La Ford T, la Traction Avant ou la DS, la Jaguar Type E…
autant de voitures mythiques qui font encore rêver. Témoins incontestables d’une
histoire industrielle, les véhicules de collection – en plus de ravir des
collectionneurs spécialisés – présentent un intérêt patrimonial aujourd’hui
bien établi, qui justifie leur préservation et leur protection dans l’intérêt
public.
Toutefois, à l’heure de
préoccupations grandissantes pour le respect de l’environnement mais aussi pour la
sécurité routière, aussi bien à l’échelle communale, nationale, européenne qu’internationale, les véhicules sont soumis
à des normes de plus en plus restrictives
en termes d’émissions polluantes et
de systèmes de sécurité,
auxquelles les véhicules de
collection ne peuvent se conformer.
Or, l’attrait pour les véhicules de collection,
composante nécessaire de leur protection, serait bien moindre si le possesseur d’un véhicule
de collection ne pouvait circuler avec son véhicule sur
la voie publique. Comment
alors concilier, d’une part, les intérêts
légitimes de protection du patrimoine historique que représentent les véhicules de
collection et, d’autre part, la santé publique ?
Sous l’égide de
la Fédération française des véhicules d’époque
( FFVE), association reconnue d’utilité publique par
décret du 9 février 2009 dont l’objet est
« d’encourager, de coordonner et
de développer en France le mouvement général de la conservation, de
l’utilisation et de la collection de tout véhicule ancien, quelle qu’en soit la nature », le développement de la définition du véhicule de
collection et son régime témoignent d’une tentative
d’aménagement de ces
préoccupations à première vue contradictoires.
Définition
La définition du véhicule de collection
a suivi un mouvement
restrictif en deux temps, inversement proportionnel à
l’assouplissement de son régime. La construction normative relative aux
véhicules de collection a effectivement émergé à l’occasion de deux réformes
majeures : la première relative au système d’immatriculation des véhicules
(SIV) en avril 2009 et la seconde sur les nouvelles exigences en matière de
contrôle technique en février 2017.
Selon la définition actuelle du Code de la route, pour
être de collection, un véhicule doit remplir trois
conditions cumulatives. Précisons que
le terme de « véhicule » est entendu de façon
large et comprend tant les automobiles que les motos, camions, cyclomoteurs, tracteurs
agricoles ou remorque, qui peuvent être civils ou militaires.
La première condition est une condition liée à
l’ancienneté du véhicule. Condition commune à la définition actuelle et
ancienne du véhicule de collection, elle est allée vers une restriction des
véhicules concernés puisque le véhicule de collection doit désormais être âgé
de plus de trente ans, contre vingt-cinq jusqu’à la réforme du SIV de 2009. En
pratique, sont donc concernés les véhicules dont l’année de fabrication ou de
première mise en circulation est antérieure à 1990.
La deuxième condition
exige que le type particulier du véhicule, pour être de collection, ne soit
plus produit. Autrement dit, les caractéristiques relatives à la conception et
l’assemblage des pièces essentielles de la structure et de la carrosserie du
véhicule ne doivent plus être fabriquées par le constructeur.
Enfin, pour que
le véhicule soit de collection, aucune modification
essentielle ne doit avoir été apportée
aux caractéristiques techniques des composants
principaux de celui-ci, à savoir châssis/cadre, moteur, boîte, pont, carrosserie et suspensions.
Ainsi, seuls les véhicules dans leur état d’origine peuvent prétendre à la qualification de véhicule
de collection, ce qui en pratique implique que toute modification ou remplacement
doivent être réalisés avec des pièces
d’origine. Par conséquent,
les répliques et les reproductions
ne peuvent être classées
dans la catégorie des véhicules de collection.
Les véhicules qui
remplissent les trois conditions cumulatives précédentes – de plus de trente
ans, qui ne sont plus produits et dont les
caractéristiques n’ont pas été modifiées –
sont tous considérés comme présentant un
intérêt historique, indépendamment donc de tout autre critère
de valeur,
de rareté ou de marché,
par exemple.
Signalons que la définition susvisée du Code de
la route est désormais
alignée sur la définition
fiscale du véhicule de
collection qui, depuis 2014, présente
les trois mêmes critères
cumulatifs, ce qui facilite
la lecture du régime applicable
aux véhicules de collection. Pour être complet, il convient d’ajouter qu’il existe une tolérance administrative qui inclut en tant
que véhicules de collection les
véhicules automobiles dont, quelle que soit
la date de fabrication, il peut
être prouvé qu’ils ont participé à un événement historique, et les véhicules
automobiles de compétition dont il peut être prouvé qu’ils ont été conçus, construits
et utilisés exclusivement pour la compétition et qu’ils possèdent un palmarès
sportif significatif acquis lors d’événements nationaux ou internationaux prestigieux.
Régime
Pour circuler sur
la voie publique, les véhicules
de collection qui répondent à la définition réglementaire, à l’instar du reste du parc roulant,
doivent disposer d’un certificat d’immatriculation (ou « carte grise » selon la formulation
ancienne encore utilisée dans le langage courant). Il n’est pas
inutile de rappeler ici que le certificat d’immatriculation
n’est pas un titre de propriété
mais le document administratif qui autorise le véhicule à circuler.
