Examiné au Sénat, le texte du
ministre de l’Économie et de la ministre déléguée chargée des Entreprises vise une
moindre charge administrative des entreprises, plus de confiance dans les
relations avec l’administration, moins de normes et un appui aux projets
industriels. Parmi les points d’achoppement avec les sénateurs, la
simplification du bulletin de paye et la réduction de normes environnementales.
« La simplification
est une exception, elle doit devenir la règle », affirmait hier le ministre
de l’Économie Bruno Le Maire devant la commission sénatoriale en charge du
projet de loi sur la simplification de la vie économique, associée pour
l’occasion à la délégation sénatoriale aux entreprises. Déposé le 24 avril
dernier au Sénat, le texte sera discuté en séance publique à partir du 3 juin
prochain. Il affiche quatre principes au long de ses 12 titres et 28 articles :
diminuer les démarches administratives des entreprises, remettre de la
confiance entre entreprises et administration, réduire la norme, faciliter les
projets industriels.
« Nous ne pouvons que
nous réjouir que le texte s’appuie sur les travaux de sénateurs et sénatrices,
a salué en ouverture le président de la commission Rémy Pointereau (LR). Nous
sommes particulièrement sensibles à la question de l’empilement des normes et à
la nécessité de distinguer la norme qui protège de celle qui entrave. » Néanmoins,
le recours à des ordonnances sur plusieurs sujets centraux et l’absence de
mesures pour les agriculteurs (sujet traité par le projet de loi d’orientation
en matière agricole) ont suscité des réserves. « Il manque une approche
structurelle », a aussi regretté le président de la délégation aux
entreprises Olivier Rietmann (LR).
Alléger
les obligations administratives
Le projet de loi fixe comme
principes « la suppression d'obligations de déclarations, la
déclaration plutôt que l'autorisation, un silence qui vaut accord plutôt qu'un
silence qui vaut refus » (titres II et IV du projet de loi). Cela se
traduit par la suppression, par ordonnance, des 1 800 formulaires Cerfa et
de milliers d’autres démarches administratives, dont certaines déclarations
redondantes (article 2). Ainsi, les chefs d’entreprise n’auront plus à envoyer d’attestation
d’arrêt de travail ni d’attestation chômage, et le seuil d’obligation de
déclaration Das2 (honoraires versés à des tiers) sera doublé, de 1 200 à
2 400 euros.
La mesure phare, la
simplification du bulletin de paye (article 7), est une de celles qui suscitent
le plus de critiques. Le bulletin de salaire devrait, d’ici 2027, passer de 55
lignes (chiffre supérieur à la réalité selon la sénatrice LR Pascale Gruny) à
une quinzaine. Bruno Le Maire veut que « le salarié voie ce que paye
l’entrepreneur, ce qu’il paye comme cotisations et ce qu’il paye comme impôts,
plutôt que de se retrouver noyé dans une somme d’informations dans laquelle il
ne se retrouve pas ».
Même s’il assure que
l’objectif est que les employeurs aient moins d’informations à saisir, certains
sénateurs expliquent qu’ils devront de toute façon conserver les éléments
supprimés du bulletin et y voient une simplification de façade. La sénatrice
Raymonde Poncet Monge (Ecologiste Solidarités et Territoires) y voit une
posture « idéologique », car avec ce système les salariés ne
verront plus comment les prélèvements effectués sur leurs salaires financent le
modèle social. Ils devront aller le voir sur une « banque de données
sociales » alimentée par l’administration.
L’article 6 prévoit de
diminuer de deux à un mois le délai d’information aux salariés lors de la vente
d’une entreprise, établi pour leur permettre de racheter l’entreprise, par
exemple sous forme de coopérative. La rapporteure Catherine Di Folco (LR) souhaiterait
le supprimer, puisque très peu de salariés rachètent leur entreprise.
Faciliter
la commande publique et la vie des TPE
Le titre III entend simplifier
la commande publique, en proposant une plateforme commune et un profil unique
d’acheteur, que l’appel d’offre émane de l’État, des organismes de sécurité
sociale, de l’hôpital public ou d’un opérateur public comme une université. Le ministre de l’Économie a invité les
collectivités territoriales à rejoindre ce système. Le but est aussi
l’unification des avances de trésorerie (30% pour tous) et de la gestion des
contentieux sur la commande publique par le seul juge administratif.
