Le réseau Notaires au
féminin.com a été lancé le 9 mars dernier, au lendemain de la Journée
internationale des droits des femmes. Sa présidente, Barbara Thomas-David, est
notaire associée depuis 21 ans à Paris, spécialisée en droit privé,
gestion de patrimoine et immobilier/construction. Elle nous présente
l’association et revient plus largement sur la place des femmes dans le
notariat. Entretien.
Pouvez-vous
vous présenter ?
J’ai prêté serment en qualité
de notaire associée en l’an 2000, époque où nous étions 14 % de femmes. J’occupe également, depuis 2018, la présidence de
la commission Communication de la chambre interdépartementale de Paris.
Parallèlement, en tant que
membre de longue date du club « Génération femmes d’influence » et co-organisatrice du Prix de la femme d’influence
depuis 2014, il m’a paru indispensable que les femmes notaires, à l’image des
autres professions, puissent échanger au sein d’une structure dédiée. C’est pourquoi
nous avons créé Notaires au feminin.com.
Comment est
née cette association ? Pouvez-vous nous la présenter ?
Aujourd’hui, en 20 ans, en
une génération, nous sommes passées de 14 % à 53 % des
effectifs. Nous avons donc voulu créer la première association nationale de
femmes notaires.
L’idée est de réunir toutes
les femmes qui veulent développer et promouvoir la profession de notaire.
Toutes partagent le goût de l’action et cette envie de s’épanouir
professionnellement. Notre club se veut un véritable laboratoire d’idées et de
solutions pratiques pour chacune de ses membres.
Notre ambition est double :
le partage et la cohésion entre notaires, mais également la promotion de la
profession.
Une volonté de partage :
l’idée est de réunir des femmes notaires exerçant dans de petites structures
récemment créées comme dans des structures plus importantes, travaillant en
milieu rural comme dans des métropoles, afin de partager sur des thématiques
liées à l’exercice de notre profession. Échanger entre consœurs de manière confraternelle sur des
sujets juridiques comme sur des problématiques de management ou encore de
gouvernance, permettra de créer une cohésion nouvelle, de développer de
nouveaux points de vue et de renforcer ainsi le sentiment d’appartenance à
notre profession.
L’idée est également de ne
pas en faire un club fermé, mais une association ouverte à tous, car c’est
ensemble, avec les hommes, que nous pourrons avancer. C’est dans ce contexte
que le président du CSN, David Ambrosiano, nous a fait l’honneur d’accepter
d’être notre parrain.
Une volonté de promotion de
la profession : aujourd’hui,
plus de 50 % des notaires
en exercice sont des femmes. Dans ce monde en évolution permanente, avec de
nouveaux codes, comment se priver de la créativité, des valeurs modernes,
durables et novatrices qu’incarnent les femmes aujourd’hui ?
« En une
génération, la féminisation de la profession a été exceptionnelle. Cela fait du notariat
la profession la plus féminisée du monde de la justice. »
Quelles
actions souhaiteriez-vous concrètement mettre en place ?
Pour répondre aux envies, aux
attentes et aux disponibilités de chacune, notre programme est organisé autour
de trois types de manifestations.
Des journées thématiques
autour d’une idée : elles sont l’occasion de partager et d’échanger de
manière directe et concrète ou avec l’aide d’un intervenant sur des sujets
variés qui touchent le quotidien des notaires (actualité juridique, management,
accompagnement du changement, gouvernance…).
Des demi-journées autour
d’une personnalité : le club reçoit un invité de la sphère juridique,
économique, politique ou culturelle qui partage son parcours et son expérience.
Compte tenu de la situation actuelle, il est prévu d’organiser certaines de ces
manifestations en digital ou phygital.
Des déjeuners de
networking : ils permettent de créer des liens, d’instaurer des relations
privilégiées entre les membres du club dans une ambiance plus détendue.
Nous avons organisé, le 9 mars
dernier, notre évènement de lancement au Conseil Supérieur du Notariat sur le
thème « Parcours de femmes – vision d’avenir ». L’idée a été de réunir des femmes ayant
un parcours exceptionnel afin qu’elles nous fassent part de leur retour d’expérience
et de leur vision d’avenir pour un monde meilleur pour toutes et tous.
L’initiative a été marquée
par l’intervention d’Élisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les
femmes et les hommes, et d’Emmanuelle Wargon, ministre
en charge du Logement. Trois tables rondes ont été organisées afin d’échanger
sur des sujets d’actualité.
