À un mois du lancement des
Jeux olympiques de Paris, Ida Christelle Makanda, juriste en droit du travail,
fait le point sur toutes les dispositions accessibles aux employeurs, et les
droits des employés.
Afin
d’aider les entreprises à anticiper les perturbations liées aux Jeux olympiques
et paralympiques (JOP) de Paris, prévus du 26 juillet au 11 août et du 28 août
au 8 septembre 2024, le ministère du Travail a publié, le 23 avril dernier, un guide listant les principaux dispositifs qu'elles pourront mobiliser afin d'aménager le
temps et l'organisation du travail de leurs salariés. Les employeurs sont
invités à organiser dès que possible, avec leur comité social et économique
(CSE) ou les délégués syndicaux, « des
concertations pour répondre au mieux à cette situation ».
Le
guide présente l’ensemble des possibilités d’aménagement du travail prévues par
le Code du travail ou qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre du dialogue
social dans les entreprises pour minimiser les impacts des JOP sur leur
activité.
Le télétravail encouragé,
mais pas imposé
Le
gouvernement incite à recourir au télétravail pendant les JOP, mais ce mode de
fonctionnement reste optionnel et basé uniquement sur le volontariat.
En
effet, seules des circonstances exceptionnelles auraient permis d'imposer le
télétravail (article L. 1122-11 du Code du travail), à l’instar de la période de confinement vécue
pendant la crise sanitaire de la Covid-19, mais pas de l'organisation des Jeux.
Cette notion sera laissée à l’appréciation stricte des juges.
Le ministère
du Travail rappelle que, pour éviter notamment de faire se déplacer les
salariés dans les zones de forte affluence, il est possible de faire coïncider
la période de congés payés avec les Jeux, voire de fermer l’entreprise pendant
ces congés.
Dans
ce cas de figure, «
en raison notamment des impératifs de garde d’enfants, de réservation des
billets de transports et des locations saisonnières, il est souhaitable que la
période de prise des congés et les dates de départs soient connues des salariés
et fixées le plus en amont possible », précise le guide.
Il
est à noter que si l'organisation des JOP n'est pas une situation ouvrant droit
d'office à l'activité partielle (ex chômage partiel), l'interdiction de
circuler dans certaines zones conduisant à la fermeture de l'entreprise a amené
le ministère du Travail à tolérer le recours à l'activité partielle dans
certains cas.
L’information
des salariés sur la période de prise des congés doit être effectuée deux mois
avant et que l'ordre des départs doit être communiqué à chaque salarié un mois
avant le départ, sans modification possible après ce délai (articles L. 3141-5 et D. 3141-6 du Code du travail).
Adapter les horaires de
travail pour éviter l’affluence dans les transports
Le
guide du ministère du Travail préconise également d’adapter les horaires de
travail en fonction des pics d’affluence dans les transports : «
À l’instar de ce qui est organisé dans les entreprises pendant les périodes de
canicule, les employeurs peuvent autoriser les salariés à venir travailler sur
des plages horaires décalées. »
Les
employeurs peuvent ainsi soit avancer les horaires d’ouverture de l’entreprise,
soit retarder les heures de prise de poste. Dans tous les cas de figure, l’information
et la consultation du CSE, s’il existe dans l’entreprise, doivent être
organisées sous peine de délit d’entrave.
Pour
autant, il s’agit d’activer cette option avec la plus grande précaution car si
cette modification d'horaires porte atteinte au respect de la vie personnelle
et familiale du salarié ou s'il bouleverse ses conditions de travail (alternance
d'un horaire de jour à un horaire de nuit par exemple), il s'agit alors d'une
modification du contrat que le salarié est fondé à refuser sans possibilité de
le sanctionner dans le cadre de ce refus.
Le
guide rappelle également les conditions dans lesquelles les durées
hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail peuvent être augmentées et
le repos quotidien réduit par voie d’accord collectif ou sur
décision/autorisation administrative.
Une dérogation au repos
dominical encadrée
L'article 25 de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 sur
l'organisation des JOP 2024 permet au préfet,
dans les communes d’implantation des sites de compétition des Jeux ainsi que
dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites, d'autoriser
certains commerces à déroger temporairement au repos dominical, pour une
période comprise entre le 15 juin et le 30 septembre 2024 inclus. Il s'agit
d'une dérogation ciblée, plus adaptée et adéquate que les cas de dérogations
légales existantes. Cette règle s’applique notamment pour tout le territoire de
la commune de Paris, sur décision du préfet. Les commerces situés dans les
zones touristiques internationales seront par ailleurs ouverts de plein droit.
Pour
simplifier les démarches des commerces concernés, le préfet, après avoir
accordé une autorisation à un commerce, pourra étendre cette autorisation à
plusieurs entreprises éligibles dans les mêmes conditions sans que les
employeurs aient à déposer des demandes individuelles.
S’agissant
des salariés, travailler le dimanche doit reposer sur le volontariat, ouvrir
droit au double de la rémunération ou à un repos compensateur équivalent et donner
lieu à un autre jour de repos hebdomadaire.
L’employeur
devra en outre prendre toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés
d’exercer leur droit de vote lors des élections législatives des 30 juin et 7
juillet prochains (article L. 3132-25-4 du Code du travail).
Le
non-respect par l'employeur de ces règles pourra être sanctionné par une amende
de 1500 euros par salarié concerné, et 3000 euros en cas de récidive (décret n°2024-338 du 12 avril 2024).
Le repos hebdomadaire peut
être suspendu
Un décret du 23 novembre 2023 prévoit la possibilité exceptionnelle de suspendre
le repos hebdomadaire, entre le 18 juillet et le 14 août (excluant donc les
Jeux paralympiques), pour les établissements connaissant un surcroît
extraordinaire de travail pour les besoins de la captation, de la transmission,
de la diffusion et de la retransmission des compétitions, ainsi que pour
assurer les activités relatives à l'organisation des épreuves et au
fonctionnement des sites liés à l'organisation et au déroulement des Jeux
olympiques. Ces sites ont été précisés par arrêté ministériel du 11 mars 2024.
L’employeur
peut mettre en œuvre cette suspension sous sa seule responsabilité, sans
autorisation administrative préalable. Il doit seulement informer immédiatement
l'inspection du travail territorialement compétente et ce, sauf cas de force
majeure, avant le début de l’activité (article R. 3172-7 du Code du travail). Cette information doit mentionner les
circonstances qui justifient la suspension, la date et la durée de cette
suspension, le nombre de salariés auxquels elle s'applique, ainsi que les deux
jours de repos mensuels réservés aux salariés.
Cette
mesure doit rester exceptionnelle et ne peut être prise qu’en dernier recours,
et le repos quotidien et les durées maximales de travail quotidiennes et
hebdomadaires ainsi que des temps de repos minimum doivent être respectés. La
suspension du repos est limitée à deux par mois et six par an (article L. 3132-5 du Code du travail).
Les
heures travaillées pendant le jour de repos hebdomadaire sont rémunérées comme
des heures supplémentaires et ouvrent droit à un repos compensateur
immédiatement après le 14 août.
Pour
information, le Conseil d’État a rejeté le recours en annulation intenté par la CGT et la
CFDT contre le décret du 23 novembre 2023.