Le 3 décembre dernier, c’est en présence
du médiateur de la consommation de la profession notariale, Christian Lefebvre,
et du Premier président de la cour d’appel de Versailles, Bernard
Keime-Robert-Houdin, que le Conseil régional des notaires de la cour d’appel de
Versailles a lancé son Centre de médiation. Rassemblant pas moins de
800 notaires et 2 700 collaborateurs – qui exercent dans les
Yvelines, mais aussi dans le Val-d’Oise, les Hauts-de-Seine et l’Eure et Loir
–, le Conseil s’ouvre aujourd’hui aux nouveaux modes de règlement des
différends. À cette occasion, le Journal Spécial des
Sociétés a rencontré son président, Emmanuel Ronzier.
Le 3 décembre dernier a été lancé le Centre de médiation du
Conseil régional des notaires de la cour d’appel de Versailles. Comment est né
ce projet ?
Le projet
est né de façon relativement classique. La médiation intéresse au premier chef
les pouvoirs publics, notamment la Chancellerie et la cour d’appel de
Versailles, et le notariat a naturellement toute sa place à prendre dans cet
essor. Ce développement est conforme à l’évolution de la société qui connaît
aujourd’hui des situations de plus en plus contentieuses. On n’est qu’au début
d’une tendance. La France est même en retard, quand on la compare par exemple à
son homologue italien, où le justiciable a obligation de passer par une
médiation avant de passer devant un tribunal. Des centaines de centres de
médiation existent déja en Italie.
Pour faire
naître ce centre, il a fallu l’investissement d’hommes et de femmes.
Ce sont mes prédécesseurs, Jean-Yves Boëffard et Jean-Marie Montazeaud, qui ont
porté ce projet à maturité. Cela demande de construire une offre, former des
notaires... J’ai pour ma part eu le plaisir d’assister à son lancement, le
3 décembre dernier.
Comment ce Centre va-t-il fonctionner ? Combien de notaires
médiateurs y sont aujourd’hui rattachés ?
L’objectif
est de mutualiser les moyens humains et techniques pour offrir ces services, aussi
bien aux juridictions qu’aux entreprises et aux particuliers. Ce Centre est
composé d’une vingtaine de notaires médiateurs qui proposent leurs services sur
les quatre départements du ressort. Le Conseil régional travaille de
concert avec les chambres, qui sont, dans ce cadre, d’importants relais locaux.
Comment fonctionne la médiation ? Quels sont ses
avantages ?
La médiation
est une technique amiable de règlement de litiges. Un tiers, neutre, est
présent pour faire renaître la discussion et faciliter les échanges entre les
parties – toutes deux présentes par leur volonté. Il éclaircit le dialogue et
permet de rétablir les relations, l’objectif étant que des parties même
émerge un accord ; ce qui constitue une grande différence avec le rôle de
conciliateur du notaire, qui propose lui-même la solution.
La médiation présente de nombreux avantages :
• en tant que
mode amiable, il évite le contentieux, et donc de passer devant un
tribunal ;
• se
présentant comme un choix, elle connaît une forte adhésion de la part des
parties ;
• le process
est rapide et les délais sont relativement courts ;
• son taux de
réussite est important, et s’évaluerait à hauteur de 70 à 75 % ;
• enfin, son coût est accessible. Outre la
médiation familiale (principalement subventionnées), la médiation, de par ses
délais avantageux, est moins coûteuse qu’une procédure classique. Le notaire
présente des honoraires classiques, mais sur une durée restreinte (il faut
compter entre 2 000 et 3 000 euros en moyenne pour une procédure
de médiation). Face à une procédure judiciaire, cela reste assez compétitif.
Quelle est la démarche à suivre pour saisir un notaire
médiateur ? Tout le monde peut-il y prétendre ?
Il existe
deux cas de figure. Lorsque la médiation passe par les tribunaux – ce qu’on
appelle la médiation judiciaire –, la saisie est nominative, sous couvert du
centre de médiation qui assure la logistique. Lorsqu’il s’agit d’un particulier
ou d’une entreprise, les parties contactent directement le Centre, qui saisira
à son tour un médiateur.
