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Le véhicule de collection : définition et régime

Le véhicule de collection : définition et régime
Publié le 19/05/2020 à 11:13


La Ford T, la Traction Avant ou la DS, la Jaguar Type E… autant de voitures mythiques qui font encore rêver. Témoins incontestables d’une histoire industrielle, les véhicules de collection – en plus de ravir des collectionneurs spécialisés – présentent un intérêt patrimonial aujourd’hui bien établi, qui justifie leur préservation et leur protection dans l’intérêt public.

Toutefois, à l’heure de préoccupations grandissantes pour le respect de l’environnement mais aussi pour la sécurité routière, aussi bien à l’échelle communale, nationale, européenne qu’internationale, les véhicules sont soumis à des normes de plus en plus restrictives en termes d’émissions polluantes et de systèmes de sécurité, auxquelles les véhicules de collection ne peuvent se conformer.

Or, l’attrait pour les véhicules de collection, composante nécessaire de leur protection, serait bien moindre si le possesseur d’un véhicule de collection ne pouvait circuler avec son véhicule sur la voie publique. Comment alors concilier, d’une part, les intérêts légitimes de protection du patrimoine historique que représentent les véhicules de collection et, d’autre part, la santé publique ?

Sous l’égide de la Fédération française des véhicules d’époque ( FFVE), association reconnue d’utilité publique par décret du 9 février 2009 dont l’objet est « d’encourager, de coordonner et de développer en France le mouvement général de la conservation, de l’utilisation et de la collection de tout véhicule ancien, quelle qu’en soit la nature », le développement de la définition du véhicule de collection et son régime témoignent d’une tentative d’aménagement de ces préoccupations à première vue contradictoires.

 

Définition

La définition du véhicule de collection a suivi un mouvement restrictif en deux temps, inversement proportionnel à l’assouplissement de son régime. La construction normative relative aux véhicules de collection a effectivement émergé à l’occasion de deux réformes majeures : la première relative au système d’immatriculation des véhicules (SIV) en avril 2009 et la seconde sur les nouvelles exigences en matière de contrôle technique en février 2017.

Selon la définition actuelle du Code de la route, pour être de collection, un véhicule doit remplir trois conditions cumulatives. Précisons que le terme de « véhicule » est entendu de façon large et comprend tant les automobiles que les motos, camions, cyclomoteurs, tracteurs agricoles ou remorque, qui peuvent être civils ou militaires.

La première condition est une condition liée à l’ancienneté du véhicule. Condition commune à la définition actuelle et ancienne du véhicule de collection, elle est allée vers une restriction des véhicules concernés puisque le véhicule de collection doit désormais être âgé de plus de trente ans, contre vingt-cinq jusqu’à la réforme du SIV de 2009. En pratique, sont donc concernés les véhicules dont l’année de fabrication ou de première mise en circulation est antérieure à 1990.

Zone de Texte: © ThesupermatLa deuxième condition exige que le type particulier du véhicule, pour être de collection, ne soit plus produit. Autrement dit, les caractéristiques relatives à la conception et l’assemblage des pièces essentielles de la structure et de la carrosserie du véhicule ne doivent plus être fabriquées par le constructeur.

Enfin, pour que le véhicule soit de collection, aucune modification essentielle ne doit avoir été apportée aux caractéristiques techniques des composants principaux de celui-ci, à savoir châssis/cadre, moteur, boîte, pont, carrosserie et suspensions. Ainsi, seuls les véhicules dans leur état d’origine peuvent prétendre à la qualification de véhicule de collection, ce qui en pratique implique que toute modification ou remplacement doivent être réalisés avec des pièces d’origine. Par conséquent, les répliques et les reproductions ne peuvent être classées dans la catégorie des véhicules de collection.

Les véhicules qui remplissent les trois conditions cumulatives précédentes de plus de trente ans, qui ne sont plus produits et dont les caractéristiques n’ont pas été modifiées sont tous considérés comme présentant un intérêt historique, indépendamment donc de tout autre critère de valeur, de rareté ou de marché, par exemple.

Signalons que la définition susvisée du Code de la route est désormais alignée sur la définition fiscale du véhicule de collection qui, depuis 2014, présente les trois mêmes critères cumulatifs, ce qui facilite la lecture du régime applicable aux véhicules de collection. Pour être complet, il convient d’ajouter qu’il existe une tolérance administrative qui inclut en tant que véhicules de collection les véhicules automobiles dont, quelle que soit la date de fabrication, il peut être prouvé qu’ils ont participé à un événement historique, et les véhicules automobiles de compétition dont il peut être prouvé qu’ils ont été conçus, construits et utilisés exclusivement pour la compétition et qu’ils possèdent un palmarès sportif significatif acquis lors d’événements nationaux ou internationaux prestigieux.

 

Régime

Pour circuler sur la voie publique, les véhicules de collection qui répondent à la définition réglementaire, à l’instar du reste du parc roulant, doivent disposer d’un certificat d’immatriculation (ou « carte grise » selon la formulation ancienne encore utilisée dans le langage courant). Il n’est pas inutile de rappeler ici que le certificat d’immatriculation n’est pas un titre de propriété mais le document administratif qui autorise le véhicule à circuler.

