits délictueux ferait gagner du
temps pour mettre plus rapidement fin au cyberharcèlement, a-t-elle affirmé.
Sandra Ethève a également envisagé la mise en place d’une mention dissuasive
sur les réseaux sociaux, qui indiquerait que telle ou telle publication a été constatée
par commissaire de justice. Des pistes intéressantes qui pourraient bien trouver
un écho auprès du législateur.