L’adoption définitive de cette
loi qui doit « venir en aide à une agriculture à bout de souffle »,
mardi 8 juillet, n’aura pas clos le débat. Quelques heures à peine après le
vote du texte, les groupes socialiste et insoumis ont annoncé leur intention de
saisir le Conseil constitutionnel.
La loi Duplomb n’en finit
plus de susciter la controverse. « Une tromperie », un « contournement
antidémocratique »… Fermement opposés au texte, les parlementaires de
gauche ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel, ce mardi 8
juillet, en soulevant des interrogations quant à sa conformité avec plusieurs
principes à valeur constitutionnelle, notamment ceux relevant de la Charte de
l’environnement.
Mais, outre le fond, c’est la
méthode employée pour faire passer ce texte qui a cristallisé la colère des groupes
PS et insoumis. Avec une manœuvre inédite dans l’histoire parlementaire, et pour
faire face aux multiples amendements déposés par l’opposition - une stratégie d’obstruction
assumée : plus de 3 400 amendements avaient été déposés sur le texte, dont
2 300 par les groupes écologiste et social et insoumis -, le rapporteur (LR) du
texte, Julien Dive, avait utilisé une motion de rejet préalable.
Adoptée à la surprise
générale, cette motion a eu pour effet de renvoyer directement le texte en
commission mixte paritaire, sans examen en séance. Une fois l’accord trouvé
entre députés et sénateurs – majoritairement de droite, ils avaient approuvé le
texte en janvier –, l’Assemblée nationale n’a eu à se prononcer que sur le
texte consolidé, finalement adopté avec 316 voix contre 223.
La députée de Haute-Vienne
Manon Meunier (LFI) a ainsi dénoncé « un putsch d’Arnaud Rousseau (président
de la FNSEA, ndlr) qui occupe maintenant le fauteuil du ministère de
l’agriculture ». « Il s’agit d’un 49.3 sans gouvernement », tonnait
aussi, en mai, la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, en marge du dépôt
d’une motion de censure symbolique.
Au-delà de l’arbitrage sur
les manœuvres législatives des auteurs de la loi, les objectifs du recours sont également de « faire
échec à ce texte régressif, réagit Océane Godard, députée PS de Côte d’Or,
sur le site creusot-info.fr. La transition agroécologique est le seul chemin
qui permettra de concilier souveraineté alimentaire, renouvellement des
générations et respect de la santé humaine et environnementale. »
La proposition de loi, portée
initialement au Sénat par les élus LR Laurent Duplomb et Franck Menonville, et soutenue
par la majorité présidentielle, visait à « réarmer » les agriculteurs
face à ce qui a été appelé un « mur normatif ».
Présentée comme une réponse
aux mobilisations des agriculteurs du début de l’année 2025, la loi entend
faciliter l’installation agricole, alléger certaines procédures
environnementales et, mesure des plus polémiques, réintroduire temporairement
l’usage de l’acétamipride, un néonicotinoïde interdit au niveau européen depuis
2018. Ce point concentre une large part des critiques formulées par les
associations environnementales, les militants écologistes et les parlementaires
de gauche, qui dénoncent un véritable « retour en arrière environnemental
».
La réintroduction de
l’acétamipride, sans évaluation préalable de l’Agence nationale de sécurité
sanitaire (ANSES), soulève selon les opposants à la loi Duplomb une violation
du principe de précaution, inscrit à l’article 5 de la Charte de
l’environnement. Ils mettent également en avant le principe de non-régression,
consacré par le Conseil constitutionnel depuis sa décision n°2018-771 DC du 6
août 2018 relative à la loi « ESSOC », et selon lequel le législateur ne peut,
sans justification suffisante, adopter des dispositions régressives en matière
de protection de l’environnement.
Les députés socialistes ont
par ailleurs insisté sur l’absence de mesures structurelles dans le texte. Dans
un communiqué publié le jour du vote, ils ont dénoncé une loi « idéologique
», qui « entretient la confusion entre normes protectrices et obstacles
bureaucratiques », « sans apporter de réponse durable aux
difficultés économiques du monde agricole ».
Le Conseil constitutionnel,
dont la jurisprudence en matière environnementale s’est progressivement
enrichie depuis 2005, devra donc arbitrer entre la volonté législative de
simplification et la nécessité de garantir un haut niveau de protection de la
santé et de l’environnement. Sa décision est attendue d’ici la fin juillet. La
loi Duplomb reste d’ici là suspendue.
Mylène
Hassany