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Paris 2024 : quelles dérogations en matière d’organisation du travail ?

Paris 2024 : quelles dérogations en matière d’organisation du travail ?
Publié le 27/06/2024 à 13:10

À un mois du lancement des Jeux olympiques de Paris, Ida Christelle Makanda, juriste en droit du travail, fait le point sur toutes les dispositions accessibles aux employeurs, et les droits des employés.

Afin d’aider les entreprises à anticiper les perturbations liées aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, prévus du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre 2024, le ministère du Travail a publié, le 23 avril dernier, un guide listant les principaux dispositifs qu'elles pourront mobiliser afin d'aménager le temps et l'organisation du travail de leurs salariés. Les employeurs sont invités à organiser dès que possible, avec leur comité social et économique (CSE) ou les délégués syndicaux, « des concertations pour répondre au mieux à cette situation ».

Le guide présente l’ensemble des possibilités d’aménagement du travail prévues par le Code du travail ou qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre du dialogue social dans les entreprises pour minimiser les impacts des JOP sur leur activité.

Le télétravail encouragé, mais pas imposé

Le gouvernement incite à recourir au télétravail pendant les JOP, mais ce mode de fonctionnement reste optionnel et basé uniquement sur le volontariat.

En effet, seules des circonstances exceptionnelles auraient permis d'imposer le télétravail (article L. 1122-11 du Code du travail), à l’instar de la période de confinement vécue pendant la crise sanitaire de la Covid-19, mais pas de l'organisation des Jeux. Cette notion sera laissée à l’appréciation stricte des juges.

Le ministère du Travail rappelle que, pour éviter notamment de faire se déplacer les salariés dans les zones de forte affluence, il est possible de faire coïncider la période de congés payés avec les Jeux, voire de fermer l’entreprise pendant ces congés.

Dans ce cas de figure, « en raison notamment des impératifs de garde d’enfants, de réservation des billets de transports et des locations saisonnières, il est souhaitable que la période de prise des congés et les dates de départs soient connues des salariés et fixées le plus en amont possible », précise le guide.

Il est à noter que si l'organisation des JOP n'est pas une situation ouvrant droit d'office à l'activité partielle (ex chômage partiel), l'interdiction de circuler dans certaines zones conduisant à la fermeture de l'entreprise a amené le ministère du Travail à tolérer le recours à l'activité partielle dans certains cas.

L’information des salariés sur la période de prise des congés doit être effectuée deux mois avant et que l'ordre des départs doit être communiqué à chaque salarié un mois avant le départ, sans modification possible après ce délai (articles L. 3141-5 et D. 3141-6 du Code du travail).

Adapter les horaires de travail pour éviter l’affluence dans les transports

Le guide du ministère du Travail préconise également d’adapter les horaires de travail en fonction des pics d’affluence dans les transports : « À l’instar de ce qui est organisé dans les entreprises pendant les périodes de canicule, les employeurs peuvent autoriser les salariés à venir travailler sur des plages horaires décalées. »

Les employeurs peuvent ainsi soit avancer les horaires d’ouverture de l’entreprise, soit retarder les heures de prise de poste. Dans tous les cas de figure, l’information et la consultation du CSE, s’il existe dans l’entreprise, doivent être organisées sous peine de délit d’entrave.

Pour autant, il s’agit d’activer cette option avec la plus grande précaution car si cette modification d'horaires porte atteinte au respect de la vie personnelle et familiale du salarié ou s'il bouleverse ses conditions de travail (alternance d'un horaire de jour à un horaire de nuit par exemple), il s'agit alors d'une modification du contrat que le salarié est fondé à refuser sans possibilité de le sanctionner dans le cadre de ce refus.

Le guide rappelle également les conditions dans lesquelles les durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail peuvent être augmentées et le repos quotidien réduit par voie d’accord collectif ou sur décision/autorisation administrative.

Une dérogation au repos dominical encadrée

L'article 25 de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 sur l'organisation des JOP 2024 permet au préfet, dans les communes d’implantation des sites de compétition des Jeux ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, d'autoriser certains commerces à déroger temporairement au repos dominical, pour une période comprise entre le 15 juin et le 30 septembre 2024 inclus. Il s'agit d'une dérogation ciblée, plus adaptée et adéquate que les cas de dérogations légales existantes. Cette règle s’applique notamment pour tout le territoire de la commune de Paris, sur décision du préfet. Les commerces situés dans les zones touristiques internationales seront par ailleurs ouverts de plein droit.

Pour simplifier les démarches des commerces concernés, le préfet, après avoir accordé une autorisation à un commerce, pourra étendre cette autorisation à plusieurs entreprises éligibles dans les mêmes conditions sans que les employeurs aient à déposer des demandes individuelles.

S’agissant des salariés, travailler le dimanche doit reposer sur le volontariat, ouvrir droit au double de la rémunération ou à un repos compensateur équivalent et donner lieu à un autre jour de repos hebdomadaire.

L’employeur devra en outre prendre toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer leur droit de vote lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains (article L. 3132-25-4 du Code du travail).

Le non-respect par l'employeur de ces règles pourra être sanctionné par une amende de 1500 euros par salarié concerné, et 3000 euros en cas de récidive (décret n°2024-338 du 12 avril 2024).

Le repos hebdomadaire peut être suspendu

Un décret du 23 novembre 2023 prévoit la possibilité exceptionnelle de suspendre le repos hebdomadaire, entre le 18 juillet et le 14 août (excluant donc les Jeux paralympiques), pour les établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail pour les besoins de la captation, de la transmission, de la diffusion et de la retransmission des compétitions, ainsi que pour assurer les activités relatives à l'organisation des épreuves et au fonctionnement des sites liés à l'organisation et au déroulement des Jeux olympiques. Ces sites ont été précisés par arrêté ministériel du 11 mars 2024.

L’employeur peut mettre en œuvre cette suspension sous sa seule responsabilité, sans autorisation administrative préalable. Il doit seulement informer immédiatement l'inspection du travail territorialement compétente et ce, sauf cas de force majeure, avant le début de l’activité (article R. 3172-7 du Code du travail). Cette information doit mentionner les circonstances qui justifient la suspension, la date et la durée de cette suspension, le nombre de salariés auxquels elle s'applique, ainsi que les deux jours de repos mensuels réservés aux salariés.

Cette mesure doit rester exceptionnelle et ne peut être prise qu’en dernier recours, et le repos quotidien et les durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires ainsi que des temps de repos minimum doivent être respectés. La suspension du repos est limitée à deux par mois et six par an (article L. 3132-5 du Code du travail).

Les heures travaillées pendant le jour de repos hebdomadaire sont rémunérées comme des heures supplémentaires et ouvrent droit à un repos compensateur immédiatement après le 14 août.

Pour information, le Conseil d’État a rejeté le recours en annulation intenté par la CGT et la CFDT contre le décret du 23 novembre 2023.

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