Élaboré avec l’ensemble des parties impliquées (associations de
patients, pouvoirs publics, professionnels de santé et de la recherche et
industriels), le 4e Plan national maladies rares (PNMR) 2025-2030, lancé fin
février 2025, a vocation à améliorer la prise en charge des personnes atteintes
et de leur entourage, à accélérer le développement de nouveaux traitements et à
stimuler l'innovation industrielle. Décryptage.
« Tout d’abord, nous sommes contents que ce Plan existe, ce qui, dans le
contexte politique actuel, avec des ministres de la Santé qui se sont succédé
les uns aux autres, n’avait rien d’évident, » rappelle, en préambule, Hélène
Berrué-Gaillard, présidente de l’Alliance maladies rares (AMR). « Pour
ce qui est de son contenu, son articulation est on ne peut plus logique dans la
mesure où il procède à un état des lieux et pose un cadre de travail. Enfin, il
précise le chemin à parcourir pour atteindre les objectifs, lesquels sont
parfaitement identifiés. En revanche, les moyens pour y arriver ne sont pas
toujours suffisamment détaillés. »
Il n’en reste pas moins que les choses
vont dans le bon sens : « Nous ne sommes plus la cinquième roue du carrosse
car les autorités sanitaires ont pris conscience que 3 millions de Français
sont impactés. En revanche, elles ont encore du mal à comprendre nos maladies
parce qu’elles sont une somme de cas et de problématiques différents. Nous ne
rentrons pas dans des cases. »
Au fait, qu’est-ce qu’une maladie rare ? L’Union européenne considère
qu’une pathologie est rare lorsqu’elle ne touche pas plus de 5 personnes sur 10 000
sur son territoire. Pour autant, ce n’est pas un épiphénomène sanitaire. On en
recense en effet pas moins de 7 000 qui, pour 70 % d’entre elles, sont
diagnostiquées dans l’enfance. Et 51 % ont une forte incidence sur la vie
quotidienne. Surtout, elles affectent 30 millions de personnes en Europe et 300
millions dans le monde.
« Prendre en compte toutes les singularités »
« Il ne s’agit pas pour autant d’adopter une politique qui accentue
cette rareté. Il s’agit plutôt de mettre en place une politique qui permette de
prendre en compte toutes les singularités », peut-on lire dans le PNM.
Comment ? « L’objectif est de rapprocher le patient de l’expert diagnostic
et de les amener ensemble vers le traitement et la recherche. Pour cela, il
faut aller au-delà des frontières existantes, trouver dans l’innovation les
ressources nécessaires et puiser dans l’international les solutions qui
pourront bénéficier au national. » Voilà pour la philosophie générale.
Bref, il faut faire mieux partout afin « de promouvoir un
environnement très favorable pour créer de l’émulation scientifique ; de
permettre l’élaboration d’essais cliniques et leurs financements en s’appuyant
sur des bases de données solides et d’améliorer les parcours de soins et de vie
». À l’aune de ce cahier des charges qui se veut à 360 degrés, le 4e PNMR
se décline autour de quatre axes : le quotidien ; le diagnostic ;
l’accès au traitement ; et les biobanques.
Améliorer le parcours de vie et de soins
Comme l’énonce le Plan, il en va, ici, tant de la prise en charge
médicale de la personne que de ses conditions d’existence au quotidien. En
effet, « le parcours du patient atteint d’une maladie rare reste complexe
avec un fort besoin de coordination des acteurs car il s’inscrit non seulement
dans un parcours de santé et de soins mais, surtout, dans un parcours de vie.
Il y a, pour les maladies rares, une vraie spécificité des étapes de transition
(adolescence, grossesse, vieillissement) pour lesquelles le suivi est complexe
et pluridisciplinaire. »
À cela s’ajoute, bien souvent, l’éloignement géographique des centres
experts. Ce qui, au passage, justifie de faciliter leur accès par les patients
en renforçant leur maillage territorial, en Métropole et en outre-Mer. Il est
également envisagé d’instaurer un guichet unique maladies rares dans chaque
région, destiné à rassembler tous les acteurs concernés. Le tout en lien avec
les plates-formes régionales de coordination de soins dédiées aux maladies
rares, lesquelles avaient été lancées par le précédent PNMR.
D’où la nécessité d’optimiser le repérage et l’adressage des personnes
vers un centre de référence, notamment par un soutien renforcé à l’information
et à la formation sur les maladies rares. Il s’agit aussi d’améliorer la prise
en soins du patient à l’hôpital mais également la coordination globale du
parcours de vie des personnes.
Le plan veut promouvoir la sensibilisation, l’information et
l’investissement dans les outils numériques en santé pour mettre fin à
l’errance diagnostic et faire en sorte que tous les malades soient en relation
avec un centre expert dans l’année de survenue des premiers symptômes, mais
aussi pour améliorer la coordination de tous les acteurs des parcours de soin
et de vie.
