DROIT

La loi Duplomb dans le viseur des députés de gauche, un recours déposé au Conseil constitutionnel

La loi Duplomb dans le viseur des députés de gauche, un recours déposé au Conseil constitutionnel
Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire, a fustigé "l'asphyxie" des amendements.
Publié le 09/07/2025 à 18:26

L’adoption définitive de cette loi qui doit « venir en aide à une agriculture à bout de souffle », mardi 8 juillet, n’aura pas clos le débat. Quelques heures à peine après le vote du texte, les groupes socialiste et insoumis ont annoncé leur intention de saisir le Conseil constitutionnel.

La loi Duplomb n’en finit plus de susciter la controverse. « Une tromperie », un « contournement antidémocratique »… Fermement opposés au texte, les parlementaires de gauche ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel, ce mardi 8 juillet, en soulevant des interrogations quant à sa conformité avec plusieurs principes à valeur constitutionnelle, notamment ceux relevant de la Charte de l’environnement.

Mais, outre le fond, c’est la méthode employée pour faire passer ce texte qui a cristallisé la colère des groupes PS et insoumis. Avec une manœuvre inédite dans l’histoire parlementaire, et pour faire face aux multiples amendements déposés par l’opposition - une stratégie d’obstruction assumée : plus de 3 400 amendements avaient été déposés sur le texte, dont 2 300 par les groupes écologiste et social et insoumis -, le rapporteur (LR) du texte, Julien Dive, avait utilisé une motion de rejet préalable.

Adoptée à la surprise générale, cette motion a eu pour effet de renvoyer directement le texte en commission mixte paritaire, sans examen en séance. Une fois l’accord trouvé entre députés et sénateurs – majoritairement de droite, ils avaient approuvé le texte en janvier –, l’Assemblée nationale n’a eu à se prononcer que sur le texte consolidé, finalement adopté avec 316 voix contre 223.

La députée de Haute-Vienne Manon Meunier (LFI) a ainsi dénoncé « un putsch d’Arnaud Rousseau (président de la FNSEA, ndlr) qui occupe maintenant le fauteuil du ministère de l’agriculture ». « Il s’agit d’un 49.3 sans gouvernement », tonnait aussi, en mai, la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, en marge du dépôt d’une motion de censure symbolique.

Au-delà de l’arbitrage sur les manœuvres législatives des auteurs de la loi, les objectifs du recours sont également de « faire échec à ce texte régressif, réagit Océane Godard, députée PS de Côte d’Or, sur le site creusot-info.fr. La transition agroécologique est le seul chemin qui permettra de concilier souveraineté alimentaire, renouvellement des générations et respect de la santé humaine et environnementale. »

La proposition de loi, portée initialement au Sénat par les élus LR Laurent Duplomb et Franck Menonville, et soutenue par la majorité présidentielle, visait à « réarmer » les agriculteurs face à ce qui a été appelé un « mur normatif ».

Présentée comme une réponse aux mobilisations des agriculteurs du début de l’année 2025, la loi entend faciliter l’installation agricole, alléger certaines procédures environnementales et, mesure des plus polémiques, réintroduire temporairement l’usage de l’acétamipride, un néonicotinoïde interdit au niveau européen depuis 2018. Ce point concentre une large part des critiques formulées par les associations environnementales, les militants écologistes et les parlementaires de gauche, qui dénoncent un véritable « retour en arrière environnemental ».

La réintroduction de l’acétamipride, sans évaluation préalable de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), soulève selon les opposants à la loi Duplomb une violation du principe de précaution, inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement. Ils mettent également en avant le principe de non-régression, consacré par le Conseil constitutionnel depuis sa décision n°2018-771 DC du 6 août 2018 relative à la loi « ESSOC », et selon lequel le législateur ne peut, sans justification suffisante, adopter des dispositions régressives en matière de protection de l’environnement.

Les députés socialistes ont par ailleurs insisté sur l’absence de mesures structurelles dans le texte. Dans un communiqué publié le jour du vote, ils ont dénoncé une loi « idéologique », qui « entretient la confusion entre normes protectrices et obstacles bureaucratiques », « sans apporter de réponse durable aux difficultés économiques du monde agricole ».

Le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence en matière environnementale s’est progressivement enrichie depuis 2005, devra donc arbitrer entre la volonté législative de simplification et la nécessité de garantir un haut niveau de protection de la santé et de l’environnement. Sa décision est attendue d’ici la fin juillet. La loi Duplomb reste d’ici là suspendue.

Mylène Hassany

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