Le Centre
est ouvert à tous, juridictions, institutionnels, particuliers et
entreprises.
Dans quels domaines est-elle pratiquée ?
La médiation
concerne tous les domaines d’activité (sous réserve de la médiation familiale,
citée plus haut). Cette procédure peut particulièrement être intéressante pour
les entreprises, assez friandes de solutions alternatives. L’arbitrage existe
déjà, bien sûr, mais est utilisé pour de plus gros dossiers, et à la différence
de la médiation, la décision finale est imposée. La médiation peut également
être pertinente dans le règlement des litiges commerciaux et les mésententes
entre associés (que ce soit dans les professions libérales ou au sein des
sociétés commerciales), permettant ainsi de dénouer des difficultés existantes,
impactant parfois la gouvernance de la structure.
Toutefois, notre Centre n’est pas à même de régler les litiges en lien
avec la consommation notariale, c’est-à-dire des différends entre client et
notaires ces derniers sont pris en charge par le médiateur de la consommation
de la profession notariale Christian Lefebvre – ou les litiges entre notaires
associés ou entre notaires – dans ce cas-là,
il existe une cellule dédiée au sein du Conseil Supérieur du Notariat.
Les notaires doivent-ils suivre une formation particulière pour
devenir médiateurs ?
Le notaire
est un conciliateur, mais il lui reste une technique spécifique à acquérir.
La médiation demande une formation relativement lourde, permettant
l’acquisition d’une technique qui lui est propre.
Aussi, avant
l’ouverture du Centre, des notaires ont été formés à la médiation, et d’autres
sont encore volontaires aujourd’hui. La formation continue nous apparaît comme
primordiale, le but étant que tous les ans, les notaires du Centre suivent
une formation avec notamment des mises en situation.
Une
technique de tutorat vient compléter cette formation, avec un système de
médiateur observateur, novice, qui accompagne un médiateur expérimenté. Les
médiateurs sont enfin formés par un système de comédiation, permettant aux
nouveaux médiateurs de participer au réglement, sans pour autant en assurer la
totale gestion.
Vous dites « La médiation est dans l’ADN des
notaires ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous ne
sommes pas des médiateurs nés, par contre, nous sommes au quotidien des
conciliateurs, des personnes de contrats, de l’amiable. Nous sommes des tiers
de confiance, bienveillants et impartiaux. Il ne reste qu’un pas à faire pour
acquérir cette technique de la médiation.
Les magistrats
sont enclins à orienter les clients vers la médiation. C’est comme ça aussi que
se créeront de nouvelles habitudes de règlement. Nous allons ainsi former les
800 notaires du ressort à la prescription de la médiation. On souhaite
valoriser cette technique en orientant les clients vers le Centre :
« Avant de passer par une phase contentieuse, vous avez la possibilité
de passer par cette technique de médiation ».
Vous êtes-vous fixé des objectifs chiffrés ?
Nous ne nous
sommes pas fixé d’objectifs chiffrés, nous sommes davantage tournés vers une
méthodologie. Il est important de se faire connaître, tant auprès des
magistrats que du grand public, des entreprises et des institutionnels. La
communication est primordiale.
Nous irons à la rencontre de chaque juridiction pour présenter le Centre
aux présidents.
S’étalant sur un territoire vaste, le Conseil
régional des notaires de la cour d’appel de Versailles possède-t-il des
particularités ?
Au niveau
notarial, le territoire est très dynamique ! Notamment démographiquement,
puisqu’en deux ans et demi, le nombre de notaires a augmenté de 55 %.
On constate une hausse tant chez les notaires libéraux que les notaires
salariés. Nous avons d’ailleurs récemment dépassé le seuil des 800 notaires.
On constate également une baisse de l’âge moyen et une féminisation de la
profession.
La diversité du territoire transparaît alors dans la diversité de notre
notariat, à la fois rural et urbain, parisien et provincial. Une diversité qui
est notre richesse, à l’image de nos clients.
Propos recueillis par Constance
Périn