Les véhicules de collection peuvent être immatriculés,
selon la procédure habituelle, avec les obligations corrélatives notamment en
termes de contrôle technique. Ils peuvent également prétendre à un certificat
d’immatriculation de collection, mentionnant l’usage spécifique « de collection », dont découle un régime
dérogatoire du droit commun.
Si l’immatriculation du véhicule de collection selon le
régime normal ou en usage de collection relève du choix discrétionnaire de son
propriétaire, les avantages de l’immatriculation en usage de collection sont
tels que l’alternative présente peu d’intérêt.
En effet, alors que de nombreux véhicules anciens ne passeraient pas le crible
du contrôle technique, le régime de faveur réservé aux véhicules immatriculés
en usage de collection leur permet de circuler librement sur la voie publique.
Avant 2009, les véhicules
en certificat d’immatriculation de collection
étaient soumis à des
restrictions de circulation
très importantes puisqu’ils n’étaient
libres de circuler que
dans le département d’immatriculation et les départements limitrophes, sauf pour se rendre
à des rallyes ou autres manifestations auxquelles ils pouvaient
être appelés à participer. Cette limitation
a été abandonnée en 2009, et les véhicules
de collection sont désormais autorisés à circuler sur
l’ensemble du territoire
national sans restriction géographique de circulation.
Les véhicules immatriculés en collection peuvent donc se rendre,
librement, partout en France et à l’étranger
(dans les pays autorisés par la carte verte de
l’assurance). Les véhicules immatriculés en usage de collection
peuvent notamment circuler dans
les communes et agglomérations qui ont pourtant restreint leurs conditions de circulation à certaines voitures anciennes dans le cadre de la lutte contre la
pollution ; c’est notamment le
cas à Paris où les véhicules
de collection sont autorisés à circuler alors que tous les véhicules
antérieurs à 2001 (véhicules Crit’Air 4) sont depuis le 1er juillet 2019 interdits à la circulation.
Les véhicules de collection étaient initialement
exemptés de tout contrôle technique ; ce qui se comprenait au vu notamment des
restrictions de circulations auxquelles ils étaient soumis jusqu’en 2009.
L’abandon de ces restrictions géographiques à la circulation s’est accompagné
en contrepoint de la soumission des véhicules de collection au contrôle
technique. Toutefois, les obligations en termes de contrôle technique sont
allégées pour ces véhicules, qui restent en pratique rarement utilisés sur la
voie publique.
Les véhicules de collection légers (poids total autorisé
en charge inférieur ou égal à 3,5 tonnes) et dont la mise en circulation est
antérieure au 1er janvier 1960 ainsi que les véhicules poids lourds
(poids total autorisé en charge supérieur à 3,5 tonnes) sont totalement
exemptés de contrôle technique, sauf lors de leur premier passage en carte
grise de collection et changement de propriétaire simultané.
Les véhicules de collection dont la mise en circulation est
postérieure au 1er janvier 1960, en plus de l’obligation de contrôle technique lors de leur première immatriculation en usage de collection et
lors de changement de propriétaire, doivent également
être soumis à un contrôle technique
périodique tous les cinq ans (par opposition aux échéances de six
mois précédant un délai de quatre ans à compter de la date de première mise en
circulation, puis tous les deux ans pour les véhicules en immatriculation «
normale »). D’un point de vue pratique, les essais réalisés lors des contrôles
techniques peuvent être adaptés pour répondre à la fragilité des véhicules anciens
de collection.
Parmi les autres avantages de l’immatriculation en
véhicule à usage de collection, figurent l’autorisation dérogatoire de conserver
le format de la plaque d’immatriculation d’origine (chiffres blancs sur fond
noir et sans identifiant territorial) et l’exemption de la procédure VTI
(véhicule techniquement irréparable) en cas d’accident. Seul revers à
l’immatriculation en usage de collection, les véhicules ne peuvent être
utilisés que pour un usage personnel, ce qui exclut toute utilisation
professionnelle et commerciale du véhicule, comme la location.
L’obtention d’un certificat d’immatriculation de collection
suit une procédure en deux
étapes. Le propriétaire du véhicule doit dans un premier
temps obtenir une attestation
établie soit par le constructeur ou son représentant en France, soit par la Fédération française des véhicules
d’époque (FFVE), certifiant que le véhicule répond à la définition réglementaire du véhicule
de collection, autrement dit que les trois conditions sont bien remplies et peut être immatriculé avec
l’usage véhicule de collection. Puis, dans un second temps, sur la foi de cette
attestation, le propriétaire du véhicule doit solliciter la délivrance du certificat d’immatriculation de collection
auprès de l’Agence nationale des titres sécurisés
(ANTS). Toute fausse déclaration est susceptible de constituer une infraction pénale, dont les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement
et 30 000 euros d’amende,
en vertu des articles 441-6
et 441-7 du Code pénal.
À l’épreuve des enjeux contemporains de préservation du climat et de sécurisation des transports
routiers, la définition et le
régime du véhicule de collection assurent un équilibre légitime permettant le
respect de la conservation du patrimoine.
Jean-François Canat,
Avocat à la Cour, UGGC
Avocats, Membre de l’Institut Art & Droit
Laure Assumpçao, Avocat
à la Cour, UGGC Avocats