Dans le cadre d’un débat autour
du dernier rapport de la délégation aux entreprises du Sénat sur la responsabilité
sociétale des entreprises (RSE), le 10 janvier, les sénateurs ont rappelé que
si cette dernière est régulièrement accusée de greenwashing, elle reste cependant
une avancée importante. Pour attester de la sincérité des entreprises, la
délégation propose de doter la RSE d’un cadre législatif, afin de continuer à
en faire un atout pour les sociétés françaises.
La délégation aux entreprises du Sénat a organisé, le 10
janvier dernier, un débat autour des conclusions de son rapport intitulé « Faire de la responsabilité sociétale
des entreprises une ambition et un atout pour chaque entreprise ».
Il faut dire qu’à
l’heure actuelle, le sujet – a priori vertueux – de la RSE ne cesse de faire
couler de l’encre, les entreprises étant régulièrement taxées d’écoblanchiment
(greenwashing), accusées de mettre en avant de fausses préoccupations environnementales
pour se donner une image écolo. D’ailleurs, d’après une enquête journalistique intitulée
« The great green investment investigation », lancée par les
web médias néerlandais Follow The Money et Investico, avec une dizaine de partenaires européens, dont Le Monde, « la moitié des fonds durables investissent
encore dans des énergies fossiles, et même les fonds “super
verts” ».
Le rapport de la
délégation cite une étude de juillet 2021 qui indique en outre que « 69 % des salariés considèrent que la
raison d’être est d’abord une opération de communication, et 46 % des
dirigeants que ces changements statutaires sont surtout de l’affichage et que
rien ne garantit que l’entreprise s’engage réellement. »
Cependant, ce
constat va à l’encontre de l’évolution de la société qui « a des attentes de plus en plus fortes
vis-à-vis des entreprises. Elle attend de celles-ci que leur impact
environnemental soit le plus réduit possible, qu’elles traitent bien ses
employés, mais aussi qu'elles soient vigilantes sur leur impact global. La
rationalité économique ne doit plus être l'ennemi du vivant », précise Thomas Dossus, vice-président de la délégation et membre
des Verts.
Les entreprises
ont une responsabilité particulière
Pour Stéphane Sautarel du groupe les Républicains, la RSE
doit avant tout être sincère et exemplaire. Les entreprises en tant qu’acteurs
importants de la société ont une responsabilité particulière en matière de
durabilité et de responsabilité sociale.
En termes de responsabilité des entreprises, deux grands
concepts s’opposent, celle d’Edward Freeman et celle de Milton Friedmann. Pour
ce dernier, une entreprise appartient à ses actionnaires, son but est donc de
faire du profit. Tandis qu’Edward Freeman, théoricien du stakeholder,
pense que le rôle de l’entreprise est de répondre aux besoins des parties
prenantes. La RSE découle de cette théorie.
Jean-Pierre Moga, sénateur du groupe Union centriste,
considère que la RSE doit être perçue comme le contrepied de la libéralisation
et de la financiarisation de l’économie à partir de la fin des années 80 :
« Je pense que l'orientation de
l'épargne des entreprises et des ménages vers des activités vertueuses sur le
plan environnemental et social est indéniablement une avancée importante ».
Encadrer la
sincérité des entreprises
La délégation sénatoriale aux entreprises estime qu’un
cadre juridique ou un cadre collectif aiderait à attester de cette sincérité.
Stéphane Sautarel affirme que « la
RSE s'inscrit dans le dépassement de l'entité, à la fois en direction d'un
intérêt collectif qui la transcende et d'une attention individuelle réelle et
sincère qu'il habite ». Le sénateur rappelle que le rapport de Nicole
Notat et Jean-Dominique Senard sur la relation entre l'entreprise et l'intérêt
général, produit lors de la préparation de la loi PACTE en 2018, présente un
intérêt certain pour asseoir la légitimité, l'authenticité et la sincérité
nécessaires à la RSE.
Afin que la responsabilité sociétale des entreprises
assure son rôle, les membres de la délégation aux entreprises du Sénat défendent
donc la création de normes claires et strictes. Pour être un atout, elle doit
devenir une contrainte publique car « [elle] porte en elle
l'exigence de la transition climatique, la réduction des gaz à effet de serre
étant l'un des indicateurs de performances environnementales, sociales, et de
gouvernance (ESG) » précise Florence
Blatrix-Contat, sénatrice du groupe socialiste.
Selon la délégation, la RSE doit être à la portée de
toutes les entreprises. Pour cela, il est essentiel d’adapter les normes en
fonction de la taille et des moyens de l’entreprise. La délégation encourage
aussi un traitement identique entre les entreprises européennes et non
européennes.
Ces dernières sont aujourd’hui confrontées à de multiples
défis, dont celui de la compétitivité face à une concurrence internationale
toujours plus aiguisée, et celui de la transition énergétique et écologique,
décrypte Florence Blatrix-Contat. La sénatrice a expliqué que pour pallier ces
défis, il est fondamental d'adapter tout le processus de production et de
services aux impératifs du changement climatique mais aussi au défi du capital
humain. Elle a également profité de
l’occasion pour rappeler que la France fait partie des pays leaders en termes de
RSE et doit dorénavant maintenir son leadership afin d’en faire un atout pour
les entreprises françaises.
Tina Millet
Crédit photo : cristianstorto