Le travail du professeur de droit public sur la nomination des juges de
la Cour suprême aux États-Unis a emballé le jury. Exceptionnellement, un coup
de cœur pour une bande-dessinée sur les droits des femmes a également été
attribué.
Pour sa treizième édition organisée
le 4 juin au Pavillon Ledoyen à Paris, le prix Olivier Debouzy a tourné son
regard vers les États-Unis. Ce concours, baptisé en hommage au juriste dont « l'esprit
décalé et original » a une nouvelle fois été rappelé par les
organisateurs, est orchestré par le Club des juristes et le cabinet
August-Debouzy. Il récompense chaque année depuis 2011 la meilleure publication
juridique.
Après Olivier Lasmoles l'an
passé pour Le droit pénal fait son cinéma (LexisNexis, 2022), c'est
Julien Jeanneney qui l'a emporté avec Une fièvre américaine : choisir les
juges de la Cour suprême (CNRS Éditions, 2024) parmi la quarantaine de
candidatures. Le jury, représenté par l'avocat Gilles August, associé
co-fondateur du cabinet August-Debouzy, a salué « la précision et
l'intelligence de ce texte qui fait une description préoccupante des États-Unis ».
Dans son ouvrage, le
professeur de droit public à l'Université de Strasbourg s'attache à remonter
l'histoire des nominations des juges suprêmes américains et démontre comment
cet événement juridique, potentiellement froid et aride, est un pilier de la
vie politique outre-Atlantique. Il a pour cela profité d'un séjour de recherche
à l’université de Yale, afin d’éplucher la mine d'or que sont les
comptes-rendus d'audition devant le Sénat des prétendants à la Cour suprême.
Quand justice et
politique se côtoient
A chaque nomination, ces
âpres temps de question auxquels sont soumis les juges candidats reflètent
toutes les interrogations et les idées qui traversent le pays. De l'abolition
de l'esclavage à l'IVG, en passant par la répartition des pouvoirs ou le port
des armes, ces moments à la fois politiques et juridiques sont au cœur de la
démocratie américaine. « Tous les trois ou quatre ans, selon les
nominations, c'est l'occasion pour le pays de faire le point sur lui-même et de
débattre des grandes questions qui l'animent », a commenté Julien
Jeanneney.
Ce carrefour entre justice et
politique a séduit le jury. « Dans une époque où de nombreuses
positions politiques fortes sont prises par les juges, où partout le politique
et le judiciaire se rapprochent, et où le doute sur l'indépendance de la
justice grandit, ce travail sur le système américain est éclairant »,
a estimé Gilles August.
Julien Jeanneney a enfin fait
un clin d'œil à la situation française. Depuis la réforme constitutionnelle de
2008, les candidats à la rue Montpensier doivent répondre aux questions des
parlementaires, un dispositif inspiré des États-Unis. Mais, comme l'a observé
le professeur de droit public, « rien à voir avec les auditions pour la
Cour suprême ». « Si celles-ci sont critiquables, elles sont
bien plus précises et utiles que celles organisées en France », tacle
l’universitaire.
Un
coup de cœur pour les droits des femmes
Une fois n'est pas coutume,
les organisateurs du prix Olivier Debouzy et le Club des juristes ont choisi d’honorer
un second ouvrage juridique. S'il ne faut pas y voir la création d'un nouveau
prix, le jury a tenu à mettre en avant un « coup de cœur » :
la bande-dessinée Les droits des femmes (Gualino, 2024), co-écrite par
Isabelle Rome et Juliette Mel et illustrée par Mouche Cousue. « Le
format original et le sujet d'utilité publique ont suscité l'engouement »,
a expliqué le jury.
L'ouvrage de l'avocate
Juliette Mel et de la magistrate et ancienne ministre déléguée chargée de
l'Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, revient sur des
décennies de lutte pour les droits des femmes. Leurs textes résonnent avec le
dessin de l'illustratrice et juriste Mouche Cousue pour offrir un regard fort
sur l'histoire des défis que les femmes ont dû relever pour ancrer leur liberté
dans le droit.
Seule lauréate présente lors
de la cérémonie, Juliette Mel a remercié le jury mais surtout son éditeur pour
sa confiance. « Publier une bande-dessinée est un projet particulier
pour un éditeur juridique mais je crois que ce peut être un format percutant et
pédagogique pour parler de droit », a déclaré l’artiste.
Comme depuis quatre ans, un
dessin de presse a également été récompensé puisqu'Olivier Debouzy, dessinateur
à ses heures perdues, était un grand amateur de caricatures. Parmi une
quarantaine de dessins envoyés, celui d'Ysope a été retenu. Déjà lauréat de la
première édition, le dessinateur marseillais l'a emporté avec un croquis en
référence aux Jeux olympiques, le thème de cette année. Moquant l'objectif de
baignade dans la Seine et les polémiques sur le burkini, le dessin d'Ysope
avait tout pour faire rire un public de juristes.
Louis Faurent