Malgré plusieurs leviers incitatifs,
la Cour des comptes dénombre 3 millions de logements vacants dans le parc privé,
dont un tiers depuis plus de deux ans. Pour endiguer le phénomène, la
juridiction financière recommande à l’État de collaborer davantage avec les collectivités.
Identifiée comme l’une des
priorités des élus et de l’État, la lutte contre les logements vacants en
France semble pourtant piétiner.
Bien qu’il soit difficile de
quantifier leur nombre exact, selon la base de données Lovac, environ 3
millions de logements vacants ont été comptabilisés en 2022 sur les 32,3
millions de logements du parc privé, rapporte la Cour des comptes dans ses « Observations
définitives » publiées le 22 mai.
1,2 million de logements
étaient même inoccupés depuis plus de deux ans, et près 120 000 se
situaient en zone tendue, soit autant « d’opportunité[s] manquée[s] de
répondre à une demande croissante, renforçant la crise du logement »,
pointe la Cour. Un phénomène qui s’est accentué à partir de 2005.
Des leviers insuffisants
Pourtant, différents leviers
ont été pensés et mis en place pour inciter la remise sur le marché des
logements vacants. Depuis 2022, les propriétaires peuvent bénéficier de
l’avantage fiscal « loc’avantages » – ex « Louer
abordable » –, lequel permet de bénéficier d’une réduction d’impôt
calculée selon le montant du loyer auquel leur bien est proposé.
L’Agence nationale de
l’habitat (Anah) a également ajouté, le 1er janvier 2024, une prime de
5 000 euros de sortie de la vacance en zone rurale de façon à « augmenter
le parc locatif » et à redynamiser le territoire des collectivités, et
plus précisément les logements vacants depuis plus de deux ans.
Des taxes ont également été
mises en application pour les biens non loués. En 2023, la taxe sur les
logements vacants (TLV), créée en 1998, a vu son champ d’application élargi
pour s’étendre à un plus grand nombre de communes. De son côté, la taxe
habitation sur les logements vacants, lancée en 2007, s’applique aux communes
où la TLV ne l’est pas et concerne les logements vacants depuis plus de deux
années consécutives.
Selon les chiffres, le nombre
de logements assujettis à la TLV est passé de 387 000 à 810 000 entre
2017 et 2024. « En tout état de cause, l’outil fiscal seul ne saurait
répondre à des enjeux de lutte contre la vacance », conclut la Cour.
Les collectivités ont un rôle
à jouer
Mais alors quels leviers
envisager ? Selon la Cour, il faudrait avant toute chose que l’Etat se
dote de bons outils de repérage afin de mieux appréhender ce phénomène et d’établir
un meilleur état des lieux, eu égard au « manque de précision et de
fiabilité des données nécessaires au pilotage de la politique du logement ».
La vacance étant
principalement étudiée par l’Insee et la direction générale des finances
publiques (DGFiP), ces deux administrations ne partagent pour autant les même
mesures, déplore la Cour. En outre, l’absence de définition partagée de la
vacance contribue à une difficulté de quantification, et le lancement d’un plan
national de lutte contre les logements vacants par le gouvernement en 2010 ne
s’est accompagné « d’aucune déclinaison de nature réglementaire ou
budgétaire ».
Et bien qu’assorti d’un appel
à projets pour les collectivités, ce plan national n’a pas eu l’attrait
escompté, puisque seulement 237 collectivités ont manifesté un intérêt. Leur
mobilisation s’est également avérée limitée en matière de repérage des
logements vacants. De quoi amener la Cour à recommander la réalisation, en
2025, d’un bilan des actions conduites par les collectivités ayant bénéficié
des crédits d’ingénierie.
Par ailleurs, la juridiction
financière juge essentiel de distinguer et comprendre les enjeux propres aux
zones tendues et détendues afin d’adapter les leviers d’actions, aussi bien en
fonction des réalités des propriétaires que de la situation des territoires.
Pour la Cour des comptes, ce
sont les collectivités qui seraient les plus à même d’agir efficacement, par le
biais notamment d’outils d’urbanisme et d’aménagement, et au vu de leur marge
de manœuvre fiscale. « Dans ce domaine, il ne serait pas inutile, a
priori, que la mobilisation de l’État passe davantage à l’avenir par des
partenariats avec les acteurs locaux ».
Allison
Vaslin