Il vise par ailleurs à instaurer des référents maladies rares et
handicaps rares dans les hôpitaux, les Agences régionales de santé (ARS) et les
Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Faciliter et accélérer le diagnostic
Cette étape impose de continuer à réduire l’errance et l’impasse
diagnostic en s’appuyant sur l’Agence de biomédecine (ABM) et l’implication des
filières de santé maladies rares. Autre visée, raccourcir les délais d’accès au
diagnostic. « Cela passe par la transformation et l’accélération de la
politique de dépistage néonatal (et), à terme, l’implémentation de la génétique
dans la stratégie nationale de dépistage. La fœtopathologie doit être valorisée
au vu de sa contribution au parcours des familles », suggère le Plan qui
plaide pour une utilisation accrue des nouvelles technologies.
Outre le fait de renforcer l’articulation entre l’existant (Plan France
médecine génomique 2025 ; Plan sur la procréation, l’embryologie et la
génétique humaines ; laboratoires de biologie moléculaire…), le but est de
développer les registres des errances et des impasses diagnostiques afin
d’identifier les situations problématiques.
Par ailleurs, il apparaît pertinent de renforcer le rôle du patient dans
son parcours, notamment au travers des programmes d’Éducation thérapeutique
(ETP), et de soutenir les bonnes pratiques de diagnostic et de soins en les
cristallisant dans des Protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS).
La formation des professionnels de santé est tout autant incontournable. À la
clef, la formalisation de nouveaux outils pédagogiques et le déploiement de
programmes certifiants sur les maladies rares afin de les sensibiliser dès
l’université à ces problématiques spécifiques.
Promouvoir l’accès aux traitements dans les maladies rares
Il est question de favoriser l’accès, pour les maladies rares, aux
traitements existants et ce, hors autorisation de mise sur le marché (AMM). De
même, par-delà le recours garanti aux médicaments existants, il parait
indispensable de trouver des solutions réglementaires relatives aux dispositifs
médicaux novateurs afin de permettre aux personnes touchées par une maladie
rare d’en bénéficier rapidement.
« Pour ce qui est des traitements, il y a
beaucoup de prescriptions hors AMM, confirme Hélène Berrué-Gaillard. « Cela
nous contraint de faire des demandes d’accès compassionnel, qui est une
procédure extrêmement longue. Et puis nous sommes toujours confrontés au même
problème : comment l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits
de santé (ANSM) peut-elle évaluer le bénéfice-risque quand cela ne concerne que
quinze malades ? Dans ce domaine, le Plan ne va pas assez loin d’autant que
l’ANSM n’a pas suffisamment des ressources internes pour traiter toutes les
demandes », déplore Hélène Berrué-Gaillard.
La présidente de l’AMR souhaite également que le code Orphanet, lequel
sert à répertorier et à référencer les diverses pathologies, soit davantage
usité pour les maladies rares, notamment dans les logiciels métiers mais aussi
dans Mon espace santé auquel ont accès les professionnels de santé de
ville tels les pharmaciens. Ce qui leur offre un descriptif précis de la
maladie et favorise à la fois une meilleure compréhension, de leur part, des
prescriptions ainsi que le dialogue avec les patients. Ces derniers n’ont, de
surcroît, plus à devoir, à chaque fois, expliquer de long en large de quoi ils
sont atteints.
Développer les bases de données et les biobanques
« Le partage des données, s’il est nécessaire dans de nombreux domaines,
l’est encore plus dans le domaine des maladies rares du fait de leur rareté et
ce, aux différentes échelles nationale, européenne et internationale », insiste le Plan.
Sachant que « les bases
de données maladies rares sont actuellement nombreuses et pâtissent d’une
organisation hétérogène et de moyens insuffisants pour faire face aux nouvelles
exigences de conformité (RGPD...) et de sécurité (risques cyber) ou encore,
pour développer les interconnexions entre les bases existantes ». D’où,
pêle-mêle, un besoin de simplification, qu’il s’agisse de l’information des
personnes touchées, de la saisie des données, du référencement et de la
connexion aux bases de données européennes.
En somme, pour faciliter l’utilisation des données relatives aux
patients atteints de pathologies rares, il convient de faire preuve de
davantage de flexibilité. Par exemple, en favorisant la reconnaissance des
cohortes et des biobanques ainsi que l’utilisation de l’IA.
En toile de fond, la volonté réaffirmée d’encourager l’innovation et la
recherche. Cependant, tempère Hélène Berrué-Gaillard, les moyens octroyés en la
matière « ne sont pas suffisamment ambitieux ». Une constante par les
temps qui courent.
Alexandre Terrini
Pi+