Une première table ronde, « Le leadership au féminin », s’est réunie
autour d’Agnès Bricard, commissaire aux comptes, présidente d’honneur du
Conseil Supérieur des Experts-Comptables, Alexandra Francois-Cuxac, présidente
de la Fédération des promoteurs immobiliers, Ghislaine Kapandji, présidente
honoraire des commissaires-priseurs de France, Christiane Lambert, présidente
de la FNSEA.
Une deuxième table ronde sur
le thème « Cheffes d’entreprise et enjeux sociétaux – le
management au féminin » a mis en avant Sophie Boissard, présidente de Korian, et
Catherine Guillouard, présidente de la RATP.
Enfin, une troisième table
ronde a conclu nos travaux par l’intervention de trois juristes, Gwenola Joly-Coz,
fondatrice de Femmes de Justice, Première présidente de la cour d’appel de
Poitiers, Marie-Pierre Péré, notaire, membre honoraire du bureau du CSN, et
Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l’Égalité. Celles-ci se sont penchées sur
la problématique suivante : « Comment les
femmes de droit peuvent-elles faire avancer
la cause des femmes ? »
Que signifie
être une femme notaire, aujourd’hui, dans une profession traditionnellement
masculine ?
J’ai eu la chance, dans ma
vie professionnelle, d’être entourée de femmes et d’hommes bienveillants, qui
m’ont donné le goût de ma profession et la volonté d’avancer. Pourtant, force
est de constater que cela n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi les
ambitions de notre association sont de susciter des vocations, d’être
inspirantes pour celles qui doutent, et de promouvoir des parcours
professionnels.
Il y a 20 ans,
on comptait 15 % de femmes chez les notaires. Aujourd’hui, la profession
en totalise 53 % (8 455 femmes et 7 445 hommes). Quel regard
portez-vous sur ces chiffres ?
En une génération, la
féminisation de la profession a été exceptionnelle.
Cela fait du notariat la
profession la plus féminisée du monde de la justice.
Ayant vécu cette
féminisation, je dirais qu’elle s’est faite naturellement, comme une évidence.
C’est pour cette raison, je pense, qu’il n’y a pas eu de clivages entre femmes
et hommes.
Quelles
actions la profession met-elle en place en faveur de la parité et de
l’égalité ?
La profession a adopté en
avril 2017 un plan managérial fixant comme objectif de promouvoir l’égalité H/F
et une juste représentation dans les instances. Parallèlement elle a soutenu,
en 2017 et 2018, les campagnes du secrétariat d’État en charge de l’Égalité,
dans le cadre de la Journée internationale pour élimination des violences
faites aux femmes.
À l’initiative de Maître
Marie-Pierre Péré, vice-présidente de l’association, ont notamment été
adoptées, en assemblée générale, des résolutions modifiant les règles de représentation dans
les élections professionnelles pour l’égal accès aux postes de responsabilité,
préconisant une proportion H/F de 40/60 % lors des candidatures au sein de tout organe de direction des
instances et des organisations du notariat et proposant un accompagnement des
femmes et des hommes pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle.
Il s’agit selon nous
d’avancées très importantes qui constituent un cercle vertueux.
Quels conseils
donneriez-vous aux femmes qui se préparent à devenir notaires, ou
souhaiteraient se lancer dans la profession ?
Tout d’abord, avoir le goût
pour le droit et les relations humaines, mais également avoir un esprit
entrepreneurial, car un notaire est aussi un chef d’entreprise.
Ne pas hésiter à avoir
plusieurs expériences, car l’une des particularités du notariat, qui en fait sa
richesse, est sa diversité. Diversité en termes de territoire, de structure
d’exercice et domaines d’activité.
Enfin, prendre attache avec
une association, telle la nôtre, qui a pour vocation de promouvoir les jeunes
diplômées.
Enfin, de
façon générale, quel regard portez-vous sur l’égalité entre les hommes et les
femmes en France ?
Même s’il reste encore beaucoup
de domaines où de réels progrès sont nécessaires, je pense que les Français, et
notamment les jeunes générations, ont intégré cela comme une évidence, un enjeu
de société qui nous oblige tous. La parité est un atout compétitif, nous y
serons tous gagnants à la fin.
Propos recueillis par
Constance Périn