Les TPE (très petites
entreprises) verront également certains droits alignés sur ceux des
particuliers (titre VI) : gratuité de la clôture d’un compte bancaire,
possibilité de résilier à tout moment une assurance, délais d’indemnisation
inscrits dans la loi. Si le président de la commission juge certaines mesures
trop sectorielles, la ministre déléguée chargée des Entreprises, du tourisme et
de la consommation Olivia Grégoire y voit « un enjeu de justice
économique » pour protéger les petites entreprises « plus
vulnérables ». Le texte vise aussi à faciliter l’installation de
commerces et à fluidifier les relations entre bailleurs et commerçants (titre
X), avec un paiement mensuel des loyers et une limitation à trois mois du dépôt
de garantie.
Mettre
la confiance au cœur de la relation entre administration et entreprise
Le deuxième grand principe du
texte est de mettre la confiance au cœur des relations entre administration et
entreprises. L’idée est ainsi d’accompagner plutôt que sanctionner. Le projet prévoit
de supprimer la peine d’emprisonnement en cas de manquement à certaines
déclarations (article 10). « Nous ne devons pas faire de chaque chef
d’entreprise un fraudeur en puissance parce qu’il a mal rempli telle
déclaration », estime Bruno Le Maire.
Le texte veut aussi étendre les
« rescrits », ces réponses de l’administration sur l’interprétation d’une
situation ou d’une règle fiscale, à d’autres domaines que la fiscalité.
L’objectif est aussi de constituer un recueil consultable qui fasse
jurisprudence.
Le gouvernement veut évaluer
l’efficacité des normes vis-à-vis des entreprises (article 27), et les
sénateurs souhaitent y intégrer la proposition de loi « Test PME ».
Elle prévoit l’instauration d’un conseil composé de chefs d’entreprises et d’un
secrétariat interministériel, qui aura pour objectif d’évaluer l’impact de
nouvelles réglementations sur la vie des entreprises.
Rationaliser
la norme
Le troisième objectif du
texte est de « rationaliser la norme », c’est-à-dire diminuer
le volume des textes réglementaires. Bruno Le Maire souhaite un rendez-vous annuel
pour poursuivre ce but. Le projet de loi (article 11), prévoit la possibilité
de réformer par ordonnances le droit des contrats spéciaux (vente,
échange, louage d’ouvrage, bail, prêt, dépôt, séquestre, contrats aléatoires,
mandat) afin d’en réduire la masse.
Le premier titre vise la
suppression de cinq commissions administratives consultatives. Dans son
collimateur, la Commission supérieure du numérique et des postes dont la
suppression suscite le désaccord du rapporteur Yves Bleunven (Union centriste),
au prétexte que c’est un organe de contrôle parlementaire. Bruno Le Maire ne
compte a priori pas en faire un cheval de bataille : il affirme s’en
remettre à « la sagesse du Parlement » en la matière.
Faciliter
les projets industriels
Un dernier objectif du texte
présenté au Sénat est de faciliter les projets industriels et d’infrastructures,
notamment afférant à la transition écologique et numérique (titres VII à IX). Il
prévoit de faciliter l’installation de data centers, d’antennes de
téléphonie mobile, d’installations d’énergie renouvelable et d’accélérer
l’attribution des permis de recherche des mines et de géothermie.
La compensation de la perte
de biodiversité lors de l’implantation de structures industrielles devrait être
assouplie. Actuellement, pour être validé, un projet industriel doit déjà comporter
un plan de compensation avec le terrain nécessaire disponible. Le projet de loi
permet de le finaliser après le début des travaux.
Mais plusieurs sénateurs
s’inquiètent des répercussions écologiques. Le ministre de l’Économie assume :
« Il vaut mieux produire en France avec une énergie décarbonée, plutôt
que de continuer d’importer ces produits réalisés dans d’autres pays où le coût
climatique est infiniment plus élevé. »
Aude
David