CULTURE

Le prix Debouzy 2024 récompense Julien Jeanneney pour sa « Fièvre américaine »

Le prix Debouzy 2024 récompense Julien Jeanneney pour sa « Fièvre américaine »
Le jury a été séduit par le travail « éclairant » du professeur de droit public
Publié le 06/06/2024 à 14:57
Le travail du professeur de droit public sur la nomination des juges de la Cour suprême aux États-Unis a emballé le jury. Exceptionnellement, un coup de cœur pour une bande-dessinée sur les droits des femmes a également été attribué.

Pour sa treizième édition organisée le 4 juin au Pavillon Ledoyen à Paris, le prix Olivier Debouzy a tourné son regard vers les États-Unis. Ce concours, baptisé en hommage au juriste dont « l'esprit décalé et original » a une nouvelle fois été rappelé par les organisateurs, est orchestré par le Club des juristes et le cabinet August-Debouzy. Il récompense chaque année depuis 2011 la meilleure publication juridique.

Après Olivier Lasmoles l'an passé pour Le droit pénal fait son cinéma (LexisNexis, 2022), c'est Julien Jeanneney qui l'a emporté avec Une fièvre américaine : choisir les juges de la Cour suprême (CNRS Éditions, 2024) parmi la quarantaine de candidatures. Le jury, représenté par l'avocat Gilles August, associé co-fondateur du cabinet August-Debouzy, a salué « la précision et l'intelligence de ce texte qui fait une description préoccupante des États-Unis ».

Dans son ouvrage, le professeur de droit public à l'Université de Strasbourg s'attache à remonter l'histoire des nominations des juges suprêmes américains et démontre comment cet événement juridique, potentiellement froid et aride, est un pilier de la vie politique outre-Atlantique. Il a pour cela profité d'un séjour de recherche à l’université de Yale, afin d’éplucher la mine d'or que sont les comptes-rendus d'audition devant le Sénat des prétendants à la Cour suprême.

Quand justice et politique se côtoient

A chaque nomination, ces âpres temps de question auxquels sont soumis les juges candidats reflètent toutes les interrogations et les idées qui traversent le pays. De l'abolition de l'esclavage à l'IVG, en passant par la répartition des pouvoirs ou le port des armes, ces moments à la fois politiques et juridiques sont au cœur de la démocratie américaine. « Tous les trois ou quatre ans, selon les nominations, c'est l'occasion pour le pays de faire le point sur lui-même et de débattre des grandes questions qui l'animent », a commenté Julien Jeanneney.

Ce carrefour entre justice et politique a séduit le jury. « Dans une époque où de nombreuses positions politiques fortes sont prises par les juges, où partout le politique et le judiciaire se rapprochent, et où le doute sur l'indépendance de la justice grandit, ce travail sur le système américain est éclairant », a estimé Gilles August.

Julien Jeanneney a enfin fait un clin d'œil à la situation française. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les candidats à la rue Montpensier doivent répondre aux questions des parlementaires, un dispositif inspiré des États-Unis. Mais, comme l'a observé le professeur de droit public, « rien à voir avec les auditions pour la Cour suprême ». « Si celles-ci sont critiquables, elles sont bien plus précises et utiles que celles organisées en France », tacle l’universitaire.

Un coup de cœur pour les droits des femmes

Une fois n'est pas coutume, les organisateurs du prix Olivier Debouzy et le Club des juristes ont choisi d’honorer un second ouvrage juridique. S'il ne faut pas y voir la création d'un nouveau prix, le jury a tenu à mettre en avant un « coup de cœur » : la bande-dessinée Les droits des femmes (Gualino, 2024), co-écrite par Isabelle Rome et Juliette Mel et illustrée par Mouche Cousue. « Le format original et le sujet d'utilité publique ont suscité l'engouement », a expliqué le jury.

L'ouvrage de l'avocate Juliette Mel et de la magistrate et ancienne ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, revient sur des décennies de lutte pour les droits des femmes. Leurs textes résonnent avec le dessin de l'illustratrice et juriste Mouche Cousue pour offrir un regard fort sur l'histoire des défis que les femmes ont dû relever pour ancrer leur liberté dans le droit.

Seule lauréate présente lors de la cérémonie, Juliette Mel a remercié le jury mais surtout son éditeur pour sa confiance. « Publier une bande-dessinée est un projet particulier pour un éditeur juridique mais je crois que ce peut être un format percutant et pédagogique pour parler de droit », a déclaré l’artiste.

Comme depuis quatre ans, un dessin de presse a également été récompensé puisqu'Olivier Debouzy, dessinateur à ses heures perdues, était un grand amateur de caricatures. Parmi une quarantaine de dessins envoyés, celui d'Ysope a été retenu. Déjà lauréat de la première édition, le dessinateur marseillais l'a emporté avec un croquis en référence aux Jeux olympiques, le thème de cette année. Moquant l'objectif de baignade dans la Seine et les polémiques sur le burkini, le dessin d'Ysope avait tout pour faire rire un public de juristes.

Louis Faurent

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