Les véhicules de collection peuvent être immatriculés, selon la procédure habituelle, avec les obligations corrélatives notamment en termes de contrôle technique. Ils peuvent également prétendre à un certificat d’immatriculation de collection, mentionnant l’usage spécifique « de collection », dont découle un régime dérogatoire du droit commun.

Si l’immatriculation du véhicule de collection selon le régime normal ou en usage de collection relève du choix discrétionnaire de son propriétaire, les avantages de l’immatriculation en usage de collection sont tels que l’alternative présente  peu d’intérêt. En effet, alors que de nombreux véhicules anciens ne passeraient pas le crible du contrôle technique, le régime de faveur réservé aux véhicules immatriculés en usage de collection leur permet de circuler librement sur la voie publique.

Avant 2009, les véhicules en certificat d’immatriculation de collection étaient soumis à des restrictions de circulation très importantes puisqu’ils n’étaient libres de circuler que dans le département d’immatriculation et les départements limitrophes, sauf pour se rendre à des rallyes ou autres manifestations auxquelles ils pouvaient être appelés à participer. Cette limitation a été abandonnée en 2009, et les véhicules de collection sont désormais autorisés à circuler sur l’ensemble du territoire national sans restriction géographique de circulation. Les véhicules immatriculés en collection peuvent donc se rendre, librement, partout en France et à l’étranger (dans les pays autorisés par la carte verte de l’assurance). Les véhicules immatriculés en usage de collection peuvent notamment circuler dans les communes et agglomérations qui ont pourtant restreint leurs conditions de circulation à certaines voitures anciennes dans le cadre de la lutte contre la pollution ; c’est notamment le cas à Paris les véhicules de collection sont autorisés à circuler alors que tous les véhicules antérieurs à 2001 (véhicules Crit’Air 4) sont depuis le 1er juillet 2019 interdits à la circulation.

Les véhicules de collection étaient initialement exemptés de tout contrôle technique ; ce qui se comprenait au vu notamment des restrictions de circulations auxquelles ils étaient soumis jusqu’en 2009. L’abandon de ces restrictions géographiques à la circulation s’est accompagné en contrepoint de la soumission des véhicules de collection au contrôle technique. Toutefois, les obligations en termes de contrôle technique sont allégées pour ces véhicules, qui restent en pratique rarement utilisés sur la voie publique.

Les véhicules de collection légers (poids total autorisé en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes) et dont la mise en circulation est antérieure au 1er janvier 1960 ainsi que les véhicules poids lourds (poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes) sont totalement exemptés de contrôle technique, sauf lors de leur premier passage en carte grise de collection et changement de propriétaire simultané.

Les véhicules de collection dont la mise en circulation est postérieure au 1er janvier 1960, en plus de l’obligation de contrôle technique lors de leur première immatriculation en usage de collection et lors de changement de propriétaire, doivent également être soumis à un contrôle technique périodique tous les cinq ans (par opposition aux échéances de six mois précédant un délai de quatre ans à compter de la date de première mise en circulation, puis tous les deux ans pour les véhicules en immatriculation « normale »). D’un point de vue pratique, les essais réalisés lors des contrôles techniques peuvent être adaptés pour répondre à la fragilité des véhicules anciens de collection.

Parmi les autres avantages de l’immatriculation en véhicule à usage de collection, figurent l’autorisation dérogatoire de conserver le format de la plaque d’immatriculation d’origine (chiffres blancs sur fond noir et sans identifiant territorial) et l’exemption de la procédure VTI (véhicule techniquement irréparable) en cas d’accident. Seul revers à l’immatriculation en usage de collection, les véhicules ne peuvent être utilisés que pour un usage personnel, ce qui exclut toute utilisation professionnelle et commerciale du véhicule, comme la location.

L’obtention d’un certificat d’immatriculation de collection suit une procédure en deux étapes. Le propriétaire du véhicule doit dans un premier temps obtenir une attestation établie soit par le constructeur ou son représentant en France, soit par  la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE), certifiant que le véhicule répond à la définition réglementaire du véhicule de collection, autrement dit que les trois conditions sont bien remplies et peut être immatriculé avec l’usage véhicule de collection. Puis, dans un second temps, sur la foi de cette attestation, le propriétaire du véhicule doit solliciter la délivrance du certificat d’immatriculation de collection auprès de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Toute fausse déclaration est susceptible de constituer une infraction pénale, dont les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en vertu des articles 441-6 et 441-7 du Code pénal.

À l’épreuve des enjeux contemporains de préservation du climat et de sécurisation des transports routiers, la définition et le régime du véhicule de collection assurent un équilibre légitime permettant le respect de la conservation du patrimoine.

 

 

Jean-François Canat,

Avocat à la Cour, UGGC Avocats, Membre de l’Institut Art & Droit

Laure Assumpçao, Avocat à la Cour, UGGC